BlueWhale veut diversifier ses marchés

(Pixabay)

Le groupement de coopératives Blue Whale, qui vient de fêter ses 50 ans, affiche de grandes ambitions.

300 producteurs, 5 500 ha de vergers dans quatre bassins de production, en Gascogne, dans le Val de Loire, dans le Sud-Est et les Alpes… En un demi-siècle le groupement de coopératives que constitue Blue Whale est devenu un mastodonte dans son secteur, puisqu’il revendique la place de leader sur le marché de la pomme en Europe. Qui plus est, le groupe, installé à Montauban, exporte ses fruits dans 80 pays dans le monde au profit de quelque 380 clients. « À l’époque, les producteurs – 150 à l’origine – ont fait le choix de créer des coopératives pour stocker, conditionner et emballer. Et au lieu que chacune vende dans son coin, elles ont créé une structure de commercialisation sous une marque forte qui est Blue Whale », détaille Alain Vialaret, son directeur général. À son arrivée dans la structure il y a 30 ans, le groupement produisait 30 000 tonnes tandis que « l’objectif cette année est d’en faire 300 000. Notre stratégie commerciale a toujours été d’avoir le plus de clients possible dans le plus grand nombre de pays. Nous ne pouvons pas tous les ans décider de produire de la pomme comme ça pour Carrefour ou comme ceci pour Leclerc. Nous produisons en effet des petites, des grosses, des colorées ou non, et le climat influant très fortement, on a fait le choix d’être un peu dispersé commercialement. C’est aussi pour ça qu’on a mené une stratégie de croissance car pour avoir des clients dans tous les pays du monde, il faut du volume ».
Le groupement, qui a réalisé 380 M€ de chiffre d’affaires consolidé cette année, a vu son montant « pratiquement doublé en 10 ans ». Une performance qui s‘explique selon Alain Vialaret par le choix de travailler en direct avec ses clients, « parce qu’un importateur prend 10 ou 15 % de valeur au passage », par la puissance de sa marque, « reconnue dans le monde entier » et par le fait « que depuis 20 ans, nous renouvelons très fortement nos vergers, avec un taux de 8 % de renouvellement – contre près de 2 % au niveau national –, ce qui signifie que sur 100 ha, on arrache et on replante 8 ha environ. Ce qui nous permet de rester au top des variétés, au top de la qualité et au top sur le plan technique. »

CONCURRENCE POLONAISE

Or, explique le directeur, « il y a une multitude de nouvelles variétés qui sortent – plus de 50 dans le monde. Nous avons fait le choix de n’étudier que les variétés qui offrent une résistance naturelle aux maladies, qui sont adaptées agronomiquement, ce qui signifie que nous avons des parcelles d’expérimentation dans le Sud-Est, le Sud-Ouest et dans le Val de Loire où nous testons les varié- tés retenues. Il faut ensuite qu’elles se conservent et surtout qu’elles passent les tests de dégustation ». Pour ce faire, le groupe a mis en place des panels de consommateurs « en France, en Espagne, en Asie ou au Moyen-Orient de manière à connaître, si elles sont appréciées, en fonction de la cible de clientèle, quel est le volume de production à mettre en place. Enfin nous négocions une exclusivité pour la France. »

Quatre nouvelles variétés vont ainsi faire leur apparition sur les étals dont la plus prometteuse, la Candine, une variété française, puisqu’elle a été obtenue par Agro Selections près de Perpignan, devrait être cultivée sur 200 à 300 ha en exclusivité par Blue Whale.

