Candidat à sa réélection en mars prochain, Boris Ravignon souhaite poursuivre un deuxième mandat dans la lancée de celui qui s’achève, en appuyant sur le développement économique de Charleville-Mézières et de son agglomération.
Boris Ravignon, vous venez de vous déclarer candidat à votre propre succession à la mairie de Charleville. Qu’est -ce qui vous anime pour briguer un deuxième mandat ?
« Je suis candidat pour une raison très simple et qui tient beaucoup au domaine économique dans lequel on a déjà beaucoup travaillé et investi au cours de ce mandat. Mais cela nécessite encore des aménagements complémentaires, des travaux et des approfondissements pour produire les résultats qu’on attend, c’est à dire mettre sur les rails un développement économique sur les secteurs les plus porteurs comme celui du tourisme, et saisir les opportunités quand elles se présentent au niveau des entreprises ou d’accueillir des délocalisations d’administrations. C’est d’ailleurs un domaine dans lequel Charleville-Mézières est bien positionné grâce à l’ANTS (Agence Nationale des Titres Sécurisés) par exemple ».
Où en est justement le dossier du centre pénitentiaire de Donchery ?
« Nous avons répondu, en octobre 2019, à un appel à projet du ministère de la Justice qui souhaite créer deux prisons très innovantes car elles permettraient de développer le travail des détenus et donc de permettre une démarche exemplaire en terme de réinsertion professionnelle.
Un tel dossier implique d’avoir une plus forte adhésion et participation des collectivités territoriales car elles jouent le rôle d’intermédiaire, comme la Région avec la formation par exemple. Car l’idée, c’est aussi d’apporter des qualifications aux détenus pendant leur détention pour qu’ils puissent commencer à travailler et qu’ils aient moins de difficultés à se réinsérer ensuite. Un détenu qui se réinsère est beaucoup moins sujet à la récidive.
C’est un établissement qui aurait 180 places et qui générerait donc à peu près autant d’emplois directs ou indirects. Nous avons un projet qui est bien ficelé, c’est un sujet de développement économique qui mérite qu’on se mobilise pour lui. Nous essayons de considérer toutes les opportunités à l’échelle d’Ardenne Métropole. Nous devrions savoir d’ici la fin de l’année si nous sommes retenus ou pas ».
Le sujet de la délocalisation d’administration avec l’ANTS est un symbole de ce qui fonctionne en matière d’accueil d’entreprises.
« C’est une formidable réussite. L’ANTS est un dossier qui a débuté fin 2006 – début 2007 et je l’avais proposé à Nicolas Sarkozy quand il est venu ici, réagissant à la liquidation de l’entreprise Thomé Génot qui a été un choc pour tout le territoire.
Il a à la fois annoncé la création de l’ANTS et son implantation à Charleville-Mézières. Malgré le scepticisme de certains à l’époque, non seulement l’implantation a bien eu lieu mais l’agence a eu une croissance phénoménale. Entre l’Agence et son délégataire Intelcia, cela compte 300 emplois sur Charleville-Mézières.
Ça n’est pas une administration classique, on est vraiment sur un métier de relation usager, au-delà de la gestion des titres sécurisés. Il y a d’ailleurs peut-être encore des perspectives de croissance de ce côté-là… D’autres missions pourraient leur être confiées et c’est le rôle de la collectivité que de préparer l’avenir et ces développements-là » .
À quelles opportunités économiques faites-vous allusion ?
« En 2014, dans le bâtiment Terciarys, situé à côté de la gare, seuls 800 m2 étaient commercialisés sur les 5 000 m2 que compte le bâtiment. Il est aujourd’hui plein, notamment grâce aux espaces occupés par l’ANTS et Intelcia. On l’a totalement mis sur le marché en l’espace de 5 ans. Il nous faut maintenant continuer à travailler sur les coups d’après, à savoir continuer à travailler dans le tertiaire, mais pas seulement. Nous travaillons avec Ardenne Métropole sur la récupération des zones d’activités du Conseil départemental et peut-être un jour de la Chambre de commerce.
C’est la vocation foncière et immobilière de la collectivité de créer des espaces : il faut imaginer que les projets économiques ne peuvent pas attendre. Il faut avoir en permanence du foncier disponible.
Il faut aussi insister sur l’utilité de disposer d’une agence de développement économique : Ardennes Développement qui a réalisé un excellent travail d’instruction non biaisé, non discriminatoire des dossiers. Ils ont travaillé professionnellement et en direct avec Hermès. Ardennes Développement nous fait beaucoup gagner en terme d’accompagnement et de professionnalisme pour notre territoire, et cela a beaucoup compté dans le choix d’Hermès pour construire sa nouvelle usine et être pleinement rassuré. Rappelons que ses dirigeants ont déjà pris un bail et qu’ils vont commencer à faire des premiers recrutements et des aménagements, puis augmenter les effectifs jusqu’à 150 personnes pour ensuite les basculer dans leur nouvelle usine quand celle-ci sera construite ».
Comment un territoire comme le vôtre peut-il agir pour être attractif en matière de compétitivité avec les territoires ?
