Viviane HamzaChez Feronia, tous les goûts sont dans la nature

Viviane Hamza a créé une tisanerie en open-source à Luzy dans la Nièvre.

Du Liban à la Nièvre, elle a créé une tisanerie en open-source pour un retour à la nature.

«Elle est la déesse de la nature sauvage, l’indomptée, l’indomptable… La force de vie et de survie qui anime toutes ces plantes que l’on arrive pas à “éliminer”, ces plantes qui peuvent émerger du béton et arrivent à recouvrir les terres brûlées ». Voilà en quelques mots résumé le tempérament de Viviane Hamza,, 63 ans qui affiche la couleur « bédouine avec un caractère d’arabe et anarchiste ! ». Naturellement, c’est dans la cuisine qu’elle nous reçoit : « J’en ai pour cinq minutes, je prépare les tisanes. J’ai été envahie par des jeunes ». Ce qu’elle appelle ses tisanes, c’est en fait un hydrolat d’huiles essentielles de plantes – qu’elle distille elle-même – du sucre « bio, j’utilise tout bio ! » précise-t-elle, et de l’eau : « Il y a moins de sucres dans un litre que dans un verre de soda ! ». Alors, on goûte ; de la vigne rouge, de l’hibiscus pour la couleur et l’amertume, de la fleur de sureau : « La préférée des jeunes », du romarin-coquelicot : « Actuellement j’arrive à distiller huit ou neuf plantes. Il faut que la plante ait une saveur. J’ai distillé du laurier, de la rose, des bourgeons de sapin, de la sauge, de la mélisse… ».

DE LA GUERRE DU LIBAN AU MANÈGE D’ENFANTS

Le Do it yourself chez Viviane Hamza est une seconde nature. Si la tendance est à la consommation de fleurs comestibles, cette nouvelle mode occidentale est inscrite dans sa culture : « J’ai commencé par préparer chez moi des sirops avec les fleurs d’un rosier de Damas. Mais ça ne se conserve pas, et c’est très sucré. Les fleurs sauvages dans la culture arabe ou asiatique font partie du quotidien. Quand j’étais enfant, il y avait des vendeuses de fleurs sauvages sur le bord des routes. Je goûtais les fleurs dans notre jardin ». Enfance fleurie, adolescence contrariée par la guerre. En 1976, à 19 ans, elle rejoint un temps le rang des combattantes. Elle devient ensuite journaliste critique de livres pour une revue au Liban, La pensée arabe. En 1983, elle quitte son pays et rejoint la France poursuit son métier puis finit par renoncer à la fin des années 1980 : « Le milieu du journalisme m’a dégoûté : les rivalités, la jalousie….». Elle aide alors son mari dans la traduction anglo-arabe « tout en jardinant », pour ses enfants, en fabriquant elle-même son pain, ses pizzas à l’ail des ours et en passant son diplôme d’homéopathe « pour soigner mes enfants ». La chute du pétrole met fin à son travail de traductrice : « Je travaillais pour les musées du Qatar. Ils ont commencé a tellement baisser les prix que je leur ai dit que je préférais dormir ». Elle se met donc à étudier l’histoire ottomane et exploite un manège d’enfants…

LA NATURE 2.0

C’est le dispositif Territoire zéro chômeur qui va lui donner l’occasion de changer de voie et de se convertir dans la cueillette sauvage. Au RSA, on l’oblige à rendre le tablier : « Ils m’ont harcelé pour que je prenne ma retraite, en me menaçant. C’est très humiliant ! ». Jeune retraitée, elle touche désormais 186 euros par mois – insuffisant pour vivre – et décide de se mettre en accord avec ses idées : « Je suis une anarchiste. Je voulais un lieu de bien-être qui soit accessible à tous. J’ai toujours été énervée par les gens qui pensent que le bien-être coûte cher ! ». Car à la tisanerie chez Feronia, le prix est fixe : 1,50 euros par personne, consommation à volonté. Derrière cette initiative, un militantisme moderne: « Je suis une geek. J’adore les réseaux sociaux et inter- net. Cette boutique est un open-source, un modèle, la preuve que l’on peut proposer des choses saines à des prix abordables et gagner sa vie. Le bien-être n’est pas que pour les bobos. Si quelqu’un veut apprendre et créer une boutique similaire, je lui apprends. Je ne vais quand même pas créer une franchise ».

Les débuts sont pourtant difficiles. L’idée germe de créer une association mais la fiabilité est remise en cause : « Toutes les aides en France sont adossées à des crédits bancaires ou pour créer de l’emploi. Pour moi l’important n’est pas que ça marche ou que ça ne marche pas mais que ça puisse exister ! ». Le modèle se créé donc en auto-entreprise, elle achète un immeuble avec son fils et commence à installer son lieu de « partage ». Dans des vitrines disposées dans la boutique, des produits locaux : tisanes, miel, café : « Ce partenariat permet de créer une dynamique autour de la nature. Et il y a une demande. Au début on organisait des réunions sur les tisanes. On a eu 22 personnes qui sont venues, parfois de 30 ou 40 kilomètres. Il y a un marché du bien-être qui se développe beaucoup en ce moment ».

UN RETOUR AUX SOURCES

Ce lien indéfectible avec la nature, elle l’exploite à travers ses excursions : « Toutes les plantes que j’utilise sont ramassées dans la nature ». Signe que la tendance est à la mode, elle invite désormais par les réseaux sociaux, les volontaires, à l’accompagner. Si son enfance « d’arabe au caractère de Bédouine » à renforcé ce lien avec la nature sauvage, c’est l’anarchiste qui conclue : « Toutes ces recettes, ce sont des choses que l’on retrouve dans les livres occidentaux du XVIe siècle : le vin de pêche, les hydrolats de fleurs, l’usage médicinal des plantes, même mes tartes à l’ail des ours. Mais la société de consommation, l’industrie agro alimentaire ont tout fait pour faire oublier ces traditions séculaires pour formater toujours plus le consommateur. Mais heureusement, et encore plus dans des périodes comme celles que nous venons de vivre, les gens se rendent compte qu’il y a un retour nécessaire aux connaissances de la nature ! ».

Parcours

1957 Naissance au Liban.
1976 Intègre un temps les rangs des combattantes.
1983 Arrivée en France.
2019 Ouverture de Chez Feronia.