CES Las Vegas : le Grand Est en opération séduction

Chaque année, pendant quatre jours, Las Vegas vit au rythme du CES, le Consumer Electronics Show, qui est la plus grande convention mondiale dédiée aux nouvelles technologies. Pour la deuxième année consécutive, la Région Grand Est y a accompagné une délégation de start-up champardennaises, lorraines et alsaciennes. Visite guidée de l’édition 2019 qui s’est déroulée du 7 au 11 janvier.

Pour appréhender la dimension du CES à l’échelle mondiale, il faut prendre la mesure de l’environnement de cette ville pas comme les autres. Où ailleurs que dans cette ville, construite de toute pièces au milieu du désert pouvait-on imaginer tenir un salon de l’innovation technologique ? Une cité où le temps semble tourner au rythme de ces complexes hôteliers parmi les plus grands du monde avec plusieurs milliers de chambres, des galeries commerçantes aux dizaines de boutiques de luxe, des restaurants ouverts à toute heure et bien entendu les célèbres casinos, avec machines à sous, roulettes et autres jeux de cartes. C’est dans ce décor constellé de néons que, plantée au beau milieu du désert du Nevada depuis sa création de toutes pièces il y a un peu plus d’un siècle, La Capitale mondiale du divertissement est aussi reconnue pour son CES.

Et c’est dans les interminables allées des salons et les sous-sols du Venetian, l’un des plus prestigieux hôtel de Las Vegas, que se retrouvent les start-up et entreprises innovantes du monde entier. Près de 4 400 entreprises venues de plus de 150 pays se pressent pour participer chaque année au Consumer Electronic Show avec 185 000 visiteurs à la clé. C’est en quelque sorte un grand forum – au sens étymologique du terme – où se pressent tous les acteurs des nouvelles technologies qui pèsent ou qui veulent compter. Ici, sous le soleil du Nevada sont présentées en avant-première, les plus grandes innovations technologiques qui ont bouleversé notre quotidien. Ainsi, en 52 ans d’existence, le salon a vu naître des technologies devenues courantes, à l’image du camescope, de la tablette tactile, du CD, du DVD et du Blu-Ray.

Révélateur des tendances du moment et de demain, le CES vibre au rythme des nouveautés. L’édition 2019 fait résolument la part belle aux objets connectés : du lit au bureau en passant par la voiture, le casque de vélo ou de moto, voire même la distribution des croquettes du chien, aucun objet du quotidien n’y échappe.

L’IA EN VEDETTE

D’ailleurs, l’édition 2019 a été fortement marquée cette année encore par les présentations des nouveautés des assistants intelligent Google Home et surtout Alexa d’Amazon. Ces applications connectées répondent aux besoins et aux sollicitations vocales de leurs propriétaires dans tous les domaines du quotidien : maison, travail, déplacements… grâce à l’intelligence artificielle (IA). Véritable assistant personnel virtuel, Alexa permet par exemple de déclencher vocalement son micro-ondes ou sa voiture. Et si elle existe depuis quelques années déjà, sa présence très remarquée et suivie sur le salon indique l’importance accrue pour Amazon de se positionner sur le secteur de l’IA. Mais au-delà des spectaculaires présentations par les grandes multinationales, le CES est aussi un lieu d’exposition et de rencontres pour des milliers de start-up venues du monde entier.

Depuis plusieurs années déjà, la France figure parmi les nations les plus représentées, en deuxième ou troisième position mondiale derrière les Etats-Unis et la Chine, selon les éditions. Près de 400 entreprises hexagonales dont une très grande majeure partie de start-up tentent de s’y frayer une place auprès des clients, des financeurs et des partenaires internationaux. Directement sélectionnées par les organisateurs du CES parmi un nombre indéfini de candidatures, les jeunes pousses retenues sont installées dans l’espace Eureka. Il suffit de faire son entrée dans les travées pour apercevoir la démonstration de force française avec la délégation French Tech reconnaissable à son emblématique coq rouge.

UN ACCOMPAGNEMENT DES START-UP RÉGIONALES

Du côté de la délégation régionale, les élus ont fait le choix délibéré de ne pas s’afficher sous la bannière French Tech mais de jouer à fond la carte territoriale en estampillant l’allée des 14 entreprises du slogan Choose Grand Est. Une manière de se démarquer menée conjointement par la CCI régionale et la Région, qui ont également assuré ensemble la préparation des entreprises à cet événement incontournable dans la jeune vie de toute start-up ambitieuse à l’échelle internationale. Car c’est ici que se concentrent tous les gens qui comptent et les jeunes poussent l’avouent volontiers, elles ont obtenu à Vegas des rendez-vous avec de grands acteurs et décideurs français ou mondiaux qu’elles n’auraient jamais réussi à approcher dans l’Hexagone.

