Marylou CombalierChasseuse de trésors

Installée à Montauban depuis deux ans, elle est, à 33 ans, l’un des plus jeunes commissaires-priseurs de France. Et comme tous ses confrères dont l’activité a chuté depuis deux mois, elle a hâte de reprendre le marteau.

Même si elle n’est pas devenue magistrate comme elle l’imaginait, Marylou Combalier n’en mène pas moins quotidiennement des enquêtes passionnantes. Pas de criminel à débusquer pour cette très jeune femme native du Lamentin en Martinique, mais de nombreux indices à relever, traces à demi effacées d’un passé glorieux ou anonyme, grâce auxquels un objet inanimé peut basculer, lorsque le marteau retombe, de l’ombre à la lumière. Marylou Combalier, 33 ans, est commissaire-priseur. L’une des plus jeunes de France lorsqu’elle obtient son diplôme en 2013. Au terme d’un parcours sans faute, qui depuis, l’a conduit à Montauban, où il y a deux ans, elle a eu « la chance » de s’installer en rachetant la charge de David Monteillet.

L’étude, qui a déménagé récemment du cœur de la Cité d’Ingres au faubourg, dans un local plus pratique « lorsqu’on doit venir chercher la commode qu’on vient d’acheter » et surtout plus grand pour présenter au public, à la manière d’une caverne d’Ali Baba, les objets qui seront dispersés lors des prochaines ventes aux enchères, est fermée aux visiteurs depuis le 16 mars. On ne s’en active pas moins derrière ses murs. Après deux mois d’une vie au ralenti qui a permis à la professionnelle de mettre à jour sa comptabilité et plus sérieusement de venir à bout des expertises longues et fastidieuses dont elle avait reçu la charge avant l’entrée en confinement, elle s’attelle à l’organisation des prochaines mises aux enchères Des ventes qui, jusqu’à l’été auront cependant un format un peu particulier. Puisque pandémie oblige, elles se dérouleront en live. Comprendre via internet, la salle des ventes ne devant pas accueillir plus d’une dizaine de personnes. Un système bien rodé, pratiqué depuis plu- sieurs années, via le site interencheres.com qui répertorie chaque semaine les enchères publiques organisées un peu partout en France.

Au sommaire des prochaines ventes : des pièces d’or ainsi qu’un peu plus tard dans le mois, du mobilier et des objets d’art. Dont un petit tableau, exhumé de l’oubli grâce à l’œil exercé de Marylou Combalier. Car avant d’endosser son costume d’enquêteur, le commissaire-priseur est aussi à certains égards un chasseur de trésors. Tous n’auront pas la chance de découvrir un Caravage au fond d’un grenier, mais le plaisir de la découverte reste un moteur puissant pour la jeune femme. « Pour exercer ce métier, explique-t-elle, il ne faut pas aimer la routine, car – c’est ce qui nous grise – on ne sait jamais sur quoi on va tomber. On peut entrer dans une petite maison ou un appartement qui ne paye pas de mine, et dans lequel vous faites un bond dans le temps parce que rien n’a bougé depuis 50, 80 ou 100 ans ! Tout est dans son jus. On remonte le temps sans savoir ce qu’on va découvrir, c’est passionnant ! Aucune de nos journées ne se ressemble. » C’est précisément ce qui s’est passé pour ce tableau d’un peintre russe qui sera mis en vente à la fin du mois. Et qu’elle a découvert chez une cliente récemment. « Elle ne m’avait pas du tout appelé pour ça. Elle m’a présenté de nombreuses pièces et, à la fin de la visite, m’a montré quelques tableaux a priori sans valeur qui auraient tout aussi bien pu partir à la décharge. Et de fait, ce tableau de la fin du XIXe siècle m’a plu. Je l’ai montré à un expert. Il est estimé à 12000 €! On verra bien lors de la vente si j’ai eu raison ou pas de m’accrocher ! »

Adjugé, vendu ! On aurait tort de réduire le métier de Marylou Combalier à cet instant où le marteau claque sur le pupitre. « La vente, n’est finalement que l’aboutissement, une toute petite partie de notre travail. Il y a énormément de recherches et de choses qui se passent en amont. » Ce travail d’investigation dont les enchérisseurs n’ont qu’une pâle idée, occupe une bonne partie des journées de la jeune professionnelle, qui, suivant les conseils d’un ancien maître de stage, a « appris à regarder ». Pour savoir par exemple, si une commode est XVIIIe, « il va falloir, explique-t-elle, chercher des traces d’outils, examiner le montage des tiroirs, la qualité des bronzes, de la ciselure, le type de bois utilisé, identifier des marques de restauration… vous obtenez ainsi tout un faisceau d’indices qui donne une datation et une provenance. Avec ces éléments et en fonction de la rareté, vous pouvez donner une estimation qui tient compte aussi de l’offre et de la demande. »

Mais au-delà des savoir-faire, c’est aussi « l’histoire qui se cache derrière l’objet » qui l’intéresse, « sa fonction », « son utilisation » et « la façon dont il est arrivé jusqu’à nous : le meuble de la grand-mère, l’armoire de mariage des arrière-arrière-grands-parents, je trouve ça passionnant », assure-t-elle. Avant d’ajouter : « on en apprend autant sur l’objet que les gens en apprennent sur leur propre famille, leur propre histoire ! »

C’est cette dimension, à la fois humaine et historique, qui manquait aux études de droit qu’elle a entreprises à Toulouse après avoir grandi dans le Gers. Une passion héritée de famille puisque c’est dans les pas de ses grands-parents, qu’elle a découvert l’univers de la brocante, des vide-greniers et surtout l’atmosphère des salles des ventes fréquentées, chaque été à Bergerac, en Dordogne. C’est ce qui l’a décidée, sa licence de droit en poche, à troquer sans regret la carrière de juge pour celle de commissaire-priseur et à entreprendre à la Sorbonne, une licence d’histoire de l’art puis à passer l’examen d’accès au stage. Qu’elle effectuera à Saint-Dié-des-Vosges puis à Rueil Malmaison avant d’entrer pour un temps seulement, dans une étude de Saint-Cloud avec le statut de salarié. « Dans ce métier, on a généralement des tempéraments assez indépendants. J’ai été salariée après mon diplôme, mais c’était totalement différent. C’est très bien pour se former. Mais ce qui est intéressant dans ce métier c’est de faire ses choix, de prendre ses propres risques. »

Un choix que, manifestement, elle ne regrette pas, même si ses semaines sont chargées, partagées qu’elles sont entre ventes volontaires et ventes judiciaires, l’autre casquette de Marylou Combalier, une part significative de son activité, en pleine mutation celle-là. La loi du 10 juillet 2000 a en effet scindé l’activité volontaire de l’activité judiciaire. Cette dernière est menée par les commissaires-priseurs judiciaires, des officiers ministériels que la loi Macron de 2015 a fusionnés avec les huissiers de justice dans une nouvelle profession de commissaire de justice, à compter du 1er juillet 2022. Une perspective qui n’effraie pas Marylou Combalier. « On s’adaptera », assure- t-elle.

Parcours

1987 Naissance au Lamentin, en Martinique
2005 Obtient son Bac
2008 Licence de droit de l’université Toulouse 1 Capitole
2009 Master 1 à Paris
2011 Licence d’histoire de l’art à la Sorbonne
2013 Devient commissaire-priseur
2018 Installation à Montauban et création de la maison de vente Enchères Occitanes