« Nous avons un vrai potentiel en tertiaire. Mais un des problèmes que nous avons rencontré avec Terciarys, par exemple, c’est un coût au mètre carré très proche de celui pratiqué à Bezannes. On ne peut pas demander à un investisseur de s’éloigner un peu plus d’un centre urbain comme Reims et a fortiori de Paris et pratiquer les mêmes tarifs. Il faut que nous trouvions une organisation en terme de financement et de tour de table financier qui nous permette de sortir des prix 10 à 15% en-dessous de Bezannes, sinon on ne sera pas compétitifs. Pour cela il faut que les collectivités portent certains coûts, comme les coûts de réaménagement ou de réseaux par exemple, sinon ça ne fonctionnera pas. Ardenne Métropole est une structure qui sort de ses difficultés financières. Comme souvent, ce qui plombe les comptes des collectivités c’est rarement les investissements mais plus souvent les sections de fonctionnement. Nous avons donc mis en place une gestion extrêmement rigoureuse des effectifs et des dépenses courantes. Nous avons dû revoir certains services aussi, je ne m’en cache pas. Notre objectif était de ne pas augmenter la fiscalité et nous avons réussi à le tenir, même si cela n’a pas été simple.
Nous avons aujourd’hui une communauté d’agglomération qui a une vraie capacité d’investissement. Elle vient de le démontrer sur le Campus universitaire et elle doit le démontrer dans les investissements à caractère économique dans les années à venir.
C’est ce qui va nous permettre, ou pas, de stabiliser notre population en stabilisant notre emploi. Il y a un lien très fort entre les deux. Après quatre décennies de restructuration, les Ardennais sont dans cette situation où ils doutent d’eux-mêmes et de leurs qualités, de leur capacité de rebond et d’entreprendre. S’il ne faut pas hésiter à se remettre en question, il ne faut pour autant jamais douter de soi. Nous avons des atouts, des qualités, un positionnement géographique, une qualité de desserte… qui constituent une réelle chance. Les Ardennes ont le droit d’avoir confiance en elles et aller de l’avant. Ardenne Métropole doit donc être un des fers de lance des investissements économiques. Il y a encore quelques années, imaginer d’accueillir un site industriel de 250 emplois, personne n’aurait imaginé cela possible. Cela va pourtant être le cas avec Hermès ».
En parlant de grand projet industriel, où en est celui de Cevital ?
« Je continue à croire que ce dossier peut aboutir. C’est un vrai projet industriel sur un secteur que tout le monde reconnaît comme étant d’avenir. La technologie que possède Evcon, la filiale de Cevital, est reconnue par les spécialistes pour son caractère innovant, sa performance et son efficacité.
Je reste optimiste et confiant sur le projet et je travaille très régulièrement avec le représentant de Cevital en France et il est clair que si nous avions une libération prochaine de son dirigeant, cela faciliterait les choses. Mais indépendamment de cela, aujourd’hui le groupe continue à fonctionner. Ce qu’ont retenu les Ardennais du passage d’Emmanuel Macron dans les Ardennes le 7 novembre 2018 c’est cette promesse industrielle, donc je ne vois pas le président de la République se déjuger sur un sujet aussi important ».
Hermès, ANTS, Terciarys… Voulez-vous aussi changer l’image industrielle des Ardennes pour favoriser son développement ?
« Changer d’image oui, s’éloigner de l’industrie, non ! C’est toujours l’un des points forts économiques de notre département. Avec Hermès, par exemple, nous sommes sur une forme de diversification des activités industrielles. De notre côté, nous soutenons une modernisation des techniques comme la fabrication additive avec Platinium 3D : c’est la tradition industrielle ardennaise mais qui se modernise ! Oui, je continue à croire que l’industrie moderne et qui innove a toute sa place dans les Ardennes. Mais il ne faut jamais s’interdire de se diversifier, parce que l’objectif c’est que notre volume d’emploi arrête de se réduire. On y parviendra en permettant la pérennité des emplois industriels, pourquoi pas avec une certaine diversification dans d’autres domaines tels que la maroquinerie, la plasturgie ou l’industrie agro-alimentaire.
Il y a aussi tout le tertiaire, l’économie autour du tourisme, notamment… Il s’agit aussi de remettre en mouvement ce nord-Ardennes pétris de qualité et d’atouts. Une initiative telle que le Pacte Ardennes, récemment signé avec l’Etat, me semble d’ailleurs aller dans le bon sens. Ma seule inquiétude concerne le financement. Il va falloir qu’il y ait un moment de vérité pour savoir si l’Etat nous accompagne vraiment dans les projets. Car si les acteurs locaux se retrouvent seuls avec leurs dossiers, ça ne pourra pas fonctionner. Susciter l’espoir mais ne pas avoir les moyens de financer les projets, ça serait pire que tout.
Les investissements comptent mais il faut aussi éveiller les consciences pour réveiller l’envie d’entreprendre de nos concitoyens. Nous devons y croire pour que les autres y croient aussi ».