Châlons : un réseau de chaleur 100% décarbonée et unique en France

Pour le maire de Châlons-en-Champagne, Benoist Apparu, Cloé est incontestablement un « projet exemplaire et à 100% positif ».


La Ville de Châlons-en-Champagne s’est associée à ENGIE pour la création de Cloé, un réseau de chaleur local issu des déchets ménagers. Le seul réseau à 100% d’énergie verte dans un pays qui compte pas moins de 800 réseaux de chaleur.

En matière d’énergie aussi, la tendance est aux circuits courts. La preuve avec le projet porté par la Ville de Châlons qui lance la construction d’un réseau de chaleur 100% local. Validé le 10 décembre dernier et présenté le 5 février, le projet permettra en effet aux habitants de Châlons et de son agglomération qui le souhaitent, de souscrire à une offre décarbonée et locale, puisque la chaleur qui leur sera proposée sera renouvelable car issue à plus de 70% de la valorisation énergétique des déchets ménagers châlonnais. Les 30% restants seront quant à eux issus de biogaz, via du biométhane agricole. Porté par la Société Champenois d’Energie (SCE) et ENGIE Solutions, le projet a été baptisé Cloé (pour Châlons Locale Energie). Il prévoit un investissement de 45 millions d’euros – un tiers du financement va être demandé auprès de l’Ademe – et une mise en service du réseau de chaleur en 2024. Pour le maire de Châlons, Benoist Apparu, il s’agit incontestablement d’un « projet exemplaire. C’est une réalité car on a un projet qui nous permet de réutiliser une énergie produite sur la base de déchets, mais qui était en partie perdue, et complétée par une autre énergie locale (du biogaz, ndlr) donc on obtiendra 100% d’énergie locale décarbonée. On aura un usage d’été pour Luzéal et un usage d’hiver pour la consommation de chauffage du territoire ». En effet, l’entreprise Luzéal dont l’activité consiste à déshydrater de la luzerne sera raccordée au réseau pour sa production. Une utilisation estivale qui s’avère complémentaire du réseau de chaleur destiné aux logements en hiver. D’autant que Luzéal utilise aujourd’hui du charbon pour ses opérations de déshydratation de luzerne. « Donc ce projet nous permet aussi de réduire l’utilisation d’énergies fossiles polluantes ».

UN PROJET À 100% POSITIF

Pour le maire de Châlons, le projet est donc « à 100% positif » et ce à plusieurs titres : « On utilise une énergie qui était perdue, on produit une énergie verte, on utilise l’équipement toute l’année et on produit moins de carbone grâce à la réduction d’énergies fossiles polluantes.

C’est un vrai projet de Développement durable qui montre que l’économie verte ça rapporte de l’argent, des emplois et un bilan environnemental positif ».

C’est donc ENGIE qui a remporté la Délégation de Service Public (DSP) lancée par la Ville de Châlons pour une durée de 20 ans. Cécile Prévieu, Directrice Générale Adjointe du groupe en charge des relations clients, rappelle d’ailleurs qu’ENGIE connaît déjà bien le territoire châlonnais. « ENGIE est implanté ici depuis 10 ans avec l’ouverture du centre de conduite des énergies renouvelables à Châlons, qui a grossi depuis avec beaucoup d’innovations, notamment dans le digital ». Il y a 6 ans, le groupe a également pris en charge la chaufferie biomasse des quartiers Vauban et Saint-Pierre. « Une unité de biométhane est actuellement en construction à Recy avec des exploitants agricoles locaux », souligne Cécile Prévieu, qui précise que son groupe a créé une centaine d’emplois à Châlons et dans l’agglomération depuis une dizaine d’années.

Avec le projet Cloé, le groupe prévoit donc d’accompagner et d’accélérer la transition énergétique sur le territoire. « D’ici 2024 on va pouvoir réduire 70% voire 100% de la consommation pour l’équivalent 10 000 logements », souligne la DGA. « C’est la première fois que l’on développe ce type d’offre en France ».

