Crise de l’offre: le marché continue de se tendre

Les promoteurs sont inquiets. Alors que la demande de logements ne faiblit pas dans l’aire urbaine toulousaine, l’offre se raréfie de plus en plus. Le coronavirus n’est pas seul en cause. L’attentisme des élus explique pour une bonne part cette chute des mises en ventes qui aura de lourdes conséquences sur la construction.

Les prix de l’immobilier neuf à Toulouse et dans l’aire urbaine toulousaine ne sont pas près de baisser. C’est ce qu’il faut déduire des chiffres présentés le 23 juillet par Jean-Philippe Jarno, le président de l’Observer. Créé à l’initiative de la Fédération des promoteurs de l’immobilier (FPI), de l’Union sociale pour l’habitat et de l’Union nationale des aménageurs, et regroupant une cinquantaine de membres, l’Observer publie régulièrement un état du marché de l’immobilier neuf, dans les 453 communes de l’aire urbaine toulousaine. Le bilan présenté la semaine dernière porte sur les chiffres de vente collectés au premier semestre 2020 et crise sanitaire oblige, ils ne sont pas bons.

UNE CORRÉLATION ENTRE BAISSE DES MISES EN VENTE ET DES VENTES

Le nombre de ventes enregistrées dans le neuf au cours des six premiers mois de l’année accuse un recul quasi historique. Dans l’aire urbaine, les ventes au détail ont en effet chuté de 35 % par rapport au premier semestre 2019 (soit 2330) et de 47 % à Toulouse (soit 1 095).

Une baisse qui suit de façon étroite celle des commercialisations : sur la période, elles ont régressé de 40 % dans l’aire urbaine (soit 2212 logements mis à la vente seulement) et de 50 % à Toulouse (soit 981 mises en vente). Cette diminution de l’offre commerciale n’est cependant pas un fait nouveau. Les professionnels de l’immobilier observent ce phénomène depuis de longs mois. En 2019, un net recul des mises en vente avait en effet déjà été observé, avec, sur le premier semestre, un déficit d’un millier de mises en vente par rapport à la moyenne des trois années précédentes.

« Nous anticipions depuis plusieurs trimestres que la baisse régulière des mises en vente allait conduire de manière évidente à une baisse des ventes. C’est ce qu’on a constaté dès les trois premiers mois de 2020, confirme Jean-Philippe Jarno. L’offre de logements a continué de baisser, ce qui a mécaniquement conduit à faire chuter le nombre des réservations. » Le confinement a compliqué un peu plus encore l’obtention des permis de construire et allongé sensiblement les délais de recours, d’où une baisse des commercialisations de l’ordre de 65 % au cours du deuxième trimestre. Selon Jean-Philippe Jarno, il faut remonter à 2009, après la crise des subprimes, pour retrouver un niveau de mises en vente équivalent, « ce qui veut dire que la machine sera difficile à remettre en route », observe-t-il.

« CE N’EST PAS LA FAUTE DU COVID-19 »

Si la crise sanitaire a contribué à noircir le tableau, selon Stéphane Aubay, président de la FPI Occitanie Toulouse Métropole, la chute des permis de construire est cependant surtout due « aux élections municipales », qui dans toutes les grandes métropoles ont été retardées au mois de juin. « Nous avons constaté depuis un an, et même un an et demi, une baisse importante du nombre de permis délivrés, dans l’attente de ces élections. Il ne faut donc pas tout mettre sur le dos du Covid-19, qui n’a certes, pas arrangé la situation. C’est plutôt la faute des élus qui avant les élections freinent de manière très importante la délivrance des permis ».

Toutefois, nuance Jean-Philippe Jarno, « il semblerait que les délivrances de permis redémarrent et on espère que cela va s’accélérer plus fortement ». D’autant que, ajoute-t-il, « Toulouse reste, par rapport aux autres grandes villes de France, un peu préservée, même si les chiffres sont difficiles ». De fait, si dans le territoire de la métropole toulousaine, les volumes d’activité, au premier trimestre 2020, ont chuté de 19 % par rapport au premier trimestre 2019 concernant les mises en vente, cette baisse atteint 55,6 % à Montpellier, voire 59,8 % à Bordeaux.

Plus près de Toulouse, le territoire du Sicoval connaît lui aussi une chute d’activité record, avec 115 logements vendus. Un recul dû à la quasi-absence des mises en vente. Deux programmes seulement ont été commercialisés au premier semestre dans le sud-est toulousain, soit 23 nouveaux logements. Le niveau des stocks ressort à la fin du mois de juin à tout juste 200 logements disponibles.

