Champagne : l’avenir passe par l’export

L’interprofession dresse le bilan d’une année 2020 marquée par la crise du Covid-19 et ses répercussions sur les marchés, sur les rendements et par voie de conséquence sur les revenus de la filière.

Entre 225 et 235 millions de bouteilles expédiées en 2020. Telle est l’estimation faite par le Comité Champagne de la situation de la filière, entre chiffres d’octobre, estimations de novembre et prévisions d’un mois de décembre traditionnellement bon mais où les espoirs remplacent cette année les signatures de commandes et les bouchons qui sautent le 31.

« On se dirige vers un paiement des 8 000 kg en quatre échéances », annonce Jean-Marie Barillère, comme pour rassurer une filière en attente et surtout suspendue aux rumeurs et aux conjectures. En effet, l’interprofession avait, lors des vendanges 2020, conditionné l’appellation à 8 000 kg à des expéditions aux alentours de 230 millions de cols. Elle ne « chipotera » pas pour 150 kg, assure-t-on du côté de la présidence, assurée conjointement par Maxime Toubart pour les Vignerons et Jean-Marie Barillère pour le Négoce. L’interprofession se dit d’ailleurs accablée par un deuxième confinement, marquant un coup d’arrêt des ventes, avec la nouvelle fermeture des hôtels et restaurants (après un rebond presque inespéré au cours de l’été), la (mauvaise) surprise vient aussi de la nature de l’impact global de la crise sanitaire : « Tous les marchés sont affectés, aux alentours de moins 20% à moins 22 % », précise Jean-Marie Barillère.

PAS DE CASSE MAJEURE

Une moyenne qui, si l’on s’en réfère aux retours enregistrés par la filière, note de fortes disparités, entre les professionnels qui afficheront une baisse proche de zéro et ceux qui avoisineront les -40%. En cas de baisse de -25% de son chiffre d’affaires, la Champagne devra faire face à une baisse de ses revenus de l’ordre de 1,25 milliards d’euros. Pour autant, pas question pour les co-présidents d’imaginer une casse d’ampleur dans les entreprises. Jean-Marie Barillère évoque même un « fantasme de journalistes », rejoint en ce sens par Maxime Toubart. « Il n’y a pas eu de faillite en Champagne et il n’y en aura » pas, assène- t-il, soulignant les nombreuses aides de l’Etat. « Il y a aussi beaucoup d’amortisseurs dans le modèle champenois, qui permettent de tenir bon », ajoute-t-il.

« La Champagne n’a pas connu de brutalité depuis 20 ans parce que ces amortisseurs sont là. Il n’y aura pas de vignerons qui ne seront pas payés ou de raisins qui resteront sur le carreau », contrairement à d’autres vignobles…

Ce qui n’empêche pas la Champagne d’être « dans le brouillard le plus complet », face à l’avenir. Sans mauvaise transition d’ailleurs, au sujet du Brexit, la filière attend la conclusion des négociations pour en savoir davantage sur les droits de douanes éventuels et la teneur des futures exportations outre-Manche. « S’il n’y a pas d’accord ça sera perdant-perdant », insiste Jean-Marie Barillère qui rappelle que les taxes restent toujours payées par le consommateur final. Concernant l’export, Maxime Toubart voit quant à lui des opportunités dans la conquête de nouveaux marchés : « Plus de 80% du champagne est vendu dans 5 à 6 pays. Il reste des marchés à potentiel, de nombreux pays comme la Chine par exemple où l’on consomme encore très peu de champagne. Il faut réfléchir au futur ».

Le marché français en berne, tous les regards sont donc plus que jamais tournés vers l’export. Et les chiffres domestiques ne font que donner raison au Comité Champagne.« En novembre les marchés export vont mieux mais l’un des plus mauvais marchés est la France », déplore Jean-Marie Barillère. « C’est même la première des quatre crises champenoises que j’ai connu où l’export se porte mieux que le marché français ».

