« Chefs d’entreprises, élus, partenaires sociaux, nous avons tous été au rendez-vous »

Président délégué du Medef, Patrick Martin (à droite) était reçu par Christian Brethon, Président du Medef Marne, le 7 octobre dernier à l’occasion de l’assemblée générale de l’organisation départementale.

En visite à Reims à l’occasion de l’Assemblée générale du Medef Marne, le Président délégué du Medef Patrick Martin a exprimé, devant les adhérents locaux, son sentiment et celui de l’organisation patronale face à la crise.

«On a fait le job », résume Patrick Martin. « Les Français ont aussi été au rendez vous. Je tiens un discours très positif, mais je ne suis pas ignorant de la gravité de la situation globale. Mais il faut saluer ce qui marche ».

Positif donc, sans naïveté aucune et avec humilité. C’est ainsi que le président délégué du Medef s’est présenté devant les adhérents marnais. Un président offensif et au discours direct. Si l’activité globale a décroché par rapport aux prévisions de début d’année des uns et des autres pour 2020, l’organisation patronale note une « remontée spectaculaire » au cours de l’été et n’observe pas de nouvelle dégradation dans la plupart des secteurs d’activité. « Nous sommes tous en train de finaliser nos budgets 2021, c’est un exercice particulièrement complexe dans la période que nous traversons. En tant que chef d’entreprise (il est Président du Groupe Martin Belaysoud Expansion à Bourg-en-Bresse, NDLR) je suis bien en mal de définir les grandes lignes de ce que devrait être pour mon entreprise l’année 2021, donc j’imagine que c’est pareil pour la plupart d’entre vous », estime-t-il. « Je suis raisonnablement optimiste pour la moyenne des secteurs d’activité mais parfaitement conscient qu’il y a des secteurs qui sont menacés dans leur existence même – filière aéronautique dans son ensemble, la filière tourisme, spectacle et événementiel et leurs métiers périphériques interdits d’activité – et auprès desquels il faut être extrêmement présent. »

UN TRAITEMENT CONTRE LE COVID

La probabilité de voir apparaître un traitement et/ou un vaccin pour le premier trimestre 2021 est assez forte, selon le Medef : « Les échanges qu’on a aussi bien avec le gouvernement qu’avec nos adhérents de la pharmacie sont raisonnablement encourageants. Ça serait un immense soulagement pour nous tous », précise Patrick Martin.

LE DIALOGUE SOCIAL À LA RELANCE

Le président délégué du Medef l’assène : « Nous avons tous été au rendez-vous : que ce soit les chefs d’entreprises, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles comme le Medef… Il faut être conscient de l’efficacité dont on a tous fait preuve et insister sur ce point : nous avons eu la démonstration que l’entreprise elle-même et les organisations professionnelles étaient des acteurs absolument déterminants de la vie de la société, de la vie du pays. Ces partenaires sociaux, organisations et corps intermédiaires qui passaient auprès de certains au plus haut de l’Etat, pour des vieilleries strictement inefficaces, ces partenaires sociaux qui passaient pour être inutiles ont, dans cette circonstance, prouvé leur efficacité et leur sens des responsabilités.

J’inclus aussi les organisations syndicales, dont il faut saluer le sens des responsabilités, sans en faire une généralité et sans renier nos convictions bien sûr. Il y a une conscience partagée des partenaires sociaux que la période est grave et que la priorité absolue, c’est de préserver l’outil de travail, c’est de préserver l’emploi. »

DES DISPOSITIFS EFFICACES

PGE, activité partielle de droit commun elle aussi et activité partielle de longue durée – qui enregistre près de 1500 accords dans la filière métallurgie – sont des dispositifs salués par le Medef. « Il y a une boîte à outils sur le plan social qui nous paraît bien adaptée à ce jour. Au niveau des dispositifs financiers, il faut saluer en particulier l’efficacité des banques parce que tout a été déployé à une vitesse incroyable : on est à plus de 600 000 PGE distribués en un temps record pour un montant de 10 milliards d’euros. Le PGE vise prioritairement les TPE et les PME-PMI : 98,5% des PGE ont été versées à des entreprises de moins de 50 salariés et 75% de ces PGE ont été versées à des entreprises de moins de 20 salariés. »

