À la tête de la Maison de vente Chativesle, le commissaire-priseur rémois exerce son activité avec passion et avec le sourire. Il s’efforce de dynamiser et de démocratiser son métier.
Si les ventes judiciaires réalisées sur ordonnance du Tribunal de commerce représentent la moitié de l’activité d’Alban Gillet, c’est plutôt la vente d’objets d’art et de collection qui suscite le plus de fascination et a poussé le commissaire-priseur vers cette profession. Une passion qu’il exerce au quotidien et notamment lors de sessions de vente spécialisées comme celle d’objets d’art organisée le dimanche 16 juin au sein de son étude, rue de Chativesle, à Reims. « Dès le collège, j’ai été attiré par l’art. En 4e, une tante m’a conseillé de voir des œuvres de Velasquez et de Goya en vue d’un voyage de classe à Madrid et d’une visite au Prado. Cela a été une sorte de révélation artistique mais je n’ai jamais envisagé de devenir artiste ou conservateur de musée », se souvient celui qui a étudié dans l’Aube dès 1991 suite au déménagement familial à Bar-sur-Seine. « Je suis allé au lycée à Troyes puis à la faculté de Bourgogne, à Dijon où j’ai obtenu une licence de droit puis un DEUG d’histoire de l’art ». La découverte de la vente aux enchères chez Drouot (Paris) a confirmé la naissance de cette vocation.
À l’époque, le jeune homme ne recherchait pas particulièrement à revenir dans sa ville d’origine, mais il a saisi une opportunité professionnelle. « J’ai débuté ma formation en 2005 en suivant des cours théoriques et en étant embauché en stage à Reims par Ludovic Dapsens ». Cela lui a permis d’apprendre le métier puis de prendre la relève : « J’ai obtenu mon habilitation à diriger une vente aux enchères en 2007 et j’ai ensuite été recruté en tant que clerc. C’est en 2012 que j’ai racheté l’activité suite à son départ en retraite ».
CRÉER DES ÉVÈNEMENTS
Depuis, il s’attache à exercer sa profession en y apportant sa touche personnelle, en essayant d’apporter du dynamisme et de casser les codes. « J’adore vendre, il faut savoir théâtraliser un peu, l’animation est importante », souligne celui qui aime connaître et raconter l’histoire et la provenance des objets.
Si des ventes classiques, un peu « façon brocante », sont organisées quasiment chaque semaine (le mardi), Alban Gillet a tenu à créer régulièrement des événements spécialisés : « Nous proposons des ventes spécialisées pour lesquelles nous fixons les dates plusieurs mois à l’avance. À nous de trouver des produits à vendre d’ici là, mais cela pousse aussi des vendeurs à nous contacter. La vente appelle la vente ».
Parmi les thèmes retenus, une vente de jouets anciens et poupées de collection est programmée mardi 2 juillet, une autre sur les timbres et cartes postales en décembre… « Nous mettons en place deux ventes aux enchères par an sur le vin et le champagne, le militaria est aussi un marché dynamique », cite-t-il en exemple. C’est ainsi qu’un costume d’adjudant de Zouave de la Première guerre mondiale a été vendu 2400 € en mars 2019 ou qu’une bouteille de champagne Salon de 1964 a été cédée contre 2 800 € l’année dernière. Autant de rendez- vous qui attirent les professionels de l’achat-revente, les collectionneurs mais aussi des particuliers curieux. Ils sont toutefois de moins en moins nombreux sur place mais de plus en plus présents sur internet. « Ils peuvent nous voir en vidéo en direct, cela décuple les possibilités de vente ».
DES VENTES SURPRENANTES
Ses enchères les plus importantes sont référencées sur son site internet, mais le commissaire-priseur se souvient surtout de celles où l’estimation était très en dessous du juste prix. « Une dame m’avait apporté un tableau que lui avait donné une châtelaine. Je n’arrivais pas à en retrouver l’auteur, il est resté trois ans chez nous et je pensais qu’il ne valait pas grand-chose. Finalement, il a été vendu 8 200 € ! C’était une œuvre d’un peintre grec, Yannis Tsarouchis ». Autre exemple avec un plat qu’il pensait chinois du XIXe siècle et qui provenait en fait du Japon et datait du XVIIe : il a donc été vendu 6 000 € : « Le marché corrige nos erreurs, les spécialistes repèrent les produits de valeur ». En revanche, il ne sous-évalue pas un tableau du Marocain Ahmed Cherkaoui qui sera mis en vente le 16 juin et pourrait rapporter plusieurs centaines de milliers d’euros si les enchères s’envolent.
Les ventes aux enchères ne sont pourtant que la face la plus visible du métier puisque son équipe (6 salariés) et lui doivent examiner les objets, organiser les ventes, avoir recours à un réseau d’experts pour donner la bonne estimation du prix… « Il faut que le montant reste attractif pour susciter des enchères », précise-t-il. La logistique représente aussi un enjeu important pour stocker parfois pendant plusieurs mois certains objets. « Je laisse maintenant l’expédition à un partenaire car c’est trop chronophage », estime le chef d’entreprise.
CASSER LES CODES
Dans son optique de moderniser la vente aux enchères, Alban Gillet s’est essayé à délocaliser une vente d’œuvres d’Ezio Bottoni à Quartier Libre l’année dernière. Il s’appuie également sur les réseaux sociaux. « J’ai par exemple publié sur Instagram une photo d’un pied de fauteuil Louis XV dans une chaussure Adidas Wings », sourit -il, convaincu de la nécessité de « démocratiser » son activité.
Avec sa compagne, Pauline Hyme, le commissaire-priseur cherche à « ouvrir les portes et à faire vivre » la Maison de vente Chativesle : « Nous l’ouvrons à des partenaires. L’ESAD est venue faire sa foire de design, Jazzus y organise régulièrement des concerts… ». Mélomane, il baigne naturellement dans le milieu de la culture rémoise et participe même bénévolement à des opérations caritatives. « Pour l’association Velours, j’ai par exemple animé jeudi 9 mai (lors du Boom Bap Festival) une vente d’œuvres d’artistes au profit de l’association L’Eveil, qui œuvre pour l’insertion professionnelle de jeunes travailleurs handicapés à Cormontreuil. C’est gratifiant ».