Comment les restaurateurs se préparent-ils à la reprise ?

Les professionnels de la restauration devraient pouvoir rouvrir leurs terrasses à partir de la mi-mai.

Selon une étude réalisée par les organismes des professions de la restauration, 100 000 salariés manqueraient à l’appel au niveau national lors de la reprise espérée et prévue le 15 mai prochain. Localement, comment les professionnels préparent-ils la réouverture de leurs établissements ?

Ils ne tiennent plus. Les professionnels de la restauration n’attendent que de lever le rideau, déballer tables et chaises empilées depuis maintenant six mois. Car la dernière fois qu’ils ont vu un client remonte au 28 octobre 2020, date à laquelle la sentence était de nouveau tombée comme un couperet, celle d’un deuxième confinement. Et si les professionnels bénéficient toujours d’un soutien financier de l’État permettant de garder la tête hors de l’eau – dans la Marne, 1 274 entreprises ont été aidées grâce au fonds de solidarité pour un montant total d’aides depuis un an de 49,2 millions d’euros (et un montant moyen par entreprise de 38 677 €) – , le moral lui, est au plus bas. « On se prépare enfin à la sortie de crise. On prie aussi pour que la date annoncée du 15 mai soit maintenue, car niveau santé mentale, ça commence à être difficile », livre sans filtre, Vincent Mansencal, gérant du Lion à Reims et président de l’association des commerçants les Vitrines de Reims. « Le fonds de solidarité me tient la tête hors de l’eau, mais personnellement, je n’ai plus de marge de manœuvre », confie celui qui a racheté l’ensemble des parts du restaurant fin 2019, à la plus mauvaise période. « Nous sommes une profession qui ne supporte pas de rester les bras croisés. Le contact, la rencontre, la convivialité, c’est dans notre ADN », souligne pour sa part François Beguin, président de l’UMIH 08.

LES PROFESSIONNELS SE PRÉPARENT

Les échéances semblent en effet très fragiles, car si début avril un premier calendrier avec une réouverture des terrasses le 15 mai avait été esquissé par le gouvernement, plus la date fatidique approche, plus cette sortie de crise semble être conditionnée aux évolutions de l’épidémie par département. Ainsi, s’il l’on se fie aux chiffres de la Champagne Ardenne, il se pourrait que la levée des restrictions se fasse après le 15 mai…

Pour autant, les professionnels se préparent, même si la mise en œuvre des conditions sanitaires ne devrait pas poser de problème, avec l’expérience du premier déconfinement. « Pour la mise en place, on sait déjà comment s’organiser. On va repartir sur un même modèle, avec pas plus de six par tables et des espacements d’un mètre entre chaque table, selon les préconisations », indique Vincent Mansencal. « De notre côté, on a aussi investi dans un procédé de QR code pour avoir une carte des mets et vins dématérialisée, ce qui a aussi un coût. » Le restaurateur de la place d’Erlon pourra normalement installer tout de même 150 places, mais commencera avec une ardoise très réduite. « L’approvisionnement avec les fournisseurs va mettre du temps à redémarrer normalement, notamment en ce qui concerne les boissons. Il faut savoir que les producteurs de jus de fruits fabriquent avec une DLC courte, il faut donc qu’eux aussi, remettent la machine en marche…»

Néanmoins, tous les professionnels de la restauration ne bénéficient pas d’espace pour y installer tables et chaises en extérieur. « Certains ont un petit parking ou quelques places devant leur établissement, mais ouvrir juste pour quelques couverts, ce n’est pas rentable. Tout comme l’hôtelier ne va pas ouvrir ses cuisines pour faire trois sandwichs ou salades en service en chambre correspondant à deux heures de travail », insiste pour sa part François Beguin. Celui qui est toujours gérant de son établissement Le Vert d’Eau à Charleville-Mézières reste prudent : « Nous accompagnons depuis le début nos restaurateurs, en les mettant au courant des nouvelles aides notamment, explique le président de l’UMIH 08, mais il faut se rendre compte que si les préconisations passent d’un à deux mètres de distance entre les tables par exemple, ça ne va pas être tenable financièrement pour la majorité des professionnels ! »

Sachant que les municipalités ont généralement mis la main à la poche en annulant les droits de terrasses, « ce qui peut monter jusqu’à 5 ou 6 000 euros à l’année pour la Place Ducale à Charleville-Mézières », déclare François Beguin. Il révèle aussi que l’UMIH est toujours en négociation avec le gouvernement sur la poursuite des aides apportées aux restaurateurs. L’organisme espère d’ailleurs la poursuite des mesures d’accompagnement mises en place par les collectivités lors du premier déconfinement (exonération des droits de terrasses, extension sur le domaine public de ces dernières).

CERTAINS MÉTIERS EN TENSION

Car la reprise va être aussi conditionnée à la présence au non de tous les salariés. Selon une étude menée par les organismes professionnels, 100 000 manqueraient à l’appel à la mi-mai… Un constat qui n’étonne pas Vincent Mansencal, lui qui emploie 17 salariés et dont l’ensemble est au chômage partiel. « Je pense que je n’en reverrai pas deux ou trois au moment de la réouverture », estime-t-il. « Certains confrères m’ont aussi signalé que leur chef de salle par exemple ne reviendrait pas travailler. De mon côté, j’ai un collaborateur qui a trouvé un emploi à l’usine et un autre dans une société de téléphonie qui tire des câbles. » Ce qu’il comprend. « C’est normal, certains ont eu la chance de décrocher des emplois dans d’autres secteurs et ont apprécié ne pas finir à 2 ou 3 heures du matin, de rester chez eux le week-end… Même en gagnant un peu moins, le choix est compréhensible. » Les salariés du Lion sont en effet payés au pourcentage avec un salaire fixe, « ce qu’ils gagnent en plus est rapporté à ce qu’ils ramènent en CA à l’entreprise. Au chômage partiel, ils perdent entre 700 et 800 euros par mois, sans compter les pourboires. » Et comme les collaborateurs peuvent travailler en plus du chômage partiel en intérim notamment, ce n’est qu’au dernier moment, afin de bénéficier des aides le plus tard possible, que les restaurateurs connaitront leurs effectifs réels.

« Pour remplacer un serveur dans une brasserie, les professionnels devraient pouvoir se débrouiller », juge François Beguin, « mais cela risque d’être beaucoup plus compliqué pour des postes comme chef de salle dans un établissement étoilé, qui demande une formation particulière. » C’est pourquoi l’organisme se tient non seulement aux côtés des professionnels mais également des apprentis et de Pôle emploi, afin de rechercher un vivier pour les nombreux postes à pourvoir dans le secteur de la restauration. Le gérant du Lion espère pour sa part une reprise telle qu’elle s’était faite en juin 2020, avec un chiffre d’affaires qui avait été aussi radieux que la météo, afin de pouvoir rembourser son PGE sur un an et demi au lieu de trois.