Ciel dégagé pour l’industrie aérospatiale en Occitanie

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L’Insee d’Occitanie a publié la semaine dernière les résultats de son enquête sur les résultats de l’industrie aéronautique et spatiale dans le grand Sud-Ouest en 2017. Il en ressort que le secteur a connu une belle croissance, et devrait continuer à embaucher, d’autant que les emplois restent toujours autant difficilement pourvus.

L’année dernière, plus de quatre milliards de personnes ont été transportées par avion dans le monde. « Avec un record le 29 juin de 202 000 vols, dont 19 000 simultanés » selon la Fédération aéronautique internationale (FAI), observe Fabienne Le Hellaye. Le 10 avril, depuis Bordeaux, la directrice régionale de l’Insee de Nouvelle-Aquitaine animait la conférence de presse de présentation des chiffres d’activité de la filière aéronautique et spatiale dans sa région et en Occitanie – où le rendez-vous était retransmis en direct dans les locaux de l’Insee régionale, ainsi qu’à Limoges. Pour cette dernière, c’est une preuve de plus – mais en fallait-il encore ? – que « ce secteur est en train de se développer et que la concurrence internationale y est vive ».

D’où l’utilité de l’étude menée par l’Insee auprès des entreprises de la filière, afin d’identifier ses forces comme ses faiblesses, ses besoins, ses attentes ; au total, ce sont un peu plus de 2000 sociétés qui ont été interviewées, apportant « des informations qui ne sont disponibles nulle part ailleurs, dans aucune autre base statistique », note Lionel Doisneau, le chef de la division Économie à l’Insee d’Occitanie. En particulier, renchérit Yann Barbaux, le président du pôle de compétitivité Aerospace Valley également présent à Bordeaux ce jour-là, en ce qui concerne « les PME et ETI pour lesquelles on a le plus besoin de ces informations, pour savoir où porter l’effort car celles des grands groupes, on les obtient assez facilement ! ».

Premier enseignement : en 2017, l’industrie aéronautique et spatiale a créé 3 900 emplois de plus qu’en 2016, soit une croissance de 2,7 % (contre 2,3 % l’année précédente). À la fin de l’année, il y avait ainsi 146 000 salariés dans ce domaine en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie (soit 6 % de l’emploi salarié total de ces deux régions), dont 114 000 travaillaient uniquement pour la filière aérospatiale – d’autres entreprises pouvant avoir des clients dans l’industrie automobile, ferroviaire, du numérique, etc. Même si tous les secteurs concernés ont créé de l’emploi, l’industrie (construction spatiale et métallurgie) est restée le premier employeur de la filière avec 95 000 salariés – soit 20 % de l’emploi industriel du grand Sud-Ouest – contre 50 000 dans le tertiaire, dont 30 000 dans l’ingénierie et les activités informatiques. Sans surprise, 63 % des effectifs sont concentrés en Haute-Garonne et 11 % en Gironde ; tout comme les emplois créés l’ont été dans ces deux zones, avec 3 000 postes dans notre département, et 500 dans celui de Bordeaux. Néanmoins, l’Insee d’Occitanie remarque que l’emploi a également progressé dans l’Ariège, le Lot-et-Garonne, ainsi que dans la Vienne et dans les Deux-Sèvres. De manière plus générale, rappelle l’organisme public de statistique, la filière aérospatiale occupe 107 300 emplois en Occitanie, contre 38 300 en Nouvelle-Aquitaine.

