La Cour de cassation étend la présomption d’utilisation à des fins personnelles des biens de la société.
Le dirigeant d’une société qui, de mauvaise foi, fait un usage des biens de l’entreprise à des fins personnelles commet le délit d’abus de biens sociaux (code de commerce, article L241-3). En principe, c’est au ministère public qu’il appartient d’établir que les faits ont été commis aux fins personnelles du dirigeant et dans un intérêt contraire à la société. Dans plusieurs décisions, la Cour de cassation a cependant reconnu une présomption d’usage à des fins personnelles lorsque les fonds de la société ont été détournés de manière occulte (caisse noire, absence de comptabilisation…). Elle a ainsi jugé que « s’il n’est pas justifié que les fonds sociaux, prélevés de manière occulte par un dirigeant social, ont été utilisés dans le seul intérêt de la société, ils l’ont nécessairement été dans l’intérêt personnel de ce dernier » (Cass. crim. 29 juin 2016 n° 15-84.228).
Dans une nouvelle décision, la Cour de cassation étend cette présomption d’usage à des fins personnelles alors que les sommes détournées avaient été régulièrement inscrites en comptabilité. En l’espèce, il s’agissait de dépenses de séjours d’agrément et d’habillement mais surtout de l’achat de quelque 8 000 bouteilles de champagne pour 132 000€, dépense présentée par le gérant comme des frais de réception et de cadeaux d’affaire. Ces achats figuraient régulièrement dans la comptabilité de la société. Les enquêteurs avaient cependant relevé que les clients n’en avaient jamais bénéficié et que la seule consommation de champagne dans les locaux de l’entreprise ne pouvait expliquer une telle somme. La Cour de cassation a confirmé la condamnation du gérant : « en l’absence de justification de leur caractère social, les dépenses de réception et de cadeaux d’affaire engagées en l’espèce par le gérant de la société, au moyen de fonds sociaux, l’ont nécessairement été dans son intérêt personnel ». L’épouse du gérant, associée et responsable administratif et financier de la société, a quant à elle été condamnée pour recel d’abus de biens sociaux pour avoir bénéficié, en connaissance de cause, du train de vie de son époux financé par les faits d’abus de biens sociaux.
Référence : Cass. crim. 30 janvier 2019, n°17-85.304