Covid-19 : un an après, qu’en ont-ils retenu ?

Un an après le Covid, Gauthier Rouchaussé a vu son chiffre d’affaires augmenter sensiblement.

Une année après le premier confinement et la déflagration tant sanitaire qu’économique, nous sommes retournés à la rencontre des professionnels impactés. Si pour certains, dans l’hôtellerie ou l’industrie, le bilan est lourd, pour d’autres, la crise aura donné une visibilité ou ouvert de nouvelles perspectives.

Pour Christian Brethon, président du Medef Marne, le bilan de l’année écoulée est « contrasté », voire « mitigé » : « Il y a des entreprises et des secteurs d’activité qui se trouvent complètement dans la panade. Je pense notamment au monde de la nuit, de l’événementiel ou de la restauration et de leurs métiers annexes. À côté de cela, il existe des secteurs d’activité qui ne vont pas trop mal, notamment l’industrie, exceptés l’aéronautique et l’automobile ». Pour ces deux derniers secteurs d’activités d’ailleurs, les répercussions iront bien au-delà de la crise sanitaire et auront des conséquences liées aux évolutions sociétales et comportementales de l’approche de leur métier.

En matière automobile, la R&D est d’ores et déjà impactée par l’inéluctable avènement de l’électrique annoncé. En matière aéronautique, quid du comportement futur des voyageurs sur leurs habitudes et leur fréquence de déplacement ? Si en moyenne, l’activité économique a freiné de 10% en 2020, tous les secteurs d’activité ne sont pas logés à la même enseigne. « Les travaux publics enregistrent une chute de 40% », note Christian Brethon. « Le bâtiment est à -5%, l’industrie à -10% et le commerce à -10% également ».

Pour le président du Medef, « la politique du non-confinement a semblé fonctionner », admet-il.

« À un bémol près, c’est que notre économie se trouve sur un plateau depuis novembre et ne progresse plus ».

Seule issue à la crise selon les chefs d’entreprise : la vaccination. « Aujourd’hui on nous annonce une reprise à hauteur de +5,6% pour l’année 2021, c’est un peu mitigé », lance Christian Brethon, favorable à la notion de passeport vaccinal, quelle que soit son appellation, et les possibilités que cette formule offrira pour les réouvertures d’établissements. « Si cela peut permettre de repartir plus vite, il faudra le faire et nous ne nous y opposerons pas. Nous sommes favorable à la réouverture des restaurants, cinémas, salles de spectacles, même si cela se fait à moitié seulement, quitte à estomper les aides progressivement, jusqu’à un retour à la normale. Il faut rouvrir en acceptant cette part de risque mais arrêter à tout prix avec le stop and go : il faut que la machine se remette en route pour diminuer le coût de cette crise ».

JUSQU’À 90% DE PERTE DE CHIFFRE D’AFFAIRES DANS L’HÔTELLERIE

Dans le secteur de l’hôtellerie, l’annonce des confinements successifs, la fermeture des commerces essentiels, celle des frontières et les restrictions des vols a entrainé une chute spectaculaire du tourisme, mais aussi de la fréquentation des hôtels par les commerciaux. « Depuis un an, il y a eu une perte très importante de l’activité, de 30 à 40% pour certains établissements jusqu’à 90% pour d’autres, notamment les cinq étoiles qui reçoivent essentiellement une clientèle étrangère », note Stéphanie Gagnoux, présidente du club hôte- lier de Reims. En moyenne, la perte pour les hôtels de la région de Reims est de 60 à 70%, avec des disparités dans le temps. « L’été a sauvé une partie de l’année. » Et s’il a fallu s’adapter, le « soutien considérable de l’État fait qu’aujourd’hui, on ne constate aucune fermeture définitive d’établissements. »

