Alors qu’en pleine crise sanitaire, le second tour des élections municipales n’a toujours pas eu lieu, les communes doivent tout de même continuer à fonctionner, entraînant une certaine organisation de leur part.
Fait inédit jusqu’alors, le premier tour des élections municipales a eu lieu sans qu’il soit possible d’organiser le second tour dans la foulée. En raison des circonstances actuelles, celui-ci est renvoyé pour le moment au mois de juin (article 19 de la loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020) mais l’on parle de plus en plus du mois d’octobre. Pourtant, les communes doivent continuer à fonctionner et prendre notamment toutes les mesures qui s’imposent pour faire faire face à la pandémie du Covid-19. Mais qui fait quoi, lorsque des candidats ont été élus dès le premier tour des élections ? Quelles sont les compétences respectives du maire et du conseil municipal ? Dans quelles conditions ce dernier peut-il statuer ? Les délais normalement imposés doivent-ils être respectés ?
LE MAINTIEN DES ÉLUS EN EXERCICE AVANT LE PREMIER TOUR
La règle fixée par la loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 est que les conseillers municipaux et les maires en exercice avant le premier tour conservent leur mandat. Ce sont donc les élus des élections municipales de 2014 qui continuent de gérer les communes. Ainsi, ceux qui ont été élus dès le premier tour, le 15 mars 2020, n’exercent pour le moment aucune fonction. C’était la seule solution possible lorsque le conseil municipal n’a pas été élu au complet au premier tour ou lorsqu’aucune liste n’a obtenu la majorité des voix. C’était également la meilleure solution lorsque le conseil municipal a été intégralement élu dès le premier tour (ce qui est tout de même le cas dans 86 % des communes !) puisque la période actuelle d’état d’urgence sanitaire et de confinement ne permet pas à ces nouveaux élus de prendre (ou reprendre) leurs fonctions dans les meilleures conditions. D’ailleurs, dans le cas contraire, le principe d’égalité avec les communes dans lesquelles un second tour est nécessaire aurait été violé. La date de prise de fonction de ces élus du premier tour doit encore être fixée par décret (pour les communes de plus de 1000 habitants) ou interviendra le lendemain du second tour (pour les communes de moins de 1000 habitants).
LE RENFORCEMENT DU POUVOIR DES MAIRES
L’ordonnance n°2020-391 du 1er avril 2020 confie aux maires, pendant toute la durée de l’état d’urgence (soit en principe jusqu’au 24 mai), des compétences qu’ils ne détiennent pas normalement (il en va de même pour les présidents des communautés de communes ou d’agglomération par exemple). Ainsi, chaque maire peut exercer de plein droit la quasi-totalité des attributions prévues à l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales (comme la modification des tarifs, la passation des marchés publics, l’exercice du droit d’expropriation, …), à charge pour lui d’en informer son conseil municipal qui peut décider de mettre fin à sa délégation et de revenir sur ses décisions le cas échéant. Dans un but évident de soutien à l’activité économique et sociale, le maire peut aussi procéder à l’attribution de subventions aux associations et peut garantir les emprunts. De manière aussi totalement dérogatoire, et dans un objectif de célérité, le maire peut décider que des commissions ou conseils devant en principe être consultés ne le seront pas (par exemple les commissions chargées d’étudier les questions soumises au conseil municipal). Toujours dans le même objectif, les décisions prises peuvent être signées par exemple par un adjoint ou un conseiller municipal, le directeur général des services, ou encore le directeur général des services techniques.
L’ALLÉGEMENT DES CONTRAINTES LIÉES AUX DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL
La loi d’urgence sanitaire prévoit que la présence ou la représentation de seulement du tiers des membres en exercice du conseil municipal est requise pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national. Également par dérogation aux dispositions du code général des collectivités territoriales, le maire peut décider de la tenue de la réunion du conseil municipal par visioconférence ou à défaut, par audioconférence. Dans ce cas, il doit transmettre par tout moyen les convocations à la première réunion du conseil municipal à distance, en précisant les modalités techniques retenues. Le caractère public de la réunion du conseil municipal est alors réputé satisfait dès lors que les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique. Enfin, la transmission des délibérations aux préfectures peut se faire par simple messagerie électronique, comme la publication des actes réglementaires qui peut être effectuée uniquement sous forme électronique.
L’ADAPTATION DES DÉLAIS
Sans qu’il soit possible d’entrer ici dans le détail (pour plus de précisions, v. principalement l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020), les délais devant être respectés notamment par les communes ont été adaptés afin de tenir de l’état d’urgence sanitaire. Le plus souvent, les délais qui devaient expirer pendant ce que l’on nomme la « période juridiquement protégée » (soit la période de l’état d’urgence sanitaire qui va du 12 mars au 24 mai plus un mois) recommenceront à courir à son issue. Par exemple, une commune doit se prononcer sur une déclaration d’intention d’aliéner afin d’exercer éventuellement son droit de préemption. Si cette déclaration a été reçue le 20 mars, soit pendant « la période juridiquement protégée », le délai pour exercer ce droit de préemption recommencera à courir à compter du 25 juin.
Par Vincent Corneloup, Docteur en droit, Avocat associé, spécialisé en droit public – DSC Avocats.