S’adapter à l’évolution des goûts des consommateurs est un impératif, confirme Alain Vialaret. « La pomme aujourd’hui n’est pas un aliment ordinaire lié au repas, elle est plus proche du plaisir. Nous devons donc retravailler sur le plaisir de déguster. Et de fait, à l’issue des tests, les consommateurs en éliminent beaucoup ! »

DES POMMES, DES POIRES ET DES KIWIS

Le groupe, qui pour sa propre structure emploie 120 personnes, compte aujourd’hui 15 coopératives, soit près de 2000 personnes au total. Il produit un quart de ses volumes dans le Sud-Est, un autre quart dans le Val de Loire et 50 % dans le Sud-Ouest et dispose d’une quinzaine de sites de conditionnement et de stockage, ce qui lui permet de conditionner et de stocker toute sa récolte. Si la France reste le principal marché de Blue Whale, avec 25 % des ventes, l’export est de plus en plus prégnant vers l’Angleterre et l’Espagne avant le Moyen-Orient, l’Asie et l’Amérique du Sud. Marché aujourd’hui fermé, les États-Unis qui accroissent fortement leur production pourraient représenter « à 10 ans une menace, comme la Pologne », pointe AlainVialaret. La production de ce pays de l’Est déstabilise déjà les marchés. « On annonce une production de quatre et cinq millions de tonnes en Pologne, sachant que la consommation européenne est de l’ordre de 10 à 11 millions et qu’en année normale de production, on pro- duit près de 14 millions. Nous pourrions donc avoir certaines années des excédents de production de trois millions sur le marché européen. Cela nous conduit à mener une stratégie de diversification, pour aller vers de nouvelles espèces, qui permettrait de protéger un peu le revenu des producteurs si l’on passait trois ou quatre années difficiles avec la pomme ». Blue Whale s’intéresse ainsi de plus en plus à la poire. « D’abord parce qu’on voit l’arrivée de nouvelles variétés de poires aux qualités gustatives exceptionnelles, ensuite parce que sur le marché français, on importe 100 000 tonnes de poires, enfin parce qu’il y a tout à faire. Cela nécessite en effet de mettre en place des moyens de production et de tester de nouveaux concepts techniques et dans ce domaine Blue Whale dispose de ressources. » L’objectif pour le groupe est d’atteindre sous 10 ans une production de15000 à 20000 tonnes. Le groupe de coopératives souhaite également se diversifier dans le kiwi gold. Pour ce faire, elle vient de signer une joint-venture avec le leader mondial Zespri en Nouvelle- Zélande. « Nous prévoyons de cultiver 150 à 200 ha. Ce qui permettrait à nos producteurs d’affronter d’éventuelles difficultés sur le marché de la pomme. » Aujourd’hui, Blue Whale produit une quinzaine de variétés de pommes, des kiwis, des prunes, du raisin, des poires, soit une trentaine d’espèces au total.

LABELS ET BIO

Outre cette diversification plus poussée, Blue Whale, qui prévoit d’accroître d’ici cinq ans de 20 % ses surfaces de vergers, soit 1 000 ha supplémentaires, veut aussi étendre ses surfaces certifiées Haute Valeur Environnementale (HVE). « Le label HVE exige le respect de nombreux critères, comme le recyclage, le pourcentage d’intrants, l’eau, etc., critères qui s’appliquent à l’en- semble de l’exploitation », détaille Alain Vialaret. Blue Whale, qui compte aujourd’hui 25 % de ses surfaces labellisées, veut atteindre les 100 % au plus tard fin décembre 2020. « Nous sommes très favorables à cette norme qui permet au producteur de prendre conscience de son comportement général ». Producteur de bio à hauteur de 5 % de ses surfaces et bientôt 10 %, le groupe valorise ces productions via une nouvelle marque « Élément Terre bio ». Il s’est également engagé, avec d’autres producteurs – soit une quarantaine d’entreprises qui représente 15 à 18 % des fruits et légumes produits en France –, dans une démarche zéro résidu de pesticides, appelée Nouveaux Champs, qui vise à « satisfaire les consommateurs qui trouvent le bio cher et qui se détournent du traditionnel en raison des pesticides ». BlueWhale estime la part de ce marché, essentiellement français, à 5 %.