Bruno Deletré : « Ce qui compte, c’est de garder le cap »

Bruno Deletré, président du Directoire de la CEGEE.

Pour sa première année complète post-fusion, la Caisse d’Epargne Grand Est Europe enregistre des résultats légèrement au-dessus de ses prévisions.

L’exercice 2019 aura constitué une année charnière pour la CEGEE (Caisse d’Epargne Grand Est Europe), fruit de la fusion entre la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne-Ardenne et la Caisse d’Epargne d’Alsace en juin 2018.

« L’année 2019 a été pour notre établissement la première année d’exercice complet depuis la fusion », précise Bruno Deletré, président du directoire de la CEGEE. « Nos résultats sont dans la lignée du plan stratégique 2019-2023 que nous avons établi début 2019. Ils sont parfaitement sur la trajectoire des objectifs que nous nous étions fixés, voire même légèrement au-delà. En 2019, notre activité commerciale a été en forte progression par rapport à 2018, ce qui est tout à fait positif. Et même si la crise vient perturber les choses, ces résultats sont très encourageants ».

Cette année stratégique a donc été parfaitement négociée par la banque régionale. « Une fusion est toujours une opération compliquée car elle doit à la fois répondre à des enjeux techniques et recréer une nouvelle culture d’entreprise auprès des collaborateurs. Il s’agit d’une alchimie qui peut parfois prendre un peu de temps à se mettre en place », souligne le président du Directoire. Pour y parvenir, la banque s’est appuyée sur un développement commercial agressif, une maîtrise de ses charges et de son coût du risque, ainsi qu’une harmonisation de ses modes de fonctionnement.

« Les résultats 2019 sont de ce point de vue très encourageants », poursuit Bruno Deletré, qui va, pour le prochain exercice, tenir compte de la situation actuelle, qui a rebattu certaines cartes du jeu économique. « Ce qui est important c’est d’avoir un cap, ensuite on s’adapte au terrain. Quand les vents changent de direction, il faut savoir manœuvrer pour garder le cap ».

En chiffres, la CEGEE a réalisé une année très dynamique, enregistrant un Produit Net Bancaire de 506 M€ et un résultat net de 74 M€ (multiplié par deux par rapport à 2018). La collecte a particulièrement progressé (700 M€) et les crédits (immobilier et à la consommation prioritairement) ont enregistré une hausse de 40% par rapport à 2018, la CEGEE ayant réalisé 4 milliards d’euros de nouveaux crédits. « Ce sont les crédits qui s’empilent année après année qui créent les résultats futurs de notre caisse », souligne le président du Directoire.

RÉACTIVITÉ

Crise du Covid-19 oblige, la CEGEE a été fortement sollicitée depuis mars 2019 par les entreprises pour attribuer le PGE, le Prêt Garanti par l’Etat. Plus de 2600 clients entreprises ont ainsi été accompagnés pour un montant décaissé de 500 M€ « Nous avons été particulièrement réactifs sur la question du PGE », apprécie Bruno Deletré. « Le sujet majeur de la crise était celui de la trésorerie des entreprises. Dans un premier temps, nous avons donc choisi de reporter massivement les échéances de crédit de nos clients professionnels pour six mois, pour leur donner de l’air. Puis, concernant le PGE, nous avons été capables de le mettre en place avec une vitesse inégalée : en moins de trois jours après sa demande, notre premier client a reçu l’argent sur son compte ».

Une réactivité due notamment à une anticipation et à une organisation mises en place en interne pour s’adapter à cette situation exceptionnelle. « Nous avions fortement anticipé les contacts commerciaux avec nos clients dès le mois de février. Nous nous étions organisés de façon exceptionnelle avec des moyens supplémentaires et la mise en place d’un système de signature électronique généralisé qui a permis un gain de temps dans de nombreuses procédures, dont celle du PGE ».

Egalement président de la Fédération bancaire régionale du Grand Est, Bruno Deletré tient à rappeler que les banques ont joué le jeu du PGE (prêt garanti à 90% par l’Etat, le banquier prenant 10% des risques, NDLR) auprès des entreprises, pour les aider à surmonter la crise sanitaire et ses conséquences en matière de trésorerie. « Nous enregistrons un taux de refus de PGE de l’ordre de 2 à 3%, ce qui est très faible. D’ailleurs pour nous assurer que les entreprises éligibles puissent y accéder, nous avons mis en place en interne un système de contrôle sur les refus émis. Nous avons mis en place avec toutes les banques, une instance de concertation avec les Chambres consulaires et les organisations patronales pour échanger régulièrement sur la situation des entreprises ».

LE PGE ET L’ENDETTEMENT

De l’avis de tous, entreprises comme établissements bancaires, le PGE s’est avéré être un dispositif d’urgence efficace pour traiter rapidement la question de la trésorerie immédiate des entreprises. Reste à faire preuve de vigilance pour la suite, qui pourrait se révéler tendue dans certains secteurs d’activité. « Dans un sens, la partie octroi du PGE était la plus simple à mettre en œuvre. Mais le PGE va mécaniquement engendrer une augmentation du taux d’endettement des entreprises. Désormais, la question est de savoir comment la reprise de l’activité va répondre pour leur permettre de rembourser dans les conditions les plus favorables. La question des fonds propres des entreprises va être un véritable sujet car l’endettement lié au PGE va fragiliser le bilan des certaines entreprises. C’est pourquoi nous allons être encore plus à l’écoute de nos clients pour faire du cas par cas, selon l’activité de l’entreprise et la structure de son bilan, pour envisager avec elle comment restaurer l’équilibre du bilan », insiste Bruno Deletré.

LEÇONS DE CRISE

La question de l’après est elle aussi ouverte, la crise sanitaire ayant encore accéléré l’évolution du comportement des clients dans la consommation du service bancaire. L’utilisation de plus en plus importante du digital et la baisse de fréquentation des agences ont été accélérés depuis le 16 mars, les clients n’ayant pas eu d’autre choix que d’utiliser les services bancaires à distance.

En interne aussi, la CEGEE a dû revoir son organisation, avec sans doute des conséquences à imaginer à court, moyen et long terme : « Comme toutes les entreprises nous avons beaucoup utilisé le télétravail pour garder une activité avec certains salariés bloqués chez eux. Un quart de nos effectifs a ainsi été placé en télétravail lors du confinement. Nous allons forcément conserver quelques éléments de cette crise dans le futur, notamment en matière de télétravail. Reste à savoir dans quelles proportions et où placer le curseur pour déterminer un équilibre ? »

Après un tel exercice 2019 mais avec un début d’année 2020, la CEGEE doit-elle revoir ses objectifs à la baisse ? Pour Bruno Deletré, cette éventualité est prématurée : « Les objectifs ont été fixés, nous n’allons pas les changer. La question est de savoir si on saura les atteindre aussi rapidement qu’attendu. Il est encore un peu tôt pour le dire car nous ne sommes pas encore sortis de cette crise sanitaire. Elle nous fera sans doute prendre un peu de retard mais ce qui compte c’est le cap que nous nous sommes fixé ».