Citadelle mais pas tour d’ivoire

Citadelle

Sur une superficie de 12 hectares, la Citadelle de Besançon offre un panel d’expériences touristiques et culturelles très riche regroupées sous les valeurs de l’Unesco.

Chef-d’œuvre de Vauban inscrit sur la liste du Patrimoine mondial par l’Unesco en 2008, la Citadelle de Besançon, rachetée par la ville en 1959, est un haut lieu touristique et culturel régional. Polymorphe dans son offre touristique, le site abrite trois musées labellisés Musées de France. Des espaces de savoir, de transmission et de découverte qui trouvent une cohérence dans leur présence commune à 100 mètres d’altitude à l’aulne des idéaux diffusés par l’Unesco.

«Ça résiste ! ». C’est le sentiment dominant ressenti par Valérie Guy, directrice de la Citadelle de Besançon, lors de sa première ascension à la rencontre de ce monument historique. « Passé l’émerveillement suscité par la beauté intrinsèque des lieux, j’ai très vite été déroutée par la complexité de l’offre touristique. Comment expliquer la présence concomitante, au cœur de fortifications Vauban, d’un musée comtois, d’un musée de la Résistance et de la Déportation, ainsi que d’un muséum (composé d’un jardin zoologique, un noctarium, un insectarium, un naturalium, un aquarium et une petite ferme) ? ». Difficile en effet de faire le lien entre les grenouilles mousse de l’insectarium et la lettre poignante qu’Henri Fertet rédige à 16 ans avant d’être fusillé en 1943, avec 100 autres résistants, suite à sa condamnation à mort par le tribunal militaire de la Feldkommandantur de Besançon. Valérie Guy, titulaire d’un double master en tourisme et juriste des collectivités territoriales prend la direction de la Citadelle le 16 novembre 2017. Originaire de Saône-et-Loire, elle occupe de septembre 2014 au 12 novembre 2017, le poste de directrice du Grand Site de France de Solutré. « Quand j’ai vu l’offre d’emploi pour cette citadelle bisontine, que je n’avais jamais visitée, j’ai été emballée intérieurement par l’idée de travailler sur un site Unesco, ça m’a parlé, j’ai été emportée », confie cette femme habituée aux challenges : « Sur Solutré, classé Grand Site de France – un label renouvelé tous les six ans – nous avions ce devoir de faire vivre aux visiteurs une expérience unique qui combine l’émotion artistique, le divertissement et la contemplation, tout en se questionnant sur une fréquentation qui dégrade les lieux. Avec un site Unesco, la barre est encore plus haute : c’est la communauté internationale qui vous juge et les visiteurs sont en droit d’attendre l’excellence en matière d’expérience client », affirme la directrice.

LIEN ONUSIEN

Pour faire émerger ce fil rouge sous-jacent d’une citadelle où la profusion des offres rime avec confusion, Valérie Guy a mis en place des « Cafés Unesco » impliquant l’ensemble des personnels du site. « Je suis arrivée au moment où l’on fêtait l’anniversaire des dix ans de l’inscription à l’Unesco. J’ai ainsi invité les différentes équipes de la Citadelle à réfléchir, en ateliers, sur ce que représentait pour eux la reconnaissance Unesco. Ce fut également l’occasion de créer plus de liens entre des équipes peu habituées à travailler autour d’un axe commun. Chacun s’est mis en posture de visiteur. Nous avons opéré un brassage des cultures : le soigneur s’est glissé dans la peau du conservateur et réciproquement », confie Valérie Guy. Des temps « Vis mon job » qui font émerger un concept fort reliant chaque espace de la Citadelle. « Nous avions un message commun à faire passer : celui de la nécessité de préserver le passé aujourd’hui pour préparer l’avenir ». Restait encore à le traduire au niveau de la communication externe. « Ce que nous voulions dire, c’est que la Citadelle est un lieu qui transforme le visiteur en citoyen éclairé. L’inscription à l’Unesco n’est pas une mise sous cloche, mais bien une ouverture vers l’extérieur autour de valeurs universelles ». Des idéaux humanistes qui trouvent écho dans les différentes propositions de la Citadelle de Besançon. Ainsi le musée comtois devient « acteur du dialogue des cultures », le musée de la Résistance et de la Déportation un « passeur de paix », et le muséum un « gardien de la bio- diversité »… Ces principes onusiens sont le fil rouge qui manquait à la cohérence touristique de la Citadelle. « Ces éléments forts de communication sont regroupés sous une accroche « ombrelle” emblématique du site : « Citadelle de Besançon, née pour défendre et protéger”. Aujourd’hui armés de ce message fédérateur, il nous reste à structurer et qualifier notre offre touristique, explique Valérie Guy. Nous devons regarder ce qui peut se pratiquer ailleurs, comme au Puy du Fou et voir comment on peut s’en emparer et l’adapter ici, pour proposer une authentique interaction émotionnelle avec nos visiteurs. Plusieurs études démontrent l’effet positif sur la performance économique de la prise en compte de l’expérience client dans l’offre touristique, avec des progressions de l’ordre de 30 à 40% dès la première année. Nous devons tirer les équipes vers le haut, monter en compétence, faire en sorte que tous soient conscients, – y compris les bisontins dans leur rôle d’ambassadeurs – que la Citadelle avec ses 270.000 visiteurs annuels est une « locomotive” de l’attractivité régionale. Aujourd’hui la motivation des familles pour une visite est à 70 % portée par le parc zoologique. Pour infléchir cette tendance nous avons proposé cette année de nouvelles choses, de l’inattendu (escape game, immersion de demi-journées dans la peau d’un soigneur, visites animées par des comédiens sur la thématique onusienne…) et bousculé les pratiques en travaillant davantage avec des mécènes, pour préserver par le développement comme l’Unesco nous y invite. Reste à élargir notre clientèle notamment étrangère, pour que la Citadelle accède pleinement à sa place de véritable destination touristique ».