Aurélie Lehericy, Directrice Générale Adjointe d’ENGIE solutions villes et collectivités rappelle quant à elle qu’il faut créer un réseau de chaleur de toutes pièces, Châlons n’en disposant pas encore. Tout en soulignant l’enjeu majeur de ces réseaux dans la politique énergétique hexagonale : « Les réseaux de chaleur représentent 40% des consommations d’énergie de notre pays. Pour agir efficacement sur notre consommation d’énergie il faut donc agir sur les réseaux de chaleur », souligne-t-elle pour rappeler l’importance capitale de créer des réseaux verts.

OBJECTIF 10 000 LOGEMENTS

Si le coût de l’énergie proposée par le réseau Cloé s’annonce légèrement supérieur à celui des réseaux de chaleur classiques, ENGIE et la Ville assurent avoir « travaillé avec la ville pour que l’écart de prix soit le plus mesuré pour avoir un réseau compétitif et pérenne ». Autrement dit, tout est mis en œuvre grâce à ce système pour disposer d’un réseau qui ne serait pas sensible aux fluctuations des énergies fossiles. « Les prix sont erratiques, les taxes le sont aussi. Sur le gaz par exemple, il va y avoir des augmentations de taxes qui rendront ces produits moins compétitifs dans le temps »,, souligne Benoist Apparu.« Là le projet est intéressant pour le client qui a la garantie d’un prix dans la durée avec ce type de réseau : il saura ce qu’il va devoir payer en terme de chauffage sur les 20 ans qui viennent ».

Les clients justement, c’est désormais vers eux que toute l’attention des acteurs va se tourner. Pour ENGIE, il s’agit de disposer d’un portefeuille suffisamment dense pour atteindre l’équilibre commercial d’un tel projet. La barre des 10 000 équivalents logements devra être atteinte, glisse Jérôme Mât, adjoint au maire de Châlons et président de la SCE, Société Champenois d’Energie. Un chiffre qui n’inquiète pas Benoist Apparu, convaincu que les Châlonnais, les habitants de l’agglomération, les structures telles que l’Hôpital et les bailleurs sociaux (et leur potentiel de 12 000 logements) auront à cœur d’accompagner la collectivité dans cette voie. Les clients pourront donc choisir de se diriger vers un réseau local et vert – dans lequel ils pourront également investir – et qui prévoit de réinjecter « un maximum de l’investissement dans l’économie locale ».

« Au-delà de capter de l’énergie à proximité, il est prévu que sur les 45 millions d’euros du projet, 33 millions vont être consacrés à des travaux réalisés par des entreprises locales », précise Jérôme Mât. « Ce sont 80 emplois équivalent temps plein qui seront créés pour assurer la construction des 30 km de réseau pendant 24 à 26 mois ».

RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE

Car, clients ou pas, les habitants de la Préfecture de la Marne devront aussi apprendre à vivre avec ces travaux réalisés sur la voie publique qui accompagnent la création ex nihilo d’un tel réseau de chaleur. « C’est un projet qui est bon pour les Châlonnais, pour la planète, pour leurs enfants et pour l’attractivité du territoire », poursuit le président de la SCE. « Il va positionner le territoire comme un lieu d’attractivité : à Châlons la décarbonation est une réalité ». De quoi renforcer l’image de la ville et de son agglomération, qui avaient déjà frappé un grand coup en 2019 en aménageant une ferme photovoltaïque sur une ancienne friche militaire de 11 hectares, et qui prévoient de se positionner sur des projets dans l’hydrogène. Pour les élus châlonnais, être une ville moyenne ne doit pas freiner les ambitions. « Ça n’est pas la taille qui compte », insiste Jérôme Mât. « Le vrai commencement de tout cela c’est maintenant, car il faut trouver les clients et lancer les travaux », appuie Benoist Apparu. Rendez-vous en 2024 pour la mise en service.