Champagne Louis de Sacy : une transmission en douceur

Yaël et Jonathan Sacy ont engagé la maison familiale dans une démarche de conversion bio et calent leurs décisions sur le calendrier biodynamique, comme ici, fin 2020, lors d’une plantation d’arbres fruitiers dans leurs vignes de Verzy.


La Maison fondée en 1962 à Verzy (Montagne de Reims) exploite 18 hectares de génération en génération.

En 2013, après leurs études, Yaël et Jonathan Sacy sont revenus sur l’exploitation familiale, à Verzy pour faire leurs armes auprès de leur père, Alain. Peu à peu, la transmission générationnelle s’est opérée en douceur, et avec elle, l’arrivée de nouvelles méthodes, sous le regard bienveillant de celui qui a créé la marque Louis de Sacy en 1986. « La nouvelle génération a pris conscience que les enjeux environnementaux étaient plus qu’une évidence et que se rapprocher de la terre et de la nature était presque un besoin », estime-t-il. Une transition d’autant plus facile que frère et sœur partagent la même vision d’avenir, tant au niveau de la vigne que du vin. « Ce qui est important pour nous aujourd’hui c’est de nous intéresser à l’origine du produit, aux assemblages et aux nouvelles techniques de vinification », précise Yaël. « Nous avons chacun notre rôle dans le process, mais en toute complémentarité ».

Désormais, la Maison Sacy cale ses jours de plantation, de dégustation, de tirage et même de dégorgement sur le calendrier biodynamique. Les travaux sont donc effectués en fonction des jours « racine », des jours « fruit » ou « fleur ». « On utilise ce calendrier pour travailler, comme les anciens le faisaient en fonction de la lune aussi », note Jonathan. « Nous savons qu’elle a un impact sur le sol, la terre, l’eau, l’homme… » Moutarde, avoine, féverole… grâce à ces « engrais verts » semés entre les routes de vignes, l’exploitation fait de moins en moins appel aux engrais classiques et fertilise le sol en azote de manière naturelle.

Engagée depuis cinq ans dans cette démarche, la Maison Louis de Sacy affiche au fil des ans une vraie volonté de limiter, voire de stopper l’utilisation d’intrants. Même ceux qui restent autorisés dans le cadre d’une culture biologique. « Nous avons divisé par quatre les doses réglementées de cuivre par exemple », poursuit Jonathan Sacy. « Et nous avons même décidé d’aller plus loin et de passer en conversion bio ». Déjà certifiée HVE – VDC, la maison vise donc désormais la certification bio, l’audit de trois ans étant engagé depuis un an maintenant.

Et si les interrogations sur l’impact d’une démarche bio sur le rendement ont été légitimes, elles n’ont finalement pas freiné la famille Sacy dans son processus de décision. « Nous n’avons pas vu de gros impact sur le rendement », souligne Jonathan, dont la stratégie a été validée l’année dernière par les décisions de l’interprofession sur l’appellation des vendanges dont la tendance se poursuivra sans doute sur les prochaines récoltes.

DES PLANTATIONS ET DE L’OPTIMISME POUR PRÉPARER L’AVENIR

Dans la lignée de cette volonté de retour aux sources, Jonathan et Yaël Sacy ont pris le parti de procéder à des plantations d’arbres au cœur de leurs parcelles. Un choix qui n’entre pas dans le cahier des charges bio mais qui fait l’objet d’une démarche plus globale. « Nous n’inventons rien avec ce genre de procédé. Nous plantons des arbres dans les vignes pour favoriser la biodiversité mais aussi pour permettre aux oiseaux et aux chauves-souris d’avoir des perchoirs ». Ces espèces participent en effet à l’équilibre sanitaire de la vigne en mangeant les insectes et les vers et les arbres apportent aussi de l’ombre et de la fraicheur à la vigne en été, tout en contribuant à la photosynthèse. Quant à leurs racines, elles contribuent à décompacter le sol. « Si nous avons choisi de mettre des arbres fruitiers c’est parce qu’ils sont sensibles aux mêmes maladies que la vigne et peuvent donc servir à nous prévenir de l’arrivée de ces maladies », souligne Yaël. « Nous avons réfléchi au travail manuel en amont de la vendange pour avoir une végétation qui protège la vigne. Cette année, le résultat est excellent à la dégustation des vins clairs ».

En terme de vinification aussi, la Maison Louis de Sacy évolue, en développant toujours un peu plus le travail en fûts, technique qu’elle utilisait jusqu’alors pour ses vins de réserve, mais qu’elle déploie pour toute sa gamme. Seul bémol évidemment, comme pour l’ensemble de la Champagne, la crise du Covid est venue ralentir le déploiement en France comme à l’international de la marque Louis de Sacy. « Cette crise gâche une partie du travail que nous avons effectué au cours de ces dernières années », regrette Alain Sacy, qui garde toujours un œil complice sur les décisions prises par ses enfants. « Mais nous sommes optimistes et considérons que c’est un mauvais moment à passer ». Un avis partagé par Yaël et Jonathan : « Nous avons encore plein de beaux projets et nous avons fait preuve de souplesse et de réactivité pour continuer à aller de l’avant », assurent-ils, pressés de voir les restaurateurs ouvrir à nouveau leurs portes, tout comme les frontières, pour aller faire déguster leurs nouveautés à leurs clients et prospects aux quatre coins du monde.

Du ratafia en 2021

Toujours en recherche d’innovation créatrice, Jonathan et Yaël Sacy se sont lancés un autre pari, celui du ratafia. Dès la vendange 2017, la Maison a élaboré deux fûts de 228 litres de ratafia dont la commercialisation interviendra en ce début d’année 2021. Une démarche destinée à redonner ses lettres de noblesse à cette boisson longtemps discrète, que de plus en plus de champenois ont entrepris de réhabiliter. « C’est une boisson trop confidentielle à mon goût », estime Jonathan Sacy. « Pourtant elle présente un réel intérêt gastronomique, avec un côté gourmand et suave ». Conçu à partir de 100% de pinot noir de Verzy, le ratafia Louis de Sacy sera bientôt disponible à hauteur de 800 bouteilles par an.

Les Courtisols, quand l’imprévu mène au parcellaire

Les Courtisols racontent l’histoire d’une erreur que la famille a souhaité valoriser. Il s’agit en effet d’une parcelle de Chardonnay plantée par mégarde au beau milieu des pinots noirs et qui fait aujourd’hui le bonheur des Sacy. Résultat : 1 500 bouteilles (dosage à 3 grammes) marquées par la salinité typique du lieu et représentatives du terroir de la Maison et de son terroir de Verzy, coupé en deux entre les terrains argileux de la Montagne de Reims et ceux de Villers-Marmery réputés pour leur sous-sol plus crayeux. La première cuvée commercialisée était le Millésime 2013, issue de la première année où sont arrivés Yaël et Jonathan sur l’exploitation.