Cancer : quelles avancées après le congrès de Chicago ?

Une partie de l’équipe du CGFL de retour du plus grand congrès mondial sur le cancer, organisé par l’Asco, à Chicago, aux États-Unis. (Photo : Journal du Palais)

Le plus grand congrès mondial sur le cancer s’est déroulé du 31 mai au 4 juin, à Chicago, aux États-Unis. Une équipe du CGFL était sur place.

«Contrairement aux années précédentes, il n’y a pas eu de grandes révélations dans la prise en charge des patients », concède François Ghiringhelli, professeur d’oncologie médicale au Centre anti-cancer George-François Leclerc de Dijon (CGFL). Toutefois, l’équipe du centre retient de ce congrès, organisé par l’American society of clinical oncology (ASCO), une avancée majeure concernant une nouvelle molécule efficace dans le cancer du pancréas. C’est l’un des plus meurtriers avec une espérance de vie de moins d’un an. « Habituellement ces patients sont traités avec une combinaison de trois médicaments par chimiothérapie. C’est une thérapie lourde aux nombreux effets secondaires. Toutefois, les essais cliniques ont montré que 7 % des malades sont porteurs d’une mutation du gène BRCA qui les prédisposent à plusieurs cancers. En donnant à cette tranche de la population un traitement spécifique d’entretien normalement utilisé pour les cancers du sein et des ovaires (l’Olaparib), les scientifiques ont remarqué que ces patients réagissaient positivement. Cette catégorie restreinte de malades peut ainsi bénéficier d’une période de traitement sans chimiothérapie », explique le professeur Ghiringhelli.

Jessica Gobbo, ingénieure et chef de projet en phase précoce au CGFL, en collaboration avec le Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon, dans le Doubs, s’est distinguée lors de la présentation d’un poster qui a été sélectionné au congrès de l’ASCO. L’experte a proposé à ses confrères une méthode peu invasive pour surveiller la réactivité des tumeurs au traitement : les biopsies liquides qui permettent de recueillir des liquides corporels tels que le sang, l’urine ou la salive. Elles sont actuellement testées sur 100 patients pour identifier les biomarqueurs pertinents dans le diagnostic du cancer, faciliter un traitement personnalisé, prédire la réponse au traitement et permettre le suivi de la pathologie cancéreuse.

CRÉATION D’UNE UNITÉ D’INNOVATION

Sur le plan de la recherche et des soins au CGFL, l’équipe a profité de ce temps d’échange avec la presse post-congrès pour annoncer officiellement la création le 1er juin, de l’Unité d’innovations et recherche en immunothérapie et phases précoces (IRIPP). Unique dans la région, cette plateforme technologique a été construite sur le modèle des grands centres de lutte contre le cancer, tels que ceux de Paris et Lyon. C’est le professeur François Ghiringhelli qui en prend la direction. « Cette unité d’innovation a pour objectif de favoriser et d’accélérer le développement d’essais sur les nouveaux médicaments de médecine de précision ou de cancer en général. Cette plateforme permettra également de renforcer les interactions entres les structures biochimiques qui permettent de faire ces analyses et de mieux adapter ces traitements, et les médecins qui affinent le diagnostic », précise François Ghiringhelli. Le CGFL consacre chaque année un budget de 10 millions d’euros à la médecine du futur.

En chiffres

-4e meilleur hôpital français pour la prise en charge des cancers du sein.
-Un patient sur quatre soigné au CGFL a accès aux dernières innovations.
-1er établissement français à avoir acquis un TEP TDM numérique.
-2e en France à être équipé d’un accélérateur de particules couplé à une IRM.
-835 salariés.
-22 729 patients et consultants par an.
-95 millions d’euros de budget annuel.
-194 lits.

Une machine révolutionnaire pour le CGFL

C’est la deuxième machine installée en France. Cet accélérateur dédié à la recherche et à l’innovation en radiothérapie a été mis au point par une société américaine : Viewray. Les premiers essais ont eu lieu à Détroit il y a 4 ans. Après Marseille, Dijon est ainsi la deuxième ville de l’hexagone à s’équiper. Montpellier suivra bientôt pour la rentrée. « Ce tout nouvel appareil de radiothérapie est révolutionnaire ! », confie le docteur Karine Peignaux-Casasnovas, responsable du département Radiothérapie du Centre régional de lutte contre le cancer Georges-François Leclerc (CGFL). Révolutionnaire, car pour la première fois, une entreprise a réussi la prouesse technologique d’associer deux machines : un appareil de radiothérapie couplé à une Imagerie par résonance magnétique (IRM). Jusque-là, les médecins utilisaient un appareil de radiothérapie avec un scanner. « Grâce à l’IRM, nous pouvons visualiser précisément la tumeur et la suivre en temps réel. Nous définissons une zone précise. Le faisceau s’arrête dès que la tumeur sort de cette zone afin de ne pas endommager les organes sains à proximité », Karine Peignaux-Casasnovas. À chaque séance, l’accélérateur prend en compte les modifications anatomiques de la tumeur ou des organes alentour, afin de pouvoir proposer au patient une radiothérapie « adaptative personnalisée ».

TROIS AVANTAGES

Ce protocole thérapeutique concerne uniquement les porteurs de cancer de la prostate et de lésions hépatiques. La particularité de cette machine réside dans l’IRM embarqué qui apporte trois avantages : la qualité de l’image de référence pour la cancérologie, un traitement non irradiant (le médecin peut répéter l’image à l’infini sans que ce soit impactant pour le patient), et l’adaptation au traitement. « L’IRM permet de réévaluer les positions des organes en réalisant un nouveau plan de traitement à chaque examen. Avec le scanner, nous ne faisions qu’un seul plan de traitement pour l’ensemble des séances. Cet accélérateur permet une personnalisation du traitement. C’est une vraie plus-value pour le patient ! », constate Igor Bessières, physicien médical en charge du bon suivi de l’installation de la machine. Avec un accélérateur classique – au scanner – les séances durent 15 minutes ; avec le MRIdian ®, le temps d’acquisition est plus long et peut aller jusqu’à 40 minutes. « Nous espérons, à terme, pou- voir traiter entre 10 et 15 patients par jour », assure le docteur Karine Peignaux- Casasnovas. Une collaboration avec les autres établissements de santé équipés en France est envisagée pour élaborer des projets de recherche communs afin de permettre au plus grand nombre d’avoir accès à cette innovation. L’investissement représente un peu plus de 10,2 millions d’euros (8 millions pour la machine et 2 millions pour la construction du « bunker »). Le CGFL a reçu un soutien financier important du Conseil régional de Bourgogne Franche-Comté et du Fonds européen de développement régional (Feder).

(Droits réservés)

La machine permet une visualisation beaucoup plus précise des tumeurs. (Droits réservés)