Aurélie GonetCyclovoyageuse

Aurélie Gonet Ouzbékistan

L'équipement d'Aurélie Gonet a attisé la curiosité d'un groupe d'enfants et de gens venus l'aborder, à Kungrad, en Ouzbékistan.

Chargée de communication à l’École nationale supérieur d’art (ENSA) de Dijon, cette jeune trentenaire passionnée par les voyages s’est lancée dans une grande aventure : rejoindre Pékin à vélo… depuis la place Darcy !

Nous sommes le 3 mars 2019. Place Darcy à Dijon. Ils sont plus d’une centaine à venir soutenir le départ de cette cycliste plus motivée que jamais ! Aurélie Gonet a invité tous ses proches, amis, collègues pour immortaliser cet instant : elle roule en direction de Pékin ! Plus de 10.000 kilomètres à parcourir. « Tout à coup, j’ai pris peur… Direction la Chine ! C’était la première fois que je montais sur mon nouveau vélo, armé de 30 kilos de sacoches ». Premier jour : 45 kilomètres parcourus. « J’étais tellement épuisée physiquement que le deuxième jour, j’ai décidé de faire un jour off ! », avoue-t-elle en souriant. « Je suis repartie le troisième jour en sachant que j’allais en baver mais avec pour maxime : l’important c’est d’avancer un peu chaque jour ».

Rien ne prédestinait Aurélie Gonet à se lancer dans une telle aventure… De nature peu sportive et peu débrouillarde, son entourage avait toujours essayé de la dissuader de réaliser un de ses rêves : parcourir un pays entier à vélo. Ne trouvant ni candidat pour l’accompagner, ni mentor pour l’encourager, Aurélie Gonet laisse passer dix ans, tout en ayant cette conviction au fond d’elle-même que ce voyage était important pour son parcours de vie.

Jusqu’au jour où elle assiste à une conférence de Frédéric Mary, à la FNAC : « Il avait déjà fait plein de voyages à vélo. C’était le premier voyageur à vélo que je voyais, un cyclovoyageur… Je ne savais pas que ça existait ! Il s’apprêtait à traverser l’Afrique du nord au sud. Je lui ai alors demandé comment il se préparait physiquement. Il m’a répondu qu’il allait à son rythme ». La révélation ! « Alors je me suis dit s’il n’y a pas besoin d’entrainement, cela veut dire qu’un jour je ferai un voyage à vélo et je traverserai un pays ! », s’était enthousiasmée la jeune femme.

Aurélie Gonet sort alors un vieux vélo qui trainait dans son garage et qui prenait la poussière. Elle achète deux sacoches et fais réviser les freins. Chaque année, la jeune trentenaire rejoignait une copine à Londres et une autre à Edimbourg mais ne savait pas ce qu’il y avait entre ces deux villes. Sans avertir ses proches, elle met le vélo dans l’Eurostar. À l’époque, il y a cinq ans, les données mobiles de navigation n’étaient pas aussi performantes qu’aujourd’hui. Résultat : la voilà seule à Londres avec son vélo, sans même avoir prévu son itinéraire. Toutefois, Aurélie Gonet se sent « super bien ! » « Le voyage s’est fait de ville en ville : je dormais dans des hôtels ou auberges de jeunesse », confie la cyclovoyageuse. Première victoire : arrivée à Edimbourg au bout de trois semaines ! En témoigne ce selfie intégrant le panneau et le vélo, publié avec fierté sur les réseaux sociaux et qui immortalise cet instant. Durant ce premier périple, Aurélie Gonet s’est rendu compte que les peurs que les autres projetaient sur elle n’étaient pas ses propres peurs. Elle s’est alors rappelée un vieux rêve : aller en Chine à vélo. Il fallait alors tester un voyage dans des conditions plus difficiles car en Angleterre, le temps avait été au beau fixe. De la nature ? Du mauvais temps ? C’est l’Islande ! lui répond un ami sans hésiter. Après avoir visionné quelques photos sur le net, sans plus attendre les billets pour Reykjavik sont pris ! Ce deuxième cyclovoyage fut très éprouvant pour la chargée de communication qui n’est pas de nature sportive : « Ce tour de l’Islande a été très exigent car il y avait beaucoup de dénivelés. J’en ai bavé comme jamais. Parfois, je me retrouvais seule sur des pistes en me demandant ce que je faisais là », avoue-t-elle. Mais, l’aventurière ne s’est pas laissée décourager et a même terminé son périple par le marathon de Reykjavik ! En six heures certes… mais elle l’a fait ! « La vie, c’est magnifique ! Il faut tenter de réaliser ses rêves, c’est déjà un premier pas ! » Reboostée à bloc, Aurélie Gonet a le sentiment que le Dijon-Pékin ne doit plus attendre. D’autant plus qu’en parallèle sa maman est tombée gravement malade. En préparant cette aventure, celle-ci décède et le vide laissé ne donne plus aucun sens à son rêve. Ce qui va lui redonner du courage, c’est cette volonté de récolter des fonds pour la recherche contre le cancer avec le Centre Georges François Leclerc (CGFL) de Dijon. « Il est important de savoir d’où on est parti pour apprécier là où on a envie d’aller, et où on est finalement arrivé », poursuit-elle.

