Amandine Thouny et Tristan ThomasDans le jardin du philosophe et de l’architecte

Nous refusons les additifs, les conservateurs, les colorants et les arômes, même ceux dits naturels. Dans chacun de nos produits, vous trouverez des fruits locaux et de saison, des épices de petits producteurs , des infusions de fleurs, du sucre non raffiné, de l’amour et des convictions ! », tel est l’engagement affiché par Amandine et Tristan cofondateurs de la marque “Nos jardins [im]parfaits”.

Ce couple d’anciens citadins convaincus a vu ses certitudes boulversées par un voyage humanitaire en Afrique au point de changer radicalement de vie, troquant le costume de rat des villes pour celui de rat des champs. Hier architecte et philosophe, ils créent aujourd’hui des nectars et confitures éthiques et atypiques au cœur d’un petit village jurassien.

Si d’aventure, l’envie naîssait chez d’aucuns de mettre en image la vie d’Amandine Thouny et de Tristan Thomas, côté bande son c’est à n’en point douter la chanson la fièvre de Julien Doré qui s’imposerait alors, à la différence près toutefois, que si le monde de ce couple a bien changé, ce n’est pas seulement de quelques vertèbres qu’il s’est déplacé, mais bien de tout son squelette. Originaire de l’Ain, Amandine Thouny rencontre Tristan Thomas à Lyon sur le campus universitaire. Venu d’Aix-en-Provence, le jeune homme est inscrit dans un cursus en philosophie, tandis qu’elle, se construit un bel avenir d’architecte. Ces deux vrais citadins tant dans les habitudes, que dans les envies sont également globe trotteurs à leur heu- res perdues. C’est justement lors d’une de leurs évasions en terres inconnues qu’ils vont pleinement se retrouver. « En 2009, nous avons participé à un voyage humanitaire au Burkina Faso, suivi en 2011 d’un périple en sac à dos à la rencontre de l’autre loin des clichés touristiques. Des expériences immersives qui nous ont profondément bouleversés et qui nous ont conduits à revoir notre mode de vie, pour tendre vers l’exemplarité et le respect des valeurs de simplicité de vie et d’écologie », raconte le couple. Après dix ans sur Lyon, le duo prend la route, celle non balisée des chemins de traverse, conscient que ce qui compte ce n’est pas la destination, mais la voie qui y mène. Leurs pas, les mènent d’abord dans un monastère dans l’Ain où ils occuperont les postes de gardien (pour lui) et de cusinière. Sur place, on leur propose une mission : la remise en état du jardin intérieur, comme au temps des frères chartreux. « Cette découverte du travail de la terre fût pour nous une révélation. Tous deux végétariens, nous nous sommes alors mis à réfléchir à un projet professionnel autour de l’agriculture ». Toujours dans le département de l’Ain où Amandine a de la famille, le couple s’installe dans une ferme collective sur les hauteur
du Revermont, où il s’initie à la transformation des fruits et légumes. « C’est là que nous avons eu la preuve qu’il était possible de vivre de la production de confitures et que cela pouvait être un exemple à suivre pour nous ». Restait à trouver le lieu idéal pour faire mûrir ce beau projet : c’est chose faite en 2017. Notre binôme craque pour un terrain avec maison d’un hectare dans le Jura, dans le petit village perché à 450 mètres d’altitude de Saint-Jean-d’Étreux. Un signe : le lieu possède déjà un atelier de confiture aux normes d’hygiène et de sécurité alimentaire. Avant de plonger sans regret et en toute serénité dans leur nouvelle vie. Thomas et Amandine se forment : lui en maraîchage bio au Centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Montmorot dans le Jura et elle en transformation des fruits et légumes au Centre agricole professionnel spécialisé de Florac en Lozère. Une formation que notre jeune entrepreneuse complète d’un cursus long de cinq semaines à la création d’entreprise, dispensé par l’antenne de Lons-le-Saunier du réseau BGE Franche-Comté et réservé au femmes : « Des elles pour entreprendre ». Ainsi armé, le couple lance, en 2018, leur société de préparation de nectars, jus et confitures éthiques et atypiques : Nos jardins [im]parfaits. « En créant cette marque nous souhaitons montrer que l’acte de consommer peut être un acte politique fort au service du respect des femmes, des hommes, qui nous nourrissent, et du vivant qui nous entoure ! ».