LES FORTUNES DIVERSES DE LA SUPPLY CHAIN

L’étude de l’Insee d’Occitanie a aussi été l’occasion de se concentrer sur la chaîne d’approvisionnement : soit 1100 sous-traitants, fournisseurs et prestataires de services, qui représentent 70 % des salariés de la filière. Autant d’entreprises qui sont très dépendantes du carnet de commandes des donneurs d’ordres aéronautique et spatial, puisque selon l’Insee, la moitié des entreprises interrogées réalisent au moins les trois quarts de leur chiffre d’affaires grâce à eux. En 2017, la supply chain a réalisé au total un chiffre d’affaires de 13,9 Mds€ ; soit une croissance en moyenne de 5,4 % dans le grand Sud-Ouest ; ce qui est loin, très loin des plus de 8 % atteints par les deux régions en 2016. Pour autant, « si la croissance ralentir, reconnaît Lionel Doisneau, on reste quand même sur des niveaux élevés. Ce n’est pas la crise ! ». En particulier pour le secteur du spatial, qui peut se targuer d’une croissance de son CA de 18,5 % en 2017. Un « boom » qui concerne autant l’activité de construction de lanceurs (comme ceux d’Arianespace), spécialité de Nouvelle-Aquitaine, que celle des satellites qui est la chasse gardée de l’Occitanie, et même de la Haute-Garonne.

Néanmoins, Yann Barbaux observe que les satellites ont quand même mieux fait que les lanceurs, dans un « boom » que ce dernier explique par « le développement des applications utilisant les données spatiales : géolocalisation, imagerie à haute résolution, spectroscopie, qui sont au service de l’agriculture, de la mer, de l’environnement, de la prévention des catastrophes naturelles. Et demain, elles seront au service de la ville intelligente, de l’agilité… ». Une demande croissante donc, qui se double, ajoute le président du pôle Aerospace Valley, par « la réduction du prix d’accès à l’espace avec le New Space, autrement dit les nanosatellites et les microsatellites qui permettent d’avoir accès à ces applications spatiales à un coût moindre, et donc de les généraliser ». Un phénomène qui devrait se poursuivre avec le lancement des premiers satellites de OneWeb, la coentreprise à laquelle participe Airbus, « sachant que c’est la première fois que l’on est dans la grande fabrication de série pour des satellites ! »

URGENCE DE RECRUTER

En revanche, côté aéronautique, la croissance en 2017 a été bien moindre : +4,7 %, avec un chiffre d’affaires chez les sous-traitants de 13,1 Mds€. Soit 98 % de l’activité de la supply chain. Les principaux secteurs en augmentation sont, là aussi sans surprise, la métallurgie (+8 % de croissance), l’informatique (+11 %) et, dans une moindre mesure, la construction (+ 4 %) et la fabrication d’équipements (+3,8 %) ; seule l’ingénierie accusant une baisse de l’ordre de 0,5 %. Laquelle, selon Lionel Doisneau, « est due en 2017 à l’absence de grands programmes de développement ». Quant à Yann Barbaux, il estime que de manière générale, « 2017 était une année de ralentissement, même si en termes d’emploi, elle a été supérieure à 2016. Mais Airbus pesant beaucoup sur le secteur, les problèmes de moteurs de l’A320neo et de l’A350 ont ralenti nos cadences de production, de sorte que la croissance espérée en 2017 a été plus faible que prévu. Mais on est quand même sur une phase de croissance, même si elle a été retardée d’un an et demi ou de deux ans ! »

Un optimisme que semblent d’ailleurs partager les entreprises de la filière, puisque parmi celles qui ont été interrogées par l’Insee Occitanie, une sur deux envisage d’augmenter ses effectifs, comme d’accélérer ses investissements dans des équipements de production. Car dans la chaîne d’approvisionnement, 87 % des capacités ont été mobilisées en 2018 ; et dans la maintenance, on atteint même les 94% – contre 90% en 2017. Même chose dans les services spécialisés, avec une mobilisation à 91 % par exemple dans l’ingénierie. Mais si les machines sont disponibles, il n’en va pas de même pour la main-d’œuvre : car comme le résume Yann Barbaux, « selon les PME et les ETi, leur croissance n’est pas limitée par des problèmes de financement, mais de recrutement. Et ce sont des besoins à satisfaire non pas dans trois ou cinq ans, mais immédiatement ! ». Ainsi, selon l’Insee Occitanie, 45 % des entreprises ont éprouvé en 2017 des difficultés persistantes à embaucher des non-cadres, et des cadres pour 29 % d’entre elles. Autre difficulté, et attente forte de celles-ci une meilleure planification et une visibilité à plus long terme des projets et besoins des donneurs d’ordres.