Président de la Fédération nationale des travaux publics, le toulousain Bruno Cavagné, à la tête du groupe familial Giesper, spécialisé dans les TP, le bâtiment et l’immobilier, fait le point sur la situation de la filière à la sortie de la crise sanitaire. Interview.
Quid de la filière des travaux publics, pendant et post-Covid ? Quels constats peut-on faire et quelles tendances se dessinent ?
Un premier confinement compliqué, avec des chantiers arrêtés en mars 2020, mais très vite l’avènement d’un protocole pour redémarrer, avec dans la boucle cinq ministères, cinq fédérations, des syndicats, mais nous avons réussi à repartir assez rapidement, dès le mois d’avril, et sur les premiers mois, nous avons même récupéré le retard des chantiers. Malgré tout, en fin d’année, l’activité avait chuté de 13 %. On s’attendait en fait à un gros trou d’air début 2021, et finalement, tout au moins pour les travaux publics, il ne s’est pas produit, même si l’activité n’est pas énorme. Je dirais même qu’il y a un certain optimisme dans la filière, en discutant avec les élus locaux, on sent une vraie volonté politique, assez générale, d’avancer ensemble. Nous gardons bon espoir pour le second semestre 2021, avec une accélération de l’activité. D’ailleurs au niveau de l’emploi, seul l’intérim a chuté. Pour 2022, avec l’élection présidentielle, on peut accélérer, si bien sûr la vaccination fait ses preuves. Disons que nous sommes… modérément optimistes, sans signal d’alerte inquiétant.
Et du côté du Plan de relance ? Quel jugement portez-vous ?
Du retard à l’allumage, mais tout est en train de se mettre en place, nous suivons l’avancement de près. Par rapport au bâtiment, la part des TP est ténue (sur les 100 Mds€ budgétés par l’État, les travaux publics bénéficieront de 3,8 Mds €, 700 M€ sur 2021, NDLR). Mais quels que soient les chiffres, nous voulons que ce soit effectif, déployé, pour continuer à avoir de la visibilité. Nos amis du bâtiment s’alertent plus sur les permis de construire, le gouvernement a missionné une commission dédiée, je pense que la proximité de l’élection présidentielle va accélérer le mouvement.
S’agissant de la santé des entre- prises, quel diagnostic faites-vous ?
Le remboursement des PGE va peser, il faudrait rallonger les délais. Beaucoup d’entrepreneurs se sont servis de ces PGE pour renflouer les trésoreries. Ce qui est rassurant, c’est d’être dans un pays qui fonctionne par cycles, et on voit bien aujourd’hui que les collectivités réagissent quand un segment – le logement par exemple – décélère. La volonté de faire et d’avancer est là.
Et l’écologie vue par le prisme des TP ? Qu’en est-il ?
Le monde change, manifestement chacun d’entre nous va être obligé d’amener sa pierre à l’édifice, c’est ce que nous faisons à la fédération, où nous travaillons déjà sur la décarbonation de nos métiers, avec un cabinet indépendant qui nous apporte la contradiction nécessaire pour améliorer les choses, réaliser des infrastructures moins impactantes, pour répondre à ce qui se passe d’un point de vue climatique et environnemental.
Fin du gazole routier plus tôt que prévu
La FNTP dénonce un revirement du gouvernement
Le gouvernement avait annoncé fin mai le maintien du gazole non routier (GNR) pour le secteur jus- qu’au 1er janvier 2023. Cette annonce faisait suite à des mois de discussion entre la Fédération nationale des travaux publics et le gouvernement. Compte-tenu de la situation économique très précaire dans laquelle se situent les entreprises de travaux publics depuis le début de la crise sanitaire, aggravée par la flambée des coûts des matières premières, la FNTP avait formulé dès l’hiver dernier une nouvelle demande de report du GNR.
Pour mémoire, initialement annoncée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, la suppression du GNR a déjà été reportée plusieurs fois à la demande de la FNTP : la première fois fin 2018 à l’issue d’une négociation avec le gouvernement qui avait permis d’obtenir une première échéance de suppression au 1er juillet 2020. Un deuxième report en juin 2020 au cœur de la crise sanitaire avait acté une suppression totale au 1er juillet 2021.
Malheureusement, un amendement de la majorité parlementaire adopté début juin avec le soutien du gouvernement a finalement réduit de six mois le report obtenu par la profession. « Les justifications entourant ce revirement sonnent comme un nouvel affront pour la profession, indique dans un communiqué la FNTP, car si les Travaux Publics prennent pleinement leur part à la transition écologique, l’ensemble des acteurs reconnaît que la suppression du GNR, en l’absence d’engins écologiques disponibles sur le marché, constitue une erreur qui fera peser sur le secteur une charge supplémentaire de 700 M€ en année pleine. » Le secteur demande ainsi au Gouvernement de revenir à son engagement initial et souhaite être reçu en urgence par les représentants des majorités dans les deux assemblées pour en discuter.
Pour le président de la Fédération nationale des travaux publics, Bruno Cavagné, « ce revirement inexplicable est tout à fait inacceptable pour l’ensemble du secteur de la construction qui avait appris du gouvernement la nouvelle du report au 1er janvier 2023 avec beaucoup de soulagement. Ce vote est proprement irresponsable, sachant que les engagements publics du gouvernement avaient déjà été communiqués à l’ensemble de nos entreprises » .