DU BIO QUI FAIT SENS

Dans cette logique de respect, d’écologie et d’excellence, ils plantent leur premier verger labellisé bio (un deuxième récemment acquis devrait être mis en culture en 2022). « Adèpte de l’agro-écologie, nous sommes et resterons sur un modèle du type micro-ferme avec une surface cultivée n’excédant pas un hectare, des espaces boisés et en friches, des haies bocagères, dans un esprit de respect et de maintien de la biodiversité sur nos parcelles ». Labellisé Nature&Progrès, une association pionnière de l’agriculture biologique qui prône des valeurs d’équité, de proximité, d’autonomie et de partage, nos deux maraîchers transformateurs ont à cœur de cultiver des variétés peu ou pas cultivées et dont l’approvisionnement est difficile mais aussi des espèces anciennes locales, comme le cassis Noir de Bourgogne, intensément végétal ; de la framboise Rose de Côte d’Or, acidulée et boisée ; de la fraise Capron Royal, première fraise cultivée de nos régions ; du piment de Bresse, puissamment fruité… « Persuadés que la gastronomie responsable passe par la valorisation de fruits et légumes qui poussent localement.Vous ne trouverez donc pas de confiture d’ananas du Revermont ni de nectar d’abricot jurassien chez nous ! Ainsi 99 % de nos fruits et légumes sont français. Refusant les conservateurs et les stabilisants dans nos produits, nous ajoutons parfois du citron bio provenant de Sicile. Dans une démarche d’exploration prospective, nous avons également le désir d’implanter dans nos vergers des citronniers Yuzu, aux arômes puissants ; des poivriers de Sichuan, à la saveur chaude et piquante ; des aromatiques rares comme la verveine d’argentine, fraîche et mentholée; de l’estragon du Mexique, intensément anisé. Anciennes, rares ou atypiques, nos variétés de fruits, légumes et plantes sont choisies avant tout pour leur goût, précise le duo tout en ajoutant : qu’en attendant d’atteindre l’autonomie de notre production fruitière, nous achetons en direct à des producteurs bio des fruits cueillis à juste maturité, le plus localement possible ». Avec audace et recherche de l’équilibre, le couple conçoit des recettes atypiques qui mêlent fruits, légumes et épices dans une étonnante cohérence où l’esthétique ne cède rien au goût. Des épices, comme un écho à leurs voyages, qui là encore sont achetées à de petits producteurs bio. « Nous connaissons l’origine exacte de toutes nos épices car nos épiciers travaillent de la “ferme à la table”, ce qui nous garantit des épices d’une grande fraîcheur, au goûts exceptionnels, avec une éthique respectueuse des petits paysans, leur garantissant un revenu décent ». Ces constructions culinaires, élaborées étape par étape par nos architectes du goût, se sont très vite faites remarquer par le monde de l’épicerie fine. Leur nectar « Rhubarbe, rose d’Ispahan, cardamone » s’est ainsi vu remettre le prix Épicure de bronze 2020, leur ouvrant les portes d’adresses prestigieuses comme la Maison Plisson à Paris, mais aussi de restaurants étoilés à l’image du Georges Blanc à Vonnas, dans l’Ain (trois macarons), le deux étoiles d’Alexandre Mazzia à Marseille ou encore le triplement étoilés d’Anne-Sophie Pic à Valence. « Nous nous attendions pas à une telle reconnaissance, c’est pour nous une vraie fierté. Notre entrée à la carte d’Anne-Sophie Pic fait partie de nos meilleurs souvenirs. Nous avions rencontré sur un marché dolois de producteurs locaux Tom Meyer. Ce jurassien d’origine est l’un des chefs du restaurant de Valence. Un an plus tard, nous décrochions un rendez-vous dans les cuisines d’Anne-Sophie Pic pour présenter nos produits. Habituellement, la procédure obéit à un rituel strict qui veut que la dégustation des produits se fasse avec la brigade une semaine après la présentation. Or très vite, après avoir parlé de notre démarche, fait sentir nos épices, évoqué nos producteurs, notre estragon du Mexique (une épices très peu connue)… ils ont voulu goûter sans attendre. Ils se sont montrés très supris par les équilibres et le lendemain la maison Pic annonçait sur instagram que nos produits intégraient leur carte ! ». Cette belle carte de visite donne confiance à notre couple en reconversion qui ne cache pas souffrir beaucoup de la crise sanitaire : « Au regard de notre démarche engagée et de la qualité de nos produits, notre seuil de rentabilité est plutôt élevé. De plus, nous sommes en phase de croissance, ce qui nous oblige à constituer du stock et induit un gros besoin en trésorerie… », témoigne Tristan Thomas qui n’exclut pas de devoir retouver, pour un temps, un travail salarié à côté pour compléter.

Parcours

1980 Naissance d’Amandine Thouny, le 16 mars à Bourg-en Bresse.
1984 Naissance de Tristan Thomas, le 3 juillet 1984 à Marseille.
2017 S’installent dans le Jura sur la commune de Saint-Jean-d’Étreux et créent créent, un an plus tard leur marque Nos jardins [im]parfaits et plantent leur premier verger bio.