Aujourd’hui, la reprise est légère, mais présente. De l’ordre de « 5 à 10 points en taux d’occupation ». 2021 s’annonce meilleure que 2020, même avec des confinements successifs. « Si nous étions amenés à avoir un confinement le week-end par exemple, ça n’aurait que peu d’impact sur l’activité hôtelière, certains hôtels fermant déjà le week-end et le reste n’étant que très peu fréquentés, à cause des fermetures de restaurants, de musées et autres activités culturelles. Car la clientèle principale est aujourd’hui en semaine, une clientèle professionnelle », livre Stéphanie Gagnoux. D’ailleurs, même certaines réunions d’entreprises ont repris, mais dans des conditions drastiques : « Avec une distance de 2 mètres entre chaque personne. » Beaucoup de sociétés choisissant un format mi-présentiel, mi-distanciel. Néanmoins, ces rassemblements restent réservés aux formations ou au maintien de compétences.

Tous attendent donc la large vaccination de tous les publics pour retrouver une clientèle aussi bien nationale qu’internationale. Une bonne reprise est espérée pour la fin du second semestre ou le début du troisième trimestre. Mais pour un retour à une situation d’avant Covid, les observateurs ne tablent pas avant 2023…

POUR LES PRIMEURS, LE BILAN EST PLUTÔT BON

Pour Gauthier Rouchaussé, producteur de fruit et légumes à Mardeuil, le bilan un an après le Covid, est pour lui, plutôt très bon. Nous l’avions rencontré l’année dernière en avril 2020 (voir pamb 7860) au moment où il faisait face à une explosion de sa clientèle dans son drive fermier, passant d’une vingtaine de clients en hiver et une cinquantaine en été, à plus de 500 par semaine !

Aujourd’hui, même si une partie des consommateurs arrivés au moment du confinement, se détournant des supermarchés, est revenue à ses précédentes habitudes, d’autres sont restés. « Nous avons gagné environ 150 à 200 nouveaux clients depuis le premier confinement », note Gauthier Rouchaussé. Lors de son pic d’activité, il avait instauré deux jours de drive « 500 clients étant impossible à absorber en une seule journée ». Aujourd’hui, il est revenu à une journée, le vendredi entre 15h30 et 18 heures. Mais la hausse de sa clientèle, il la constate aussi sur le marché d’Épernay, où « plus de 300 clients viennent de manière hebdomadaire. On remarque un retour aux producteurs locaux, et même si le marché avait instauré une jauge l’année dernière, les consommateurs répondaient présents. »

Poussé par cet engouement, des projets pour 2021, le jeune trentenaire en a donc un certain nombre : « J’ai racheté 1,5 hectares de terre et je développe de nouvelles serres en augmentant mes cultures de fraises et de tomates. » Pour les fraises, dont la culture était une des spécialités, Gauthier Rouchaussé passe de 3 800 plans à 6 200, soit une augmentation considérable.

« J’ai aussi le projet d’entreprendre la culture d’une soixantaine de variétés de tomates anciennes. C’est un nouveau challenge que je me suis fixé, pour remettre ces variétés au goût du jour. » Le site internet ainsi que le drive vont aussi fusionner dans un outils informatique unique. Investir dans des équipements, développer de nouvelles cultures, étendre son exploitation, un an après le Covid, le retour au local encourage les producteurs. Gauthier Rouchaussé qui a vu son chiffre d’affaire être multiplié par trois en 2020 espère encore une augmentation de 20% pour cette année.