Mais la Champagne est loin d’abdiquer face à l’adversité, insistent les présidents de l’interprofession : maintien d’un projet commun pour les deux familles de l’interprofession, résilience, innovation, partage de l’effort, réactivité et créativité, responsabilité sociale et environnementale, développement à l’export… sont autant de pistes pour aborder les exercices futurs avec engagement sans même attendre la clôture de celui de 2020.

Le Champagne pourrait perdre près de 80 millions de bouteilles en 2020

A deux mois du bilan 2020, les expéditions de Champagne accusent une baisse de 20%, contre 23% pour les trois premiers trimestres. En octobre, l’Union Européenne se porte un peu mieux et la grande exportation accuse une légère progression. Au final, et compte tenu du 2e confinement, les ventes devraient baisser de 25 à 30%, une perspective annoncée par l’interprofession au printemps dernier.

Avec des chiffres d’octobre un peu plus rassurants, les ventes globales de Champagne totalisent 173 millions de bouteilles dans le monde entier sur dix mois, soit un recul de 20,3% contre 23% pour les neuf premiers mois. Le bilan du seul mois d’octobre (-7,9%), prend en compte une nouvelle forte baisse du marché français (-18,3%), une certaine résistance du marché européen (-2,8%) et une surprenante progression des ventes aux pays tiers (+3,6%).

Les trois opérateurs de l’inter-profession reculent significativement sur le marché français des dix derniers mois, juste avant le deuxième confinement, avec une baisse d’ensemble de 19,2% (-19,3% pour les maisons, -18,7% pour les vignerons et -20,1% pour les coopératives). Sur les 12 derniers mois, le marché intérieur cède 13,3%.

Le marché de l’Union Européenne connaît quasiment la même inflexion qu’en France, avec un recul de 19,6%, de janvier à octobre, bien marqué pour les maisons (-20,5%) et les coopératives (-23,7%), mais une belle résilience des vignerons (-1,2%). Sur les douze derniers mois, ce marché européen perd 15,4% (-16,3% pour les maisons, -18,2% pour les coopératives et +0,9% pour les vignerons).

PROGRESSION DES PAYS TIERS EN OCTOBRE

Bonne surprise d’avant confinement, les ventes du mois d’octobre, bien portées par les maisons (+6,2%) et les vignerons (+3,1%), sont en hausse de 3,6% dans les pays tiers. Sur ces destinations, les ventes des coopératives s’écroulent de 25,4%. L’exportation lointaine cède 18,5% sur les douze derniers mois, avec un recul autour de 20% pour les maisons et les coopératives et de 10% pour les vignerons.

De janvier à octobre, le marché mondial (173 millions de bouteilles) a reculé de 44,2 millions de bouteilles (41,5 millions à fin septembre) et se situe légèrement au-dessus de 253 millions de bouteilles à fin octobre sur les douze derniers mois. Sur cette base de 173 M€, sans le deuxième confinement, les ventes totales de 2020 auraient pu atteindre entre 250 et 260 millions de bouteilles, contre 297,5 millions en 2019, soit un recul de 16 à 13%.

UNE FIN D’ANNÉE DÉCISIVE

Au cours des mois de mars, avril et mai derniers, le marché mondial a reculé près de 28 millions de bouteilles, dont près de 15 millions pour la France, avec des reculs de 22% en mars, 68% en avril et 56% en mai. En tenant compte de la résistance remarquable de la grande exportation, appliquer la tendance de ces trois mois à novembre et décembre impose une prospective aux alentours de 40 millions de bouteilles de recul pour les deux derniers mois de 2020. On pourrait ainsi envisager les ventes mondiales de Champagne 2020 entre 210 et 220 millions de bouteilles, soit une baisse entre 26 et 30 %, en accord avec les prévisions de la profession au printemps dernier, par rapport à l’année 2019, record en chiffre d’affaire (5 055 M€) pour un peu moins de 298 millions de bouteilles expédiées.