La lombalgie est très fréquente chez les Français puisque 84 % des actifs ont déjà fait l’expérience du mal de dos et 15 % d’entre eux ont déjà dû avoir recours à un arrêt de travail pour ce motif. Une étude menée chez 360 patients lombalgiques au sortir du premier confinement a mis en évidence que le confinement avait aggravé l’intensité de la lombalgie chez 41 % d’entre eux, alors que seulement 14 % s’étaient améliorés. Près de 30 % des personnes interrogées ont même dû augmenter leur traitement antalgique.
À l’issue du premier confinement, il a été démontré que la diminution des activités physiques, le mauvais vécu du confinement ou encore le télétravail étaient associés au risque d’aggravation de la lombalgie. Des solutions telles que le maintien d’une activité physique régulière – quitte à l’adapter ou à se la faire prescrire – la limitation des périodes prolongées d’activités sédentaires et prendre soin de son moral pourraient permettre de limiter les effets délétères du confinement sur le dos.
Dans le contexte de pandémie à SARS-CoV-2, le confinement est l’arme la plus efficace pour freiner la propagation du virus. Néanmoins, il engendre de nombreuses conséquences économiques et sanitaires. La lombalgie est un symptôme très fréquent, puisque chaque année, plus de la moitié des Français présente des douleurs lombaires, nécessitant une prise en charge médicale voire un arrêt de travail. S’agissant d’une expérience inédite, un groupe de chercheurs et médecins indépendants de la section rachis et de la Société francaise de rhumatologie s’est intéressé aux conséquences potentielles du changement radical de nos modes de vie sur les douleurs lombaires. Les hypothèses étaient que d’une part, le confinement pourrait aggraver les douleurs du fait du stress engendré par le contexte, la limitation des activités physiques et des interactions sociales, et d’autre part, que l’interruption de métiers physiques pénibles, du stress au travail ou encore des trajets domicile-travail pourraient, à l’inverse, améliorer les douleurs.
Une étude observationnelle a été menée dans six centres français et un centre suisse, auprès de 360 patients déjà pris en charge pour une lombalgie chronique. Les patients inclus dans l’étude ont été interrogés au sortir du premier confinement (entre le 1er mai et le 30 juin 2020) sur l’évolution de leurs douleurs ainsi que leurs modalités de confinement. Parmi les personnes interrogées, 59 % étaient des femmes, l’âge moyen était de 52 ans et 64 % étaient des actifs. Les résultats ont mis en évidence que 41 % des patients ont vu leur douleur s’aggraver pendant le confinement alors que 14 % se sont améliorés. Plus de 50 % ont déclaré avoir plutôt bien vécu le confinement et 19 % l’avoir mal vécu. Le mauvais vécu du confinement était significativement associé à l’aggravation des douleurs. Quarante-neuf pour cent des patients ont déclaré réaliser moins de deux heures d’activité physique par semaine pendant le confinement (contre 34,4 % avant le confinement). Or, un faible niveau d’activité physique était significativement associé à l’aggravation de la lombalgie. Des résultats similaires ont été observés chez les patients qui avaient pratiqué le télétravail, notamment chez ceux qui ne bénéficiaient pas d’une installation ou de matériel adapté au télétravail. En conséquence, 29 % des personnes interrogées ont eu recours à une consultation médicale et/ou une augmentation de leur traitement antalgique pendant le confinement. En revanche, chez ceux qui ont été atteints, l’infection à Covid 19 et son niveau de gravité ne semblent pas avoir influencé la douleur.
La majorité des facteurs d’aggravation de la lombalgie observés dans cette étude semblent accessibles à des modifications de comportements ou à une prise en charge. En effet, différentes modalités de pratique d’une activité physique restent possibles malgré la fermeture des clubs et salles de sport : activités extérieures (marche à pied, course à pied : plusieurs sorties quotidiennes autorisées et allongement récent de celles-ci) ou exercices (pouvant être facilités avec des applications sur smartphone, vidéos internet, exercices d’auto-rééducation à partir de livrets, etc.) ou encore la délivrance d’une dérogation aux limites légales pour raison de santé par un médecin. De plus, malgré les contraintes sanitaires, il est possible de consulter un médecin, notamment un rhumatologue, et de mettre en place ou de poursuivre des séances de kinésithérapie. De la même manière, en cas de stress, d’anxiété voire de symptômes dépressifs, le recours à des professionnels spécialisés reste possible et même souhaitable. Enfin, en milieu de travail, l’expérience du premier confinement (mis en place de manière brutale et non anticipé) a permis de tirer un certain nombre d’enseignements sur les dangers du télétravail et les conditions pour le rendre plus acceptable.
Depuis 2017, en concertation avec plusieurs sociétés savantes dont les section rachis et éducation thérapeutique de la Société française de rhumatologie et les collèges de professionnels, l’Assurance Maladie a lancé un vaste programme de sensibilisation sur l’importance de l’activité physique quotidienne pour lutter contre la lombalgie « Mal de dos ? Le bon traitement, c’est le mouvement » . L’objectif est d’éviter le passage à la chronicité en luttant contre les idées reçues et en suscitant de nouveaux comportements : rester actif. Depuis novembre 2017, cette campagne grand public a été déployée en cinq vagues grâce à des spots publicitaires TV et radio, des affiches dans les réseaux de transports de proximité, des contenus pédagogiques diffusés sur Internet et la promotion de l’application mobile Activ’Dos. Le dernier volet, diffusé en septembre dernier, a notamment souligné la possibilité de pratiquer des activités physiques régulières dans le contexte épidémique, chez soi et dans un périmètre proche. C’est au regard des conséquences du confinement sur la lombalgie et de son impact sur les comportements des Français que l’Assurance Maladie prépare le prochain volet de sa campagne qui sera diffusé au cours du premier semestre 2021.
Étude CONFI-LOMB présentée dimanche 13 décembre au congrès national de la Société Française de Rhumatologie par Audrey Petit, professeur des universités, praticien hospitalier au CHU d’Angers et au Centre de consultations de pathologie professionnelle et santé au travail.