Consultations gratuites : 150 avocats mobilisés

Manuel Furet

Me Manuel Furet, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Toulouse, lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, l’hiver dernier.

Parmi les 22 mesures du plan d’urgence de 250 M€ voté le 3 avril, la Région propose aux entreprises la prise en charge d’une partie des frais juridiques de négociation bancaire et de préparation du plan de continuité de l’activité, en partenariat avec les Barreaux de Toulouse, Montpellier et Nîmes. Manuel Furet, bâtonnier de l’ordre des avocats de Toulouse, revient sur cette démarche volontaire et sur l’avenir des cabinets d’avocats fortement affectés par cette crise sans précédent.

Quel est l’objectif de cette démarche ?

Nous souhaitions établir, conjointement avec la Région, un process solidaire au profit des entreprises régionales et agir dans un cadre sain, avec, dans un premier temps, la mise en place d’une consultation juridique gratuite d’une durée d’une heure pour la globalité des entreprises. Si cette prise de contact conduit à des prestations ou des actes, la procédure respecte ensuite un cadre conventionné, suivant des honoraires bien plus faibles que ceux pratiqués habituellement.

Pour les entreprises de 0 à 10 salariés, le second rendez-vous est pris en charge à hauteur de 50% par la Région Occitanie. Pour les entreprises de 11 à 50 salariés, la prise en charge est de 30%. Au-delà de 50 salariés, nous pratiquons un tarif tenant compte des circonstances exceptionnelles.

Combien d’avocats se sont portés volontaires pour soutenir les entreprises et quel type de conseils délivrez-vous dans ce cadre ?

Près de 150 avocats, exclusivement issus du barreau de Toulouse, seul à avoir, pour le moment, activé le dispositif, sont actuellement volontaires, soit 10% de notre profession, sachant qu’il s’agit d’avocats spécialisés dans le domaine de l’entreprise.

Ils interviennent, d’une part, dans le domaine du droit bancaire, notamment sur des problématiques de négociations de prêts, d’aménagement, et d’encadrement et, d’autre part, dans le domaine du droit du travail et des ressources humaines, pour aiguiller les entreprises à propos du chômage partiel, de la gestion des arrêts de travail, du télétravail, etc. Ce sont les principales demandes qui émanent des entreprises auprès de la collectivité. Dans les premières heures du dispositif, la Région a réceptionné environ 800 demandes. La Région reçoit, en effet, des demandes de consultation et les bascule ensuite sur les listes des avocats volontaires.

Sur quelle période s’étend le dispositif ?

Le partenariat est prévu jusqu’à fin juin. Mais nous prévoyons de l’étendre car la fin du confinement ne sonnera pas l’arrêt des questionnements, bien au contraire. Dès que l’activité reprendra, l’afflux des demandes risque de s’intensifier.

Plus globalement, comment les avocats du barreau de Toulouse se sont-ils adaptés au confinement ?

Pour la plupart, la profession est en télétravail mais nous sommes confrontés à une problématique, laquelle concerne les plans de continuité d’activité du tribunal qui favorisent les contentieux de la liberté, au détriment du pan civil qui est reporté, ce qui limite l’activité des avocats pour une grande part.

De plus, si la justice est censée s’appuyer sur les techniques numériques pour s’adapter, il faut noter que les avocats sont en ordre de marche tandis que les magistrats et les greffiers ne disposent pas toujours des outils qui leur permettent de poursuivre leur activité auprès des justiciables.

Cette période de confinement fait-elle peser un risque économique sur certains cabinets d’avocats ?

Nous craignons effectivement un embouteillage à la sortie du confinement concernant le pénal. Mais surtout des fermetures de cabinets avant la fin du confinement qui pourraient atteindre 20% de la profession. Aujourd’hui à l’échelle nationale, quatre cabinets sur 10 n’ont plus d’activité, ce qui présage une situation critique.

Afin de préserver la profession, nous demandons au gouvernement des reports de charges et des aides pour les cabinets (comblement des pertes de CA, compensation…), car nous sommes les oubliés des programmes d’aides. L’accompagnement des professionnels libéraux devrait être calqué sur celui des salariés et des entreprises indépendantes.

Avant l’apparition de la pandémie, les avocats ont observé plusieurs semaines de grève contre la réforme des retraites. Pensez-vous qu’elle sera définitivement abandonnée ?

Nous souhaitons que cette période soit propice à un temps de réflexion, de consultation réelle, et à une analyse complète de la situation. Les choses ont été précipitées auparavant, avant le débat à l’Assemblée nationale et pendant le débat. La profession espère que cette réforme sera définitivement abandonnée, mais nous attendons que ce soit acté et signé.