Dès le premier confinement, tandis que les Français redécouvraient les vertus des produits frais et locaux, le magasin des Sacrés Fermiers (Cernay-lès Reims) connaissait un succès immédiat. Fruits et légumes, produits laitiers, viandes et charcuteries, épicerie… issus de 35 fermes situées à moins de 100 km de Reims étaient pris d’assaut. « Il y a eu une vraie réactivité des consommateurs en notre direction, de nombreuses personnes ont sauté le pas et beaucoup de gens sont restés fidèles. L’afflux de fréquentation s’est confirmé après le confinement et ne s’est pas arrêté avec l’arrivée de l’hiver. Et cela se poursuit puisque chaque semaine nous voyons encore venir de nouveaux clients », souligne Alexandre Blondeau, producteur de produits laitiers de chèvre. À tel point que l’entreprise a été obligée de réagir très rapidement pour faire face au succès : « Nous avons embauché une personne immédiatement pour faire respecter les consignes sanitaires en magasin et pour organiser certains éléments de l’entreprise ». Sur l’année 2020, les Sacrés Fermiers ont ainsi vu bondir leur chiffre d’affaires de manière spectaculaire puisque celui-ci a progressé de plus de 30% par rapport à 2019. En matière de production aussi, les fermiers ont dû mettre les bouchées doubles et rivaliser d’imagination pour répondre à la demande croissante. « En 2020, nous avons enregistré une progression de 26% du panier moyen et de 14% du nombre de clients », insiste Alexandre Blondeau, dont le magasin a accueilli des producteurs en recherche de débouchés avec produits nouveaux (poissons, huîtres, chocolats) et les producteurs en place ont aussi progressivement étoffé leur gamme pour satisfaire la demande croissante.

D’ailleurs, les Sacrés Fermiers vont lancer fin mars un site marchand pour permettre aux clients de faire leur commande en ligne et de venir la retirer en boutique. « Nous voulons leur laisser la possibilité de faire un complément de commande sur place, dans notre magasin », précise le producteur. Si l’ouverture du site était prévue début mars, l’incendie chez l’opérateur de serveurs informatiques strasbourgeois OVH a retardé le mise en ligne officielle, qui devrait intervenir dans les prochains jours.

Une prime qui fait débat

C’est un euphémisme de dire que les chefs d’entreprise ont moyennement apprécié le « cadeau » fait par le gouvernement la semaine passée. Le 15 mars, Jean Castex a annoncé que les entreprises pourraient verser une prime pouvant aller jusqu’à 1000 euros, défiscalisée et exonérée de charges sociales. Pour les patrons, le retour de la « prime Macron » qui s’adresse aux travailleurs « de la deuxième ligne » c’est aussi le risque de semer la zizanie dans les entreprises. « Aujourd’hui, on a plutôt une paix sociale en entreprise et les études montrent que les Français ont davantage confiance en l’entreprise qu’en l’Etat. Mais mettre cette prime sur la table alors que les bilans annuels vont être mauvais et que de nombreuses entreprises ne pourront pas la verser, c’est faire une promesse à la gomme. Et surtout on peut se demander d’où les entreprises vont pouvoir sortir cet argent ? », interpelle Christian Brethon qui avoue craindre un « Concours Lépine de la mauvaise idée en période préélectorale », entre la Loi sur le Climat et la volonté d’imposer des Bonus-Malus sur les contrats courts, entre autres…

TISMAIL REPART DÉJÀ DU BON PIED

L’année 2020 était celle de tous les dangers pour Tismail. La fermeture des stations de ski ont fait chuter de 75 % les ventes sur ce segment de la marque La Chaussette de France. « J’étais persuadé que si on restait immobile, on ne survivrait pas », analyse Benoît Seguin. Le patron de la PME auboise se lance alors dans le pari un peu fou de fabriquer des masques sur des métiers à tricoter des chaussettes. « C’était une aventure humaine extraordinaire pour nos équipes et ça nous a sauvé pour le reste de l’année », ajoute-t-il.

Si aujourd’hui la fabrication de masques a cessé, Tismail repart du bon pied avec de multiples projets. « Nous allons ouvrir nos propres magasins à l’enseigne La Chaussetterie, le premier était prévu à La Rochelle », conclut Benoît Seguin. Autre point positif, les ventes ont été triplées sur la boutique en ligne de l’entreprise auboise.

Christian Brethon, président du MEDEF Marne fait un bilan “contrasté” de l’année écoulée.