Couvre-feu : les craintes des hôteliers-restaurateurs

Si les restaurants restent ouverts de 6 heures à 21 heures, les bars devront fermer pendant 6 semaines dans les départements concernés par le couvre-feu.

Le passage de la Marne,des Ardennes et de l’Aube en couvre-feu de 21 heures à 6 heures pendant six semaines, inquiète les professionnels de la restauration.

Reçu vendredi 23 octobre, au lendemain de l’annonce du couvre-feu, par le Préfet de la Marne, Joël Oudin, président de l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) de la Marne, prend acte de la décision gouvernementale. « Les bars sont fermés pour six semaines. Les bars restaurants sont eux ouverts jusqu’à 21 heures à une clientèle qui vient pour déjeuner. Les repas de séminaires doivent être organisés par tables de six. Ces repas sont souvent prévus dans des grands hôtels qui sont des gens sérieux ».

Si les hôteliers-restaurateurs peuvent bénéficier du dispositif d’activité partielle en cas de fermeture complète ou partielle, ils ont également fait plusieurs propositions, au niveau national, aux acteurs économiques, aux ministres et aux représentants de l’Etat. « Nous demandons aux bailleurs de faire un effort sur les loyers. Un médiateur va être mis en place au niveau local à la CCI de la Marne, à Châlons-en-Champagne, pour établir un dialogue entre professionnels et bailleurs si besoin. Nous avons aussi demandé au Gouvernement de prévoir un crédit d’impôt de l’ordre de 50% du montant du loyer auquel ils accepteront de renoncer. C’est un sujet qui est encore en discussion… », rappelle le président de l’UMIH 51 qui milite également pour que soient reconnues les pertes d’exploitation par les assureurs. « Il y a des aides nouvelles, nous allons les communiquer à nos adhérents pour qu’ils puissent les activer au plus vite, en attirant l’attention sur les reports de charges et les aides remboursables ».

LIMITER LA CASSE

Combatif pour accompagner ses adhérents, Joël Oudin n’en est pas moins résolu à faire accepter cette situation à ces derniers. « Cela va durer six semaines et cela va être très difficile. Mais il faut respecter la loi et il ne faut pas que les professionnels essaient de trouver des solutions qui pourraient leur apporteraient plus de problèmes. Nous sommes prévenus : les contrôles ont commencé et en cas de non-respect des règles de couvre-feu, nous risquons le confinement complet de la profession », alerte-t-il. Une décision qui serait encore plus catastrophique pour ce secteur d’activité qui va devoir faire face à une baisse de chiffre d’affaires conséquente. « C’est difficile à évaluer, cela dépend aussi du type de restauration concerné. Mais on sait que le meilleur chiffre d’affaires est réalisé le soir dans les restaurants, quand les gens prennent leur temps et profitent. Le midi, on a des formules et le ticket moyen est moins élevé ». Quid alors des solutions alternatives telles que les plats à emporter avant 21h, les livraisons, les services avancés… ? « On ne change pas les habitudes et les comportements des Français comme cela. Les gens ne viennent pas dîner plus tôt pour autant », souligne-t-il.

Une analyse partagée par François Beguin, son homologue ardennais, président dans les Ardennes depuis 2005 de l’UMIH 08. « Ce vendredi à 13 heures, on est dans l’attente du communiqué officiel du Préfet des Ardennes concernant le décret d’application des annonces faites par le Premier ministre. Pour le moment, on trouve ce couvre-feu catastrophique pour les différentes corporations. On est toujours les premiers visés et là, ils nous foutent en l’air. Je tombe des nues et ne comprends pas. Les bars qui jusqu’alors avaient pour la plupart respecté le protocole sanitaire seront fermés toute la journée. Ils n’auront plus de chiffre d’affaires jusqu’au 5 décembre prochain et ne connaissent pas encore les mesures qui seront prises pour compenser cette importante perte d’exploitation. On va faire le forcing pour limiter la casse. Avec le couvre-feu dès 21 heures, les restaurants ont leur service du soir très compromis et sont donc eux aussi très impactés par les nouvelles réglementations. Autant dire qu’ils vont tourner au ralenti. »

