Brexit : quels impacts sur les entreprises françaises ?

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Le cabinet Vaughan Avocats animait le 21 mars une conférence sur les conséquences juridiques et fiscales.

70 milliards d’euros. Selon la firme de conseil en stratégie Oliver Wyman, c’est le coût que devrait atteindre le Brexit ; les exportateurs britanniques et français devant supporter des coûts d’environ 37 et 32 Mds€ par an, respectivement. Notamment pour les secteurs automobile et de l’aérospatial… Alors certes, observe la firme Oliver Wyman, « un accord douanier semblable à l’Union douanière réduirait l’impact dans les pays de l’Union européenne et au Royaume-Uni. Avec une réduction des barrières tarifaires et celles dites “à la frontière”, les coûts directs du Brexit seraient de 17 Mds€ pour l’UE et de 21 Mds€ » pour la patrie de Theresa May. Seulement voilà, à mesure que les parlementaires britanniques refusent de voter le plan de sortie élaborée par la Première ministre, c’est désormais la perspective d’un Brexit sans accord qui se profile – et donc du pire scénario.
Pour comprendre quelles implications aura la sortie du Royaume-Uni de l’UE, le cabinet Vaughan Avocats organisait le 21 mars, au Belvédère, une conférence portant sur ses effets juridiques et fiscaux. Ainsi, « un départ sans accord, ou hard Brexit, va avoir surtout un impact sur la protection sociale des salariés français qui travaillent là-bas, que vous envisagiez de les y envoyer dans les prochains mois ou que vous deviez recevoir chez vous des salariés britanniques détachés », explique par exemple Samya Felhine, avocate directrice au bureau toulousain de Vaughan Avocats, et spécialiste de la question de la mobilité internationale des employés.

En revanche, « peu d’impact sur le contrat de travail, et en particulier lorsqu’on se demande quelle est la loi applicable, car c’est le règlement Rome I qui s’applique, de manière universelle » ; lequel affirme le principe selon lequel un contrat est régi par la loi choisie par ses cocontractants, même si la loi que ceux-ci désignent n’a aucun lien avec le contrat. Seulement, « quand on rédigera après le Brexit un contrat de travail » prévoyant un détachement depuis ou vers le Royaume-Uni, « il faudra faire une veille juridique plus poussée sur la loi britannique, car elle ne sera plus alors influencée par les directives européennes ». D’où la nécessité de s’entourer d’avocats locaux pour vérifier les obligations liées à l’employeur…

Autre point de vigilance à avoir, « les références dans le contrat au lieu d’exécution du travail ou dans le cas d’une clause de non-concurrence : si vous y parlez de l’Europe, ou de l’Union européenne, il est recommandé d’amender le contrat en précisant que, par exemple, l’UE est entendue telle que composée au jour de la signature » du document. « Ce qui, souligne en souriant Samy Felhine, vaudra aussi au cas où il y aurait d’autres “exiters” par la suite ! ». De manière plus générale, prévient l’avocate, les entreprises vont devoir revoir un grand nombre de questions telles que « vérifier le droit en matière d’immigration et de droit du travail, anticiper les démarches administratives, et ne pas hésiter de faire appel à des spécialistes au Royaume-Uni et en France qui pourront vous conseiller dans toutes ces obligations… »

ANTICIPATION IS THE KEY

Y compris, et peut-être même surtout fiscales. Associé chez Vaughan Avocats en charge de la fiscalité, Lionel Agossou a ainsi dressé « une check-list des entreprises en matière fiscale » pour surmonter un hard Brexit. Dont l’un des plus importants volets est celui « de la TVA ». Premier cas de figure : une entreprise achète des biens en provenance du Royaume-Uni. Adieu l’autoliquidation de TVA propre à l’espace Schengen, et bonjour le statut de bien importé, avec une TVA douanière dont le montant est évidemment pour l’heure inconnu ; mais qui constitue néanmoins « un sujet à traiter très en amont pour éviter que cela ne pèse beaucoup sur la trésorerie ».

De même si, cette fois, une entreprise française vend au Royaume-Uni : l’anticipation reste plus que jamais la règle, « même si là c’est un peu plus simple car c’est une simple exportation ». Il y a pourtant « le cas particulier des prestataires de services, notamment dématérialisés, dans les télécommunications », en direction de consommateurs établis au Royaume-Uni. Pour cela, il existe un système de simplification « qui permet de déclarer et de payer la TVA anglaise, grâce à un mini-guichet unique européen (mini-one stop shop, Moss) : en cas de no deal, les entreprises n’auront qu’à s’inscrire sur le portail de leur État-membre pour continuer à bénéficier de cette simplification ». Si elles ne le font pas, elles auront alors l’obligation de « se soumettre à une procédure fiscale beaucoup plus lourde, en désignant un représentant fiscal en France ».