Première étape : annoncer à sa directrice son besoin de congés sans solde d’une durée minimum de huit mois. Pour plus de conviction, une petite map monde dans les mains pour expliquer le projet. Résultat : demande acceptée avec même des encouragements ! Deuxième étape : chercher des sponsors (Crédit Mutuel Enseignant, Decathlon Dijon-Quetigny, festival les Nuits d’Orient, la Bécane à Jules, Primal performance, Ultimate cycles distribution ont répondu présents) et lancer une campagne de financement participatif via la plateforme Kiss Kiss Bank Bank. Une fois, la somme récoltée – ou en partie – lancer les invitations pour le top départ. Le 3 mars dernier, Aurélie Gonet grimpe sur son tout nouveau vélo. Direction la chine ! « Avant de partir, plusieurs pays de l’Est avait une consonance qui me faisait peur comme la Serbie, la Bulgarie ou la Turquie. Mais, plus j’allais vers l’Est, plus le niveau de vie matériel des gens était faible, plus ils compensaient humainement. Ils voulaient me faire expérimenter leur mode de vie : aller chercher leurs enfants à l’école, rencontrer les voisins, j’ai même livré du pain en Ouzbékistan ! », se souvient-elle. À 98%, la voyageuse n’a rencontré que des personnes bienveillantes. « Le reste ce ne sont même pas des mauvais souvenirs, ce sont des anecdotes de voyage », assure-t-elle.

LE VOYAGE PERMET DE CASSER LES CLICHÉS

La Turquie était un des pays les plus redoutés à cause des clichés que la jeune femme avait sur la vision de la femme dans ce monde musulman. « Finalement, même les hommes étaient très bienveillants. Certes, il y a eu de la séduction tout au long du voyage mais cela n’a pas été une séduction agressive où je me sentais mal. Je buvais le thé et je m’en allais », témoigne l’aventurière. À partir de cet instant, un déclic s’est opéré : les hommes ne seront plus un problème sur son chemin. « Je pense que si l’on montre qu’on a confiance en soi et si on s’affirme par la voix, qu’on est poli avec quelqu’un qui arrive violemment, cela met une barrière de respect. Ce sont des petites choses qui m’ont servi pendant mon voyage », confie Aurélie Gonet qui est repartie de ce pays éblouie par les paysages. La voici repartie avec une petite appréhension au ventre en arrivant à la frontière géorgienne, car les Turcs très accueillants, n’en disaient pas autant sur leurs voisins. Mais ô surprise : encore une fois des gens qui ouvrent grand leur porte et partagent leur repas. « Je me suis rendu compte que chaque pays avait une mauvaise image de son voisin et me déconseillait vivement de traverser la frontière. Alors je me suis demandée si moi aussi j’avais ces mêmes aprioris sur les pays frontaliers de la France. La réponse est “oui, un peu quand même !” Le voyage permet de casser ces clichés », remarque la cyclovoyageuse.

LA RÉVÉLATION : L’ÉCRITURE DE BIOGRAPHIES

Le reste du voyage a été autant de découvertes personnelles et d’introspection. « Le voyage est une succession de rencontres et d’au-revoir. On a tout le temps le cœur qui bat ! », poursuit-elle.

Le Tadjikistan restera aussi un pays marquant pour la jeune femme. D’une part, par son environnement hostile : beaucoup d’altitudes. Une contrainte qu’elle a su gérer en allant lentement, à son rythme et avec le soutien de la population, très généreuse. D’autre part, par son accident. La jeune femme s’est faite renverser par une voiture et a dû rester immobilisée deux semaines faute d’une blessure au genou. Une épreuve qui lui a permis de réfléchir – à 4.000 mètres d’altitudes – sur le réel sens de sa vie. Que voulait-elle vraiment ? Elle avait pourtant un travail qui lui plaisait en cohérence avec ses études d’histoire de l’art, mais il lui manquait quelque chose : écrire des livres ! Plus précisément des biographies. Son projet aujourd’hui – tout en continuant son métier de chargée de communication à l’Ensa – est de raconter la vie de personnes ordinaires au parcours parfois extraordinaire afin de pouvoir garder une trace dans la famille. C’est au grès de ses rencontres avec tous ces gens qui lui ont raconté leur histoire et leurs rêves d’enfant, qu’Aurélie Gonet s’est rendu compte à quel point elle aimait écouter les gens. Permettre que ces paroles restent et se transmettent de génération en génération prend tout son sens.

Son voyage s’est terminé le 10 novembre en Chine, après 7.500 kilomètres au compteur et un final au marathon de Pékin. La cyclovoyageuse a ainsi ramené une belle médaille et 15.000 euros pour la recherche contre le cancer. Le mot de la fin : « Tenter, c’est déjà gagner ! »

Parcours

1985 Naissance, le 6 décembre à Dijon.
2015 Premier voyage à vélo Londres-Edimbourg.
2016 Premier marathon à Rome.
2017 Tour de l'Islande à vélo.
2019 Voyage Dijon-Pékin à vélo.