RÉACTIVITÉ ET ÉCOUTE GOUVERNEMENTALE

Au contact permanent du Gouvernement, le Medef estime avoir été écouté par ce dernier et en particulier par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Un exemple ? « Le Gouvernement français a été très réactif, et a engagé des moyens extrêmement puissants, ce qui se vérifie encore aujourd’hui. Le Fonds de solidarité, par exemple c’était 1500 euros par mois pour les petites entreprises, notamment à l’initiative du Medef des Bouches-du-Rhône, qui est en première ligne avec l’interdiction d’activité pour tous les restaurants et les bars. Je l’ai vécu en direct : en 24 heures, entre une première réunion téléphonique avec Bruno Le Maire le jeudi et une deuxième le vendredi, ils sont passés de 1 500 à 10 000 euros. Dans d’autres temps, cela aurait pris six mois. Il y a un rôle moteur du ministère de l’Economie qu’il faut saluer car ils sont très à l’écoute et ça n’a pas toujours été le cas. »

LES TAUX DE SORTIE DES PGE

« Il faut que les entrepreneurs aient en tête une chose essentielle, c’est que ces PGE sont à leur main. Je veux dire par là qu’au terme de la première année, c’est l’entreprise qui décidera si elle rembourse ou si elle proroge jusqu’à 5 ans, ce qui donne une sécurité sur le plan financier qui est actuellement considérable », souligne le président délégué. « Partout, je vois des chefs d’entreprise qui sont angoissés et qui disent : “ Je veux rembourser mon PGE et ma situation de trésorerie ne me permettra pas de le faire”. La réalité n’est donc pas celle qui est annoncée dans la loi. C’est l’entreprise qui décidera si elle rembourse ou pas. En 2, en 3 ou en 4 ans et jusqu’à 5 ans. »

A quels taux ? « La question des taux est importante, bien sûr, mais le montant moyen des PGE est de 180 000 euros. La Fédération bancaire a le coût de la garantie d’Etat. Nos adhérents de la Fédération bancaire française se sont engagés auprès du gouvernement à maintenir un niveau de marge extrêmement faible. En admettant que le coût d’un PGE augmente d’un point de frais financiers. Un point sur un montant moyen de 180 000 euros, ça fait 1 800 euros par an. Je ne dis pas que ça n’est rien, 1800 euros, mais le vrai sujet pour les entreprises aujourd’hui, c’est un sujet de trésorerie plus qu’un sujet de frais financiers. On ne dit pas que la question est négligeable, mais il faut la relativiser. »

RENFORTS DES FONDS PROPRES

C’est un point sur lequel le Medef bataille depuis des années et il a, là aussi, été entendu. « De nouveaux dispositifs viendront, non pas en substitution des PGE, mais en renfort des PGE sur les fonds propres, que ce soit sous forme de prêts participatifs ou de fonds propres à proprement parler, là, les choses ne sont pas encore complètement stabilisées, mais dans le projet de loi de finances 2021, le Gouvernement s’est engagé à apporter 3 milliards de garanties sur ces financements aux prêts participatifs et peut être même sur les fonds propres, avec un effet de levier. Parce que ce n’est pas la même chose d’apporter 3 milliards en cash ou en garantie. Si c’est en garantie, cela permettra de mettre en place 15 à 20 milliards de financements en fonds propres ! »