D’IMPORTANTES VENTES EN BLOC ANNONCÉES

Cet « effondrement des mises en ventes » est d’autant plus préoccupant que, ajoute-t-il « la demande est toujours présente ». De fait, après deux mois de confinement et un redémarrage un peu lent, « depuis trois semaines, constate en effet Jean-Philippe Jarno, les ventes sont reparties assez fortement. »

Une partie des ventes à l’unité qui n’ont pas été réalisées au cours du premier semestre pourrait être en partie compensée par des ventes en bloc qui devraient être signées dans les prochaines semaines avec les bailleurs sociaux. Elles pourraient concerner près de 2000 logements dans l’aire urbaine. Ces ventes en bloc s’intègrent dans le plan « 40 000 logements » de CDC Habitat. Début avril, afin de limiter l’effet de la crise sanitaire sur la production de logements en France, l’organisme, partie prenante de la Banque des Territoires et premier bailleur de France, avait en effet annoncé sa volonté de « prendre part aux mesures de soutien en faveur du secteur immobilier français, par une commande de 40 000 logements neufs ». De son côté, le groupe Action logement prévoyait l’acquisition de 10 000 logements. « Le corollaire, c’est que cela va largement grignoter le stock de logements à l’offre, qui a déjà beaucoup diminué depuis quelques trimestres. » Au terme du mois de juin, ce stock s’élevait pour l’aire urbaine à 5 112 logements, soit 11% de moins qu’à la fin du premier semestre 2019 et à 2269 logements à Toulouse, soit 18 % de moins qu’un an auparavant.

« On peut penser qu’à la fin du troisième trimestre 2020, le stock à l’offre sera très bas, parce qu’on n’aura pas, d’ici là, réalimenté le marché », s’inquiète Jean-Philippe Jarno. Ce niveau d’offre extrêmement faible devrait « avoir des répercussions sur l’emploi, ajoute- t-il, puisque moins d’opérations lancées commercialement, neuf mois plus tard, ce seront des grues en moins. » Les mises en chantier au premier semestre 2021 devraient « être dramatiques, renchérit Stéphane Aubay. Ce qui aura un réel impact sur les entreprises du bâtiment car l’activité va fortement chuter ».

Pour « relancer la machine à permis de construire », la FPI a formulé des propositions pour booster à la fois la vente à propriétaires accédants et la vente à investisseurs (lire ci- dessous).

L’ACCESSION AIDÉE EN RECUL PLUS MARQUÉ

Cette baisse des volumes affecte de la même manière les ventes à propriétaires accédants et à investisseurs dont la part s’élève au premier semestre 2020 à 62 %, soit un niveau désormais comparable à celui des grandes métropoles françaises. Autre phénomène plus préoccupant, selon Jean-Philippe Jarno pour qui il constitue « une vraie surprise » : « la baisse des ventes “aidées”, parmi les propriétaires accédants, atteint 55 % sur les six premiers mois de l’année, alors que les ventes “libres”, c’est-à- dire sans prime ou aide à l’acquisition, n’ont baissé que de 10 % ». Une distorsion qui s’explique pour le professionnel par des craintes plus marquées de perte d’emploi mais aussi des difficultés d’accès au crédit pour les populations les plus fragiles. « Le parcours résidentiel qui a été mis en place, notamment par la ville de Toulouse, pour permettre à ces personnes d’accéder à leur premier logement, est compromis, pointe-t-il. Il faudra être vigilant sur la façon dont on pourra, par des dispositifs qui pourraient être mis en œuvre au niveau national, telle une baisse de la TVA comme le propose la FPI, ou le maintien du prêt à taux zéro, leur permettre de mettre le pied à l’étrier. »

Dans ce contexte marqué par une crise de l’offre, les prix restent orientés à la hausse. Le prix moyen dans l’aire urbaine atteint désormais 3 890 €/m2 (hors stationnement), en hausse de 1 % par rapport à la même période de 2019 et 4 120 €/m2 (hors stationnement) dans la ville centre, soit une progression de 2 % en un an.

La FPI a son plan de relance

La Fédération des promoteurs immobiliers a présenté le 16 juillet 15 propositions pour relancer l’activité en France. Elles visent à accélérer les reprises d’activité ou les mises en chantier, via notamment un régime PC Covid et un dispositif Chantiers Covid, qui tendent l’un et l’autre à assouplir les réglementations existantes. Ces propositions ont aussi pour ambition de faciliter l’accession à la propriété grâce à la mise en place d’une fiscalité plus avantageuse. La FPI propose ainsi d’étendre des zones éligibles à la TVA à 5,5 % « ANRU » jusqu’à 500 mètres autour des quartiers prioritaires de la ville (QPV ) ; l’application d’une TVA à 10 % pour tous les logements neufs cédés en accession à la propriété, non zonée mais soumise à clause anti-spéculative, à des conditions de performance environnementale ainsi qu’à un plafond de prix de vente et un plafond de ressources ; ou encore le maintien du prêt à taux zéro jusqu’en 2022 pour les primo-accédants. La fédération souhaite également l’instauration d’un PGE particuliers, l’État accordant sa garantie pour tous les prêts immobiliers des accédants, éventuellement sous plafond de ressources. Côté investisseurs, la FPI réclame la mise en œuvre d’un dispositif de défiscalisation plus incitatif, avec des réductions d’impôt à taux majorés, soit 18 % sur six ans, 27 % sur neuf ans, 30% sur 12 ans, 33% sur 15 ans…