Fin mai, le maire d’Auxerre et président de la communauté d’agglomération de l’Auxerrois dévoilait un ambitieux projet de territoire qui doit mobiliser quelques 200 millions d’euros d’argent public lors des dix prochaines années. Pour Le Journal du palais, Crescent Marault précise les grandes lignes de cette feuille de route dont l’objectif est de donner au chef-lieu du département de l’Yonne les moyens de relever les grands défis de demain.
Le Journal du Palais. Parmi les projets emblématiques du programme Transformons l’Auxerrois, la réhabilitation de la friche industrielle « Batardeau-Montardoins » représente un énorme défi urbain. Quels en sont les contours ?
Crescent Marault. Sur ces 17 hectares qui comprennent les silos désaffectés situés à proximité de l’Yonne et les anciennes installations de l’usine Guilliet, nous avons voulu penser la ville de demain. Aujourd’hui, à l’aune des changements climatiques et des nouveaux enjeux de société, notre volonté est d’imaginer un quartier qui soit à la fois mixte, innovant et durable. D’une part, avec des partenaires privés et avec le soutien de l’État à travers le « fonds friches », nous allons proposer des locaux d’activités mais aussi des commerces et des services. D’autre part, nous voulons y créer un lieu de vie qui répond aux standards Autonomous Building of Citizens (ABC). L’utilisation des énergies renouvelables et les efforts de préservation de la ressource en eau, notamment, vont nous permettre d’imaginer le premier quartier totalement autonome en énergie de Bourgogne Franche-Comté.
Annoncé depuis des années, le contournement sud d’Auxerre figure dans ce projet. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Je suis confiant quant à sa réalisation. Nous attendons la réponse de l’État en septembre. Cette déviation représente un investissement proche de 100 millions d’euros dont 20 millions financés par la ville et l’agglomération. Tout le monde souhaite ce contournement que nous voulons interconnecter à la N77 avec un troisième échangeur autoroutier. Il s’agit d’une approche globale et stratégique : cela nous permettrait d’éviter 4.000 à 5.000 véhicules par jour en centre-ville et autant de nuisances.
Comme je suis tout aussi confiant pour le renforcement de l’attractivité de l’aéroport Auxerre-Branches. Est-ce qu’une agglomération dynamique peut se passer d’une telle infrastructure ? Il n’existe que trois aéroports en Bourgogne Franche-Comté. Celui d’Auxerre est un atout majeur pour son développement économique.
Le tourisme fait partie des leviers économiques importants de ce plan de territoire, notamment avec l’abbaye Saint-Germain qui doit devenir un site d’exception accueillant 200.000 visiteurs par an. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Jusqu’en 1995, il existait des projets pour faire de ce site remarquable un élément d’attractivité touristique incontournable du territoire, à l’image de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay ou du château-fort de Guédelon. Aujourd’hui, la majeure partie de ce site est inaccessible au public alors qu’il possède un potentiel inestimable avec ses 1.400 ans d’Histoire, aux pieds du vignoble du Clos de la Chaînette et du port. Pour le remettre aux normes actuelles et créer un environnement muséal qui mettrait en valeur la nécropole, 10 à 12 millions d’euros sont nécessaires. Sa réhabilitation sera un immense événement.
Par ailleurs, le redimensionnement du port d’Auxerre qui n’est pas aujourd’hui à la hauteur des enjeux du tourisme fluvial est indispensable. En partenariat avec Voies navigables de France (VNF), nous allons nous entourer d’un opérateur privé de référence pour passer de 85 à 250 anneaux. La demande touristique existe. Nous sommes la porte d’entrée du canal du Nivernais qui est le deuxième canal le plus emprunté d’Europe.
La pierre angulaire de ce projet est la création du hub dédié au développement de la filière de l’hydrogène vert. Vous avez pris le temps avant de vous prononcer. Pourquoi ?
C’est l’une des pierres angulaires au même titre que la redynamisation des commerces du centre-ville, la mise en place du Plan d’alimentation territorial (PAT) qui va favoriser les circuits courts, le programme mené dans le cadre de l’Anru pour lequel nous allons mobiliser 150 millions d’euros, du jamais vu, ou l’Écopôle de Venoy sur lequel nous valoriserons les déchets pour créer le combustible de demain, le CSR (Combustible solide de récupération), en misant sur l’économie circulaire…
Le projet hydrogène (lire par ailleurs) est né d’une volonté du conseil régional de développer cette filière à Auxerre, acceptée par la précédente majorité. Lorsque nous avons hérité de ce dossier, il apparaissait un surcoût d’exploitation alors même que l’achat des cinq bus à hydrogène représentait un investissement très important (3,125 millions d’euros). De plus, il était prévu que les bus soient livrés avant la mise en service de la station d’avitaillement sans pour autant développer cette technologie sur notre territoire…
En octobre dernier, la communauté d’agglomération a répondu à un appel d’offres de l’État baptisé « Hub Hydrogène », que nous avons obtenu. Nous avons redimensionné ce projet afin de structurer un véritable écosystème autour de cette énergie verte qui prend en compte ses débouchés ainsi que les secteurs de la maintenance et de l’innovation. Nous avons fédéré une cinquantaine d’entreprises locales et d’ores et déjà une dizaine se sont engagées sur cette voie.
Comment sera l’Auxerrois en 2031, selon vous ?
Pendant des années, nous nous sommes résignés à appartenir à cette « diagonale du vide » à tel point que nous avons disparu des radars… Auxerre et l’Auxerrois – car Auxerre n’est finalement que la capitaine de l’équipe – doivent saisir l’opportunité offerte par le Plan de relance gouvernemental pour devenir une ville moyenne innovante et attractive. Avec ce projet de territoire et dans le cadre des partenariats publics-privés, un milliard d’euros va être injecté sans augmenter la pression fiscale. Ce que nous allons construire dans l’Auxerrois est sans précédent.
Plus d’informations sur : agglo-auxerrois.fr
Le hub hydrogène inauguré à la rentrée
Située avenue de la Turgotine, sur les anciens dépôts Shell, la station d’avitaillement en hydrogène vert sera opérationnelle dès septembre. Construite par l’entreprise CP3, filiale d’EDF, elle sera en capacité de produire, dans un premier temps, 400 kilos par jour d’hydrogène vert par électrolyse. Elle va alimenter les cinq bus de la ligne 1 du réseau intra-urbain Léo ainsi que les véhicules utilitaires équipés. En 2024, sa production devrait doubler afin, notamment, d’avitailler les trois rames SNCF affrétées par le conseil régional mais aussi pour répondre aux usages industriel, fluvial ou stationnaire.