Bioéconomie : le Grand Est assume son ambition

L'agriculteur Philippe Collin (au centre) lauréat du Trophée de la bioéconomie dans le Grand Est.

Grand Est, Hauts-de-France et Ile-de-France ont dédié une journée à la bioéconomie lors du Salon de l’agriculture, mercredi 27 février.

Le travail collectif est plus que jamais à l’ordre du jour des forces vives de la bioéconomie du quart nord-est de la France. Trois Régions mettent ensemble à l’honneur les lauréats des Trophées de la bioéconomie. « Nous devons assumer notre position européenne et mondiale », déclare Jean Rottner, président du Grand Est, à propos de la bioéconomie sur des terres partagées avec les Hauts-de-France et l’Ile-de-France. L’organisation des Trophées de la bioéconomie par le ministère de l’Agriculture témoigne de la véracité de ce constat avec près de la moitié des quarante candidatures au niveau national en provenance de ce quart du pays. Et parmi eux, 12 proviennent du Grand Est qui a mis en lumière un lauréat haut-marnais, symbole de la volonté politique de récompenser des initiatives innovantes qui permettent de faire connaître la bioéconomie et ses enjeux au grand public.

Créée par l’agriculteur Philippe Collin, Eurek’Alias valorise la méthanisation en produisant un biocarburant (AgriGNV) qui lui sert dans son exploitation mais permet aussi d’alimenter un camion de collecte laitière et le transport scolaire sur son territoire. Avec une autonomie de 350 kilomètre, ce biogaz n’émet aucune particule. « Nous avons testé la station pendant deux ans et nous sommes aujourd’hui capables de produire 80 000 litres de biométhane par an, ce qui ne représente que 5 % de la production du méthaniseur. Cela nous laisse la possibilité d’alimenter en supplément une quinzaine de voitures. D’autres stations sont prévues dans le département et dans les Vosges. L’idée est de mailler le territoire en portant un modèle bénéfique pour la société ».

Parmi les autres candidats régionaux, citons aussi Agromi (filiale de Luzeal) qui a développé un amendement végétal à base de miscanthus et de luzerne en partenariat avec le consultant marnais Timothy Bolander. Les granulés produits ont des vertus positives pour nourrir le sol et représentent une alternative aux produits pétro-sourcés. Tandis que le projet industriel d’Européenne de biomasse consistera à produire des granulés issus de coproduits agricoles qui se substituent au charbon en milieu industriel. Cet investissement de 100 M€ se concrétisera en 2020 à Bazancourt-Pomacle.

PARTENAIRES ACADÉMIQUES

Si le Grand Est travaille main dans la main avec les Régions voisines, le territoire vise clairement à prendre une position de leader, en revendiquant notamment l’importance de la Foire de Châlons (lire encadré), mais aussi en mobilisant l’enseignement supérieur. « Nous devons nous appuyer sur les structures académiques et créer des synergies », explique Jean Rottner, président de la collectivité.

Message bien reçu et même déjà appliqué par l’INRA et AgroParisTech qui travaillent étroitement avec les acteurs champenois. « Nous faisons de la recherche sur la santé de la vigne et sur la production forestière », cite Erwin Dreyer, président du centre de l’Institut National de la Recherche Agronomique de Nancy Grand Est. « Nous sommes construits pour coopérer, nous voulons prendre des risques et aller vers l’innovation, avec la responsabilité d’accompagner le développement économique. Cela ouvre de nouveaux métiers pour les ingénieurs que nous formons », ajoute Gilles Trystam, directeur d’Agro ParisTech qui annonce la création d’une chaire sur la comptabilité environnementale avec l’URCA. « Notre projet pédagogique et scientifique dans la bioéconomie se traduit par des formations communes. Nous devons décloisonner nos différentes filières », confirme Guillaume Gellé, président de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, qui n’oublie pas la viticulture avec des travaux menés en partenariat avec les acteurs alsaciens.

LE GRAND REIMS EN PÔLE

Au sein de la région, l’agglomération rémoise tient une place de choix dans cette stratégie, comme le rappelle Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims, citant l’exemple d’un outil de référence, le CEBB (Centre Européen de Biotechnologies et Bioéconomie de