ANNULATIONS DE RÉSERVATIONS

Dans l’Aube non plus, le couvre-feu ne fait pas les affaires des hôteliers. « Nous sommes un hôtel-restaurant, ce qui nous sauve en partie puisque nous pouvons continuer de servir les clients de l’hôtel après 21 heures, mais nous ne pouvons plus accepter des clients de l’extérieur venus uniquement dîner », précise Christian Aubertin. Le patron du Domaine de la Forêt d’Orient reste dans l’incertitude face à l’évolution de la situation sanitaire. « Il est clair que si nous devons fermer totalement le restaurant, je ne pourrai plus recevoir des clients à l’hôtel le soir et c’est compliqué d’autant que l’annonce du couvre-feu a entraîné des annulations de réservations », poursuit-il. Le côté positif étant que les clients se prêtent volontiers aux contraintes sanitaires mises en place au sein du restaurant : port du masque jusqu’à la table, distanciation physique entre les tables et indication des coordonnées personnelles dans le cahier de consignation.

Stéphanie Gagnoux, directrice du Mercure et présidente du club hôtelier Reims-Champagne restait dans l’attente des décisions définitives à faire appliquer à ses adhérents : « La consigne que nous avons donné à nos confrères se base sur ce qu’il se passe ailleurs, à Paris, déjà en couvre-feu depuis une semaine. À savoir l’ouverture des bars et restaurants des hôtels uniquement aux clients de l’hôtel, toujours dans le respect des gestes barrières. Nous alertons d’ailleurs là-dessus, car de nombreux contrôles sont effectués. Le seul trafic dans l’hôtel sera donc le fruit de sa clientèle, ainsi, que les passants ne s’alarment pas s’ils voient des clients attablés toutes lumières ouvertes dans la salle de restauration. Nous restons toutefois attentifs à l’évolution des annonces préfectorales car des mesures encore plus strictes peuvent être décidées par les préfets, au cas par cas, dans leurs départements en appliquant aux bars et restaurants des hôtels les mêmes mesures que les autres. »

Les CCI renforcent leur dispositif de cellules d’appui dans les territoires concernés par le couvre-feu

Suite à une réunion de l’ensemble des CCI concernées par le couvre-feu sanitaire, CCI France annonce le renforcement des cellules d’appui aux entreprises dans ces territoires. Les TPE-PME bénéficieront ainsi d’un accompagnement spécifique sur les questions liées à l’application du couvre-feu, par la mise en place d’interlocuteurs, de numéros d’appels uniques et d’adresses mails dédiées.

Au vu de l’impact du couvre-feu sur de nombreuses entreprises (cafés, bars, restaurants, hôtels, évènementiel, culture, salles de sports, commerces alimentaires, activités annexes dans nos centres-villes comme le secteur de l’habillement ou de la chaussure…), les besoins d’accompagnement des chefs d’entreprise vont croissant. « Comme nous l’avons été pendant le confinement, comme nous le sommes dans cette phase de relance, le réseau des CCI se doit d’être en contact rapproché avec les TPE-PME concernées par le couvre-feu. Les entreprises peuvent compter sur nous », déclare Pierre Goguet, le Président de CCI France. « Les entreprises ont besoin de visibilité sur les nouveaux dispositifs de soutien annoncés par le Gouvernement. L’intermédiation des CCI auprès des pouvoirs publics nationaux, régionaux et territoriaux doit nous permettre collectivement de mieux mesurer l’impact du couvre-feu et de trouver les améliorations partout où c’est possible, dans l’intérêt de l’activité économique et donc de l’emploi. »

Tout en « prenant acte des mesures sanitaires », les chefs d’entreprise annoncent vouloir avant tout pouvoir travailler pour assurer la pérennité des entreprises. Le réseau des CCI envisage enfin de prolonger le dispositif de soutien psychologique aux chefs d’entreprise, en partenariat avec l’État.