Émilie Soussi et Céline SchliengerCocréatives

Émilie Soussi et Céline Schlienger

Désormais associées au sein de WD, l’une des premières agences toulousaines de design d’expérience, les deux jeunes femmes mènent tout en douceur la révolution des usages.

«On veut changer le monde ! » À la tête de WD, une agence de conseil en stratégie, Émilie Soussi et Céline Schlienger, la quarantaine à peine sonnée, ont la foi des pionniers ! Leur credo ? Le design d’expérience, un concept qui trouve à s’appliquer dans de très nombreux domaines dont l’agriculture, le trading, la médiation culturelle, la santé, l’énergie, l’automobile, l’environnement, l’industrie, les transports… et permet de répondre à des problématiques aussi variées que complexes tel le partage de matériel agricole, la gestion des hôpitaux, la promotion touristique, l’optimisation du temps de passage au contrôle de sécurité d’un aéroport, les garages du futur ou l’identité vocale d’une marque…

Et si l’UX design évoque plutôt pour le commun des mortels le nom d’un break de marque allemande ou le dernier modèle de smartphone coréen, c’est qu’une petite explication s’impose. « Nous aidons les entreprises à innover par les usages, détaille la fondatrice de l’agence, Émilie Soussi. Le design d’expérience couvre des produits numériques, des espaces, des services, etc., et concerne l’expérience que l’on peut avoir de A à Z, d’un site internet, d’un achat en ligne, peu importe. C’est penser l’expérience utilisateur à différents points de contact avec une marque pour faire en sorte que tout se passe bien. Dans le cas de l’achat en ligne, l’expérience commence à partir du moment où l’utilisateur entend parler de la marque, fait des recherches, arrive sur son site, commande, la reçoit, fait un retour ou appelle le SAV pour avoir des informations complémentaires. C’est tout ce qui relie l’utilisateur à une marque. Nous, nous faisons en sorte que tout se passe le mieux possible pour l’usager de bout en bout. »

Mais l’expertise de WD s’étend bien au-delà de ce cas d’école très classique. « Notre particularité, poursuit la jeune femme, c’est que nous traitons des missions d’un niveau de complexité bien supérieur. Nous aidons par exemple à concevoir des logiciels pour des médecins cancérologues. Nous travaillons sur l’aménagement de salles de supervision de lancement de fusée, des salles de gestion de crise, etc. »

Des missions très variées dont le point commun est l’attention portée aux usages. « Par la connaissance qu’on peut avoir des usages actuels, nous aidons les entreprises, qui souhaitent innover, à trouver des idées et à créer des innovations qui ont du sens pour l’utilisateur final, ajoute Émilie Soussi. Très souvent en effet, les chefs d’entreprise ou les chefs de projet ont tellement la tête dans le guidon, sont de tels experts dans leur domaine, qu’ils sont déconnectés de leur cible, celle qui va utiliser leur produit. » Entre les pros de la tech et ce qui « se passe sur le terrain, il y a souvent un écart important, confirme Céline Schlienger qui a rejoint Émilie Soussi en 2019 après deux ans et demi de collaboration étroite entre les deux femmes. Notre démarche est d’aller sur le terrain pour comprendre la réalité et les enjeux et trouver des opportunités pour faire matcher les besoins des usagers et les compétences technologiques. »

Du « bon sens » en apparence seulement car cela nécessite des savoir-faire. Recherche ethnographique, techniques de créativité en mode cocréation avec les équipes du client et les usagers finaux, design itératif… les méthodes utilisées par les deux associées bouleversent les codes : « l’objectif est de maquetter très vite, de donner vie au futur produit ou service et de le confronter très tôt aux utilisateurs via des tests, avant le développement du produit. » À l’image des télécommandes qu’elles ont réalisées en carton et mises entre les mains d’agriculteurs pour simuler le guidage d’un robot agricole. « L’idée c’est d’être rapidement dans le concret pour pouvoir se tromper très vite et ensuite extraire les choses qui fonctionnent bien et déceler de nouvelles opportunités », ajoute Céline Schlienger.

