Au-delà de la question du Gasoil non routier (GNR), les organisations professionnelles régionales qui expriment leur mécontentement ont surtout le sentiment qu’on tente de briser le redémarrage de l’activité par une vision gouvernementale à court terme.
La fiscalité des entreprises cristallise aujourd’hui le mécontentement au sein de différentes organisations professionnelles. Si la question de la fiscalité applicable au Gasoil non routier (GNR) est l’élément déclencheur sur lequel la Fédération régionale des travaux publics (FRTP) se bat depuis des mois, on sentait bien, le 16 septembre, à l’occasion de la conférence de presse à laquelle participaient également le Medef BFC, la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), la Fédération française du bâtiment (FFB), la CPME et la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb), que le problème est plus large.
C’est une politique fiscale globale à l’égard des entreprises qui est mise en cause et présentée comme une menace directe apte à briser l’élan de la reprise économique actuelle.
UN ÉTALEMENT QUI NE RÉSOUT RIEN
Sur le GNR lui-même,Vincent Martin, président de la FRTP de Bourgogne Franche-Comté, rappelle que la bataille dure depuis près de deux ans, afin de conserver la défiscalisation de ce carburant réservé aux engins de chantier. En mettant fin à ce qu’il considère comme une niche fiscale, le gouvernement va ponctionner 900 millions d’euros sur le secteur des TP. « Même la proposition gouvernementale, préciseVincent Martin, d’étaler sur trois ans cette évolution ne nous convient pas ». En face, les solutions technologiques permettant de se passer de ce GNR n’existent pas pour l’heure.
Une rencontre avec Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, afin d’aider les TPE et PME à financer cette mesure, qui s’appliquera dès 2020, est programmée. Reste que la hausse du carburant qui va suivre devra être répercutée sur le montant des travaux opérés pour des collectivités (les TP dépendent de la commande publique à 70 %) dans un contexte de restrictions budgétaires et alors que trois années électorales s’annoncent, dont les municipales en 2020. « Il faut expliquer aux citoyens, précise Geoffroy Sécula, président de la CPME 21 que pour financer une baisse d’impôt sur les revenus, on va engendrer une hausse d’impôts locaux, liées elle-même à la hausse des prix pratiqués par les entreprises qui répercuteront les nouvelles charges… »
Lui qui dirige une entreprise de recyclage a calculé que la fin de la défiscalisation du GNR allait représenter un surcoût de 350 000 euros par an. Vincent Martin espère aussi que la législation va évoluer concernant les marchés privés, qui, pour l’heure, ne sont pas actualisables comme les marchés publics. La question du GNR pose également problème à Alfred Morais, président de la Capeb BFC qui rappelle que ce carburant sert à faire fonctionner de nombreux appareils à moteur mais non-immatriculés : « des niches fiscales, on pouvait aller en chercher ailleurs et je ne com- prends pas l’inertie du gouvernement sur un autre scandale : celui de l’isolation dite “à un euro”, qui est une véritable arnaque ». Même son de cloche, du côté de la FNTR et de son président, Georges Grenier, qui souligne que le GNR est utilisé pour faire tourner les moteurs des frigos de camions frigorifiques.
« En fait, constate Geoffroy Secula, on a l’impression que le “concours Lépine” de la mise en place de nouvelles taxes vient de reprendre ! »
OCCASION MANQUÉE
Au-delà du GNR, se pose la question de la suppression de l’abattement de 10 % sur les salaires. Les représentants des organisations réunies voient là une menace sur les salaires ou les capacités d’embauches, alors que, comme dans le bâtiment, par exemple, les carnets de commandes sont pleins mais les prix ne sont pas remontés. « C’est pareil pour les apprentis, renchérit Vincent Martin, on en compte plus de 350 dans les travaux publics en BFC mais comment voulez-vous encore attirer des jeunes dans ce contexte, alors que les perspectives d’emplois se trouvent menaçées ? » Benoît Willot, président de la CPME BFC, déplore que le gouvernement donne ainsi l’impression de briser une dynamique : « On avait l’occasion d’entrer dans un cercle vertueux mais nos gouvernants n’ont pas l’air de comprendre qu’il vaut mieux prélever un pourcentage réduit d’une richesse en augmentation, qu’un pourcentage croissant sur une richesse en diminution… » Face à de tels constats, l’heure n’est pourtant pas à des mobilisations de rue entraînant des blocages. La FRTP avait utilisé cette arme l’an passé mais considère qu’y avoir recours trop fréquemment est au bout du compte contre-productif. Priorité est donc malgré tout laissée à la concertation avec le gouvernement. Sauf que, comme le craint Georges Grenier, si les mesures fiscales se traduisent aussi par une impossibilité de revaloriser les salaires, personne ne peut être certain que les chauffeurs routiers, par exemple, n’useront pas de l’arme du blocage.