« Les jeunes entreprises présentes ici sont des structures encore en phase de R&D ou de prototypage et qui sont prêtes à passer à l’étape suivante », souligne Valérie Mottl, en charge de l’accompagnement des start-up à la CCI régionale Grand Est. « Elles ont candidaté en ligne et ont été retenues par le CTA, l’organisateur du CES. Nous avons fait le choix d’accompagner toutes celles qui ont été retenues ». Un suivi qui passe par un coaching collectif et personnalisé depuis le mois d’octobre 2018, afin de connaître les bonnes pratiques pour réussir son CES. « Nous leur expliquons comment se présenter, comment se démarquer, comment faire un « pitch » de son entreprise et de son concept qui soit à la fois synthétique et percutant, à l’Américaine ».

Pour les jeunes pousses, le package stand sur l’espace Grand Est, coaching pendant trois mois et aide à l’inscription aux CES Innovation Awards coûte 5 700 euros HT. Dans le cadre de son accompagnement au développement des start-up, la Région Grand Est prend en charge la moitié de cette enveloppe. La collectivité régionale met également à disposition des jeunes pousses son service Export, dont les conseillers assurent des réunions en lien avec la DGSI et l’INPI pour préparer au mieux le salon.

Lilla Merabet, vice-présidente de la région en charge du numérique et de l’innovation, a fait le déplacement à Las Vegas pour accompagner les entreprises et assurer la promotion régionale auprès de grandes entreprises susceptibles d’être intéressées par le territoire du Grand Est. « C’est ici qu’il faut être pour rencontrer certains groupes internationaux mais aussi français », assure-t-elle, exemple à l’appui avec ces rendez-vous décroché dès 7 heures du matin avec le dirigeant d’une multinationale.

L’élue assure que cette stratégie offensive répond à la volonté du Grand Est d’être « un territoire de réussite, d’ambition et d’audace ». Dans ce cadre, la collectivité a déjà engagé de nombreux dispositifs en direction des entreprises et notamment des start-up, pour leur permettre, pourquoi pas, de venir à Las Vegas de plus en plus nombreuses.

« UNE ENTREPRISE QUI SE PÉRENNISE EST UNE RÉUSSITE »

Cela passe par la création d’un pro- gramme de co-maturation avec les SATT afin que les idées les plus prometteuses ne restent pas dans les cartons. « Une fois que les idées auront été identifiées, Grand E-nov, l’agence d’innovation régionale et les SATT iront chercher des CEO par intérim afin de porter ces projets », souligne Lilla Merabet. Une fois déployés, les projets pourront rejoindre un des 6 incubateurs régionaux (dont font notamment partie Innovact à Reims, RimbaudTech à Charleville, Bliiida à Metz ou Semia à Strasbourg). Si la Région alloue des moyens conséquents à l’accompagnement des start-up sélectionnées et incubées (à hauteur de 100 000 euros chacune) avec un premier budget global de 10 M€, elle ne leur demande pas moins de passer le plus rapidement possible à l’étape suivante : « La subvention n’est pas une dépense mais un investissement public pour l’éco-système économique du territoire. Mais il faut aussi sortir du monde merveilleux où l’on pitche et aller le plus rapidement possible sur les market places », assume la vice-présidente qui va aussi lancer dès le 1er février prochain à Troyes la phase suivante de ce plan d’accompagnement, à savoir le programme d’accélération Scal’E-nov. Sa première promotion comprendra 24 entreprises (sur 70 candidats) qui pourront bénéficier pendant 3 ans d’un programme d’accompagnement post-incubation avec Wilco.

Outre un suivi individuel et des formations, les jeunes entreprises pourront accéder à des prêts d’honneur de 150 000 euros maximum à taux zéro ainsi qu’à des subventions régionales pouvant aller jusqu’à 30 000 euros par an. Une manière d’accompagner sans naïveté ni pression excessive. « Nous disons aux start-up qu’elles peuvent lever des fonds et ambitionner de devenir des licornes. Mais nous leur disons aussi que si elles deviennent de belles PME ou ETI, nous en serons très heureux, car nous ne voulons ni sous-estimer ni négliger l’importance des PMI pour le territoire. Pour nous, une entreprise qui se pérennise est une réussite ».