Une démarche aujourd’hui plus largement répandue, « mais au départ, c’était déstabilisant pour les équipes », confirme Émilie Soussi. De fait, apparue outre- Atlantique, la notion d’expérience utilisateur a été popularisée au début des années 2000. Autant dire qu’en 2008, en pleine crise, à Toulouse, lorsqu’Émilie Soussi et Marion Comet, tout juste diplômées en ergonomie ont fondé WD, les débuts « ont été difficiles » reconnaît-elle. Elles se lancent à 27 ans, « sans expérience, sans réseau, sans argent ». « On était soit très naïves, soit complètement folles ou alors on y croyait à fond, et c’est certainement un petit peu des trois », expliquait Marion Comet en 2014. Laquelle quittera l’aventure en 2016 pour partir aux USA.

De sous-traitance en cotraitance, le duo à la tête de WD finit par accumuler de belles références et se bâtit une clientèle, aujourd’hui très fidèle. Elle a aussi élargi sa palette d’interventions à la formation et au coaching. « En 2008, personne ne parlait d’UX design. La référence en la matière, c’était Apple et Nokia, sourit Émilie Soussi. Puis les gens ont commencé à comprendre » l’intérêt de l’approche centrée sur l’utilisateur, « mais entre ce moment et le jour où ils ont eu les budgets pour ce type de mission, il s’est passé quelques années ! »

Un diplôme de l’Enac et un master en interface homme machine (IHM) en poche, Céline Schlienger avec laquelle Émilie Soussi a reformé un duo depuis trois ans – parce qu’elles partagent « les mêmes valeurs, la même vision » –, a elle aussi, une longue expérience dans le domaine de l’UX design. Elle a participé, dès ses débuts, à l’aventure du toulousain Intuilab, un spécialiste de l’IHM, devenu éditeur de logiciels d’interfaces multimodales. Là également, s’agissant d’une innovation disruptive, « il fallait expliquer aux clients, évangéliser, démythifier, se souvient la jeune femme. Cette expérience m’aide aujourd’hui à comprendre leur fonctionnement ! » Mais après 14 ans passés au sein de l’ex-start-up, « il était temps de changer, de revenir sur le terrain », ajoute-t-elle. C’est une connaissance commune qui les a fait se rencontrer. Le café qu’elles devaient prendre ensemble s’est transformé en une collaboration fructueuse, au point que ces deux intuitives qui « aiment les problématiques coriaces » se projettent volontiers dans l’avenir pour mettre un peu plus d’humain dans les innovations dans les secteurs de la culture, l’éducation, l’environnement et la santé car, expliquent ces deux jeunes femmes en quête de sens, « c’est là qu’on a le plus d’impact et il y a beaucoup à faire… »

Parcours

1978 Naissance de Céline Schlienger en région parisienne
1981 Naissance d’Émilie Soussi à Toulouse
1998-2001 Céline Schlienger intègre l’Enac et devient ingénieur en informatique et contrôle aérien
1999-2004 Émilie Soussi obtient une maîtrise de psychologie ergonomie à l’UT2 Jean Jaurès
2000-2001 Céline Schlienger obtient un master en interaction homme machine à l’UT1 Capitole
2002-2016 Céline Schlienger rejoint Intuilab, éditeur toulousain de logiciels pour écrans interactifs, en tant que UX designer et développer. Devient chef de projet innovation
2003-2006 Émilie Soussi obtient un master en ergonomie, facteurs humains et usabilité au Cnam
2008 Émilie Soussi fonde avec Marion Comet l’agence WD. Cette dernière quitte la France pour les États- Unis en 2016
2016 Céline Schlienger fonde Loxo Design, un cabinet de conseil en innovation par le design
2019 Après deux ans et demie de collaboration, Céline Schlienger devient associée de WD