Arnaud BaratteCréateur d’émotions

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Fort d’une expérience de près de 20 ans dans les arts de la table, le créateur du verre Helicium a développé des tasses très innovantes avec lesquelles il espère bien partir à la conquête des amateurs de café du monde entier.

La création d’une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. Impossible d’en douter lorsqu’on écoute Arnaud Baratte détailler son parcours. Cet autodidacte, qui a conçu pour un des leaders mondiaux des arts de la table une ligne de verres devenue un des best-sellers de la marque puisqu’elle s’est vendue à des millions d’exemplaires, est à la tête d’AB Design Concept et Création, une PME basée à Palleville dans le Tarn, près de Revel, qui conçoit des produits innovants dans le domaine des arts de table dont le fameux verre à dégustation Helicium, lancé il a quelques années et, aujourd’hui, une gamme de tasses, tout aussi révolutionnaires, qu’il vient de présenter au Paris Coffee Show et qui a séduit les amateurs de café. De quoi galvaniser ce créateur dans l’âme qui, malgré les revers, a toujours su rebondir.

Toulousain d’adoption depuis 1994, Arnaud Baratte a grandi à Calais dans le Nord. De formation scientifique, il a fait Maths sup et Maths spé avant de changer de voie – « j’étais dans mes années un peu rebelles », avoue-t-il – et d’intégrer une école de communication visuelle. Il passe ensuite un an comme photographe sur le Mermoz, un bateau de croisière, « pour travailler la langue ». Ce fils d’un directeur de presse – il était à la tête du Nord Littoral, un quotidien calaisien, fondé par son grand-père, avant son rachat par La Voix du Nord en 1986 – avait un rêve. « À l’époque, je voulais être reporter de guerre. J’ai fait l’établissement ciné et photo des armées. J’avais d’ailleurs été pris pour partir à Riyad pendant la guerre du Golfe. Mais quand je l’ai annoncé à ma mère, ça a été l’enfer ! »

Au bout de cette année de navigation, de retour en France, « il a bien fallu que je me pose et que je sache ce que je voulais faire », avoue-t-il. Parce qu’« il faut bien manger », Arnaud Baratte intègre une entreprise dans le second œuvre qui commercialise des WC suspendus, mais explique-t-il « le bâtiment est un secteur compliqué, ça m’a très vite gonflé ». À l’occasion d’une visite au salon Maison et Objet à Paris, le Calaisien, qui se passionne aussi pour les arts de la table, rencontre les grandes maisons qui l’attirent : Raynaud, Cristel Ercuis… Il est recruté par cette dernière, un grand nom de l’orfèvrerie, et travaille au développement des ventes sur une vingtaine de départements. Il complète son cursus à Talence, près de Bordeaux par un diplôme universitaire d’aptitude à la dégustation. Mais à l’issue de l’année de formation, le poste promis lui passe sous le nez. Arnaud Baratte décide de claquer la porte… pour pousser celle d’Arc International. Il quitte Toulouse – sa femme est originaire du Tarn – pour s’installer dans l’Oise. « À l’époque, le PDG d’Arc, Philippe Durand, voulait créer une nouvelle marque dans le monde du vin pour concurrencer les gros acteurs du marché », se souvient Arnaud Baratte. Ce dernier prend la responsabilité de la nouvelle entité, Mikasa Œnologie. Le PDG d’Arc lui propose alors de créer une nouvelle gamme de verres de dégustation, ce qui permet à Arnaud Baratte de laisser s’exprimer sa fibre créatrice. Cela donnera naissance en 2005 à la ligne Open Up, « la plus grosse vente de verres à vins au monde : 110 millions d’exemplaires écoulés ». Un véritable tremplin pour Arnaud Baratte, qui, devenu conseil œnologique du groupe, parcourt le monde entier. Deux ans plus tard, pourtant ce monde s’écroule avec le décès de Philippe Durand, devenu son mentor. Parce qu’il était « proche du bon Dieu », Arnaud Baratte est « mis au placard », ne figure plus dans les comités de pilotage. « Je l’ai très mal vécu », reconnaît-il. Huit mois plus tard, il quitte Arc International.

Retour dans le sud. C’est d’ailleurs en se promenant dans la Montagne Noire, pas très loin de chez lui, qu’il trouve l’inspiration pour créer sa propre ligne de verres. « Je réfléchissais à la décantation des vins, explique Arnaud Baratte. Et puis en m’approchant d’un parc éolien, j’ai été saisi par une multitude d’odeurs. J’ai fait un parallèle en me disant que ce serait intéressant de mettre une éolienne dans un verre et de transformer l’énergie du vent en mécanique des fluides ». L’idée un peu loufoque fait son chemin. À tel point que le verre Helicium, fruit de ses réflexions, vaut à Arnaud Baratte de remporter en 2010 le Janus de l’Industrie décerné par l’Institut Français du Design… quatre ans après celui décroché pour le verre Open Up. Le créateur fait le tour des banques pour trouver des financements – 18 en tout. Une seule le suivra et le suit encore aujourd’hui. Entre-temps, chez l’industriel à qui Arnaud Baratte a confié la fabrication de ses verres, le four casse. « J’ai perdu deux ans d’exercice », résume- t-il.

À la même époque, alors que le critique œnologique Robert Parker s’intéresse à son verre, son créateur loupe le coche, par excès de « snobisme ». « Je me suis dit que s’il s’intéressait tant à mon produit, c’était parce que j’avais une bombe entre les mains et que je n’avais pas besoin de lui ! ». Regret… « C’est bien dommage, parce que les choses se seraient passées différemment. Il m’aurait ouvert les marchés de l’Asie… »
Échaudé par des distributeurs qui ne font pas le job, Arnaud Baratte, qui voit les difficultés s’accumuler, se tourne alors vers la coopérative Vinovalie, qui, fin 2014, prend le contrôle de l’entreprise. Le créateur conserve la propriété de la marque dont il devient l’ambassadeur.

Il y a deux ans, Arnaud Baratte a quitté l’entreprise qu’il avait fondée pour rebondir une nouvelle fois. Il développe depuis, sous la marque Delissea, un produit extrêmement innovant : une gamme de tasses dédiées à la dégustation du café, du thé ou du chocolat, qui intègrent le savoir-faire qu’il a acquis dans la libération des arômes. Alors que la commercialisation a débuté en décembre, les ventes ont généré 25 K€ de chiffre d’affaires le premier mois. De bon augure pour Arnaud Baratte qui veut y croire. D’ailleurs, les choses s’accélèrent. Le chef d’entreprise, qui vient de signer un contrat de distribution avec un spécialiste des accessoires de cuisine et des arts de la table, devrait lancer très bientôt son propre site de vente en ligne, plutôt que de passer par la market place d’Amazon, trop gourmand à son goût. Et comme il veut aller très vite à l’export, Arnaud Baratte, qui n’exclut pas de participer l’an prochain au concours Lépine, prépare activement une levée de fonds d’1 M€.

Parcours

1968 Naissance à Calais, dans "le grand Nord".
2000 Obtient un diplôme universitaire d'aptitude à la dégustation (DUAD) de la Faculté d'œnologie de Bordeaux.
2003-2008 Conseiller œnologique du groupe Arc International.
2010-2015 Fonde la SAS ABCI et développe le verre Helicium.
2018 Crée AB Design Concept et Création et lance la gamme de tasses Delissea.