Champagne Augé père & fils : raisonné par nature

Damien Augé

Damien Augé dans ses vignes...

Œnologue de formation, passé par le CIVC, président de coopérative, Damien Augé sait les défis qui attendent la Champagne. Il oriente sa propre exploitation vers les voies d’avenir que sont la viticulture raisonnée, l’export, et la séduction d’une clientèle rajeunie.

Damien Augé ne descendrait jamais en cave avec des bottes sales. Normal, serait-on tenté de dire. Mais il faut savoir qu’il tient cette louable habitude de son grand-père, Marcel Augé, qui pratiquait l’écologie avant l’heure. Ça marque un petit garçon. On ne s’étonnera donc pas qu’aujourd’hui Damien Augé soit un ardent prosélyte d’une viticulture raisonnée, notamment dans le cadre de la certification Viticulture Durable en Champagne. À ses yeux, l’avenir de la Champagne passe notamment par l’élaboration de produits exemplaires, de la vigne au verre, et il compte bien mettre sous peu le logo VDC sur ses bouteilles. C’est dans cette voie que Damien Augé engage les adhérents de la coopérative de Coulommes-la-Montagne, qu’il préside depuis 5 ans, et à laquelle il confie le pressurage de la totalité des 8,5 hectares en premier cru qu’il exploite à l’ouest de la Montagne de Reims.

Il faut dire que la coopération est également une affaire de famille. Dès la création de la coopérative de Coulommes-la-Montagne, en 1960, Marcel Augé (le grand-père, donc) apporte un premier hectare de vigne. Puis, à la fin des années 70, Jean-Paul Augé – le père de Damien – livre quant à lui tout son raisin et s’implique dans le fonctionnement de la coopérative, où il fera fonction de chef de cave pendant une trentaine d’années. On ne s’étonnera donc pas de l’engagement de Damien Augé, depuis son retour sur l’exploitation familiale en 2004, dans le domaine coopératif. Atavisme, quand tu nous tiens !

VALEURS FAMILIALES

Côté formation, Damien Augé a fait un BTS de biotechnologie, à Lille, sur les conseils avisés de sa mère l’orientant vers des études générales alors qu’il se cherchait encore. « Ce fut pour moi le déclic. L’ouverture d’esprit qui conduit à voir ce qui se passe ailleurs. La biologie, la chimie étaient la voie dans laquelle j’excellai enfin » – il sera major de promotion. Un Diplôme National d’œnologue plus tard – « promotion 1995, la dernière d’Alain Maujean, génial professeur » – il trouve un stage de fin d’études au CIVC… où il effectuera la première partie de sa carrière professionnelle pendant 9 ans, devenant responsable de la cuverie expérimentale. « Au CIVC, j’ai vu et appris beaucoup de choses : la technique, le terrain, les nouvelles pratiques, les dossiers sur la viticulture… ». Il a rencontré aussi bien des professionnels, et dispose aujourd’hui d’un réseau étoffé.

En 2004, son père lui demande s’il veut prendre sa suite sur l’exploitation, poursuivre ce qu’il a entrepris dans son développement cultural et commercial. S’il n’est pas simple, le changement de vie est exaltant, vers une forme de maîtrise de son destin. Et puis il y a la fidélité aux valeurs familiales et à l’arbre généalogique qui plonge ses racines cultivatrices et vigneronnes jusqu’en 1650. Il franchit le pas et quitte le CIVC.

UNE GAMME COMPLÈTE

« Mon objectif était de développer la partie commerciale, dans une démarche de fidélisation de la clientèle existante, d’une part, et de captation d’une clientèle nouvelle, qui vient surtout par le bouche à oreille. Internet, les réseaux sociaux, quelques concours très axés ‘consommateurs’ sont des vecteurs efficaces ». Damien Augé commence par le commencement et développe ses cuvées. L’encépagement de ses vignes étant composées de 80 % meunier, il crée une cuvée 100 % meunier, blanc de noirs premier cru, également déclinée en extra brut. Puis une cuvée blanc de blancs, médaillée d’or au concours Féminalise 2019. Aujourd’hui – après 15 ans d’efforts -, Damien Augé dispose d’une gamme complète, du brut sans année à la cuvée prestige « Mémoire de vignerons » destinées aux œnophiles, à partir de 16 € jusqu’à 35 €. Des cuvées qui traduisent le terroir, l’état d’esprit du meunier avec un travail sur l’évolution aromatique, et une certaine idée du champagne à laquelle chacun peut adhérer en trouvant celui qui lui convient. Par choix, ses vins sont généralement un peu plus dosés que la moyenne, à 11g/l, « pour qu’ils restent faciles à boire, ronds, gouleyants et que le consommateur final n’ait pas d’appréhension. Ça me permet de conserver ma clientèle traditionnelle… et d’approcher les enfants de mes clients ».

NOUVELLE CLIENTÈLE

Voilà maintenant à quoi s’applique Damien Augé : séduire une nouvelle clientèle, forcément plus jeune. « Il faut être disponible – et c’est contraignant -, montrer que l’on existe. Il y a du travail mais, pour le marché français, c’est le salut ! ». La voie de l’export est également à développer. En dépit de 30 % de ses ventes effectuées en zone européenne, il estime qu’il a une belle marge de progression.

Séduire, disait-on. Il y a peu, Damien Augé a reçu une demande d’un groupe d’une quinzaine de jeunes femmes qui souhaitaient visiter son exploitation à l’occasion de l’enterrement de vie de jeune fille de l’une d’elles. Il leur a offert un apéritif inoubliable à l’intérieur d’une immense cuve d’assemblage. Gageons qu’il a, ce jour-là, gagné quelques clientes.

Damien Augé a développé ses propres cuvées, pour cibler sa clientèle.