LA PROTECTION DE L’EMPLOI

« Dans le plan de relance, il y a des choses simples et formidables : Tout ce qui touche à l’emploi des jeunes : 4 000 euros pour embaucher un jeune de moins de 26 ans, 5 000 ou 8 000 euros pour l’embauche d’un alternant, c’est simple. À ce jour l’objectif sur lequel s’est engagé le Medef, c’est à dire maintenir en 2020 le même nombre de recrutements qu’en 2019, est en passe d’être atteint. Alors qu’il y a encore trois mois, les prévisions étaient de prendre entre 30 et 40 % d’apprentis de moins…. Il y a même des professions qui comptent en prendre beaucoup plus. Le bâtiment va en prendre plus, la distribution et la réparation automobile tout comme les agences immobilières vont en prendre plus. D’autres en prendront moins, notamment l’hôtellerie restauration. C’est un devoir moral qu’on a vis-à -vis des jeunes. Il ne faut pas les désespérer donc nous seront au rendez-vous. »

LES COÛTS DE PRODUCTION EN BAISSE

Point noir de la productivité française, notamment dans l’industrie, la baisse des impôts de production par l’Etat, est évidemment accueillie avec satisfaction : « La baisse des impôts de production, on la demandait à cor et à cri depuis des années. C’est 10 milliards d’euros aujourd’hui. Pour être tout à fait précis, si on devait rejoindre la moyenne européenne en terme de coûts de production, ce n’est pas 10 milliards, c’est 35 milliards de baisse dont nous aurions besoin. Donc on considère que ce n’est pas pour solde de tout compte. Mais on est très content parce que ça fait des années qu’on nous baladait sur ce sujet là, qui est vraiment central pour la compétitivité de nos entreprises et singulièrement de notre industrie ».

LE TÉLÉTRAVAIL

« Quelle est la position du Medef aujourd’hui ? Depuis l’origine, on se conforme aux consignes sanitaires strictes parce qu’on ne joue pas avec la santé des salariés, pas plus qu’avec elle de nos clients. Mais ne mélangeons pas le télétravail exceptionnel en situation de pandémie et une situation normale. Les derniers textes qui régissent le télétravail datent de fin 2017. L’arsenal existe déjà sur le plan réglementaire et législatif. Nous ne voulons donc pas d’une énième norme qui s’appliquerait à toutes les situations, tous les territoires, tous les métiers, toutes les tailles d’entreprises.

Par ailleurs, il ne faut pas que le télétravail crée une fracture entre les cols blancs et les cols bleus. Sur les chaines de production automobile, dans les usines, dans le bâtiment et les travaux publics, les gros bataillons de salariés ne seront jamais en télétravail. Et ça, ça créé une rupture entre les cols blancs et les cols bleus. Ce n’est pas le sujet urgent, mais dans la durée, ça peut être grave. »

Patrick Martin glisse d’ailleurs qu’en coulisses, les syndicats se retrouvent assez dans la vision du Medef sur ce point, pour une autre raison également : « Une fois que vous avez mis en place le télétravail, vous vous apercevez que vous pouvez télétravailler aussi bien depuis Madagascar que depuis Epernay ou Châlons. On voit bien un risque à la fois de manque de cohésion dans l’entreprise et surtout de délocalisation d’emplois. C’est un sujet hyper complexe auquel on ne peut pas apporter de réponses à la fois radicales et uniformes ».

LES ACTEURS DE TERRAIN EN PREMIÈRE LIGNE

« Les acteurs de terrain ont fait preuve d’une remarquable réactivité, que ce soient les élus locaux, les conseils régionaux, les départements, les municipalités. Il y a aussi les entreprises elles-mêmes également. Il y a un signe qui ne trompe pas, c’est que l’image des entreprises s’est beaucoup améliorée dans cette période, même si elle va se dégrader parce que des PSE vont arriver. Je ne suis surtout pas en train de vous dire que tout va bien et qu’il n’y a pas de souci. Parce qu’en parallèle, d’après les études de BpiFrance, les résultats des entreprises en termes d’excédent brut d’exploitation vont baisser de 75 milliards d’euros cette année. Donc, il va falloir, à un moment ou un autre, gérer ça ».

Patrick Martin : “Il ne faut pas que télétravail créé une fracture entre les cols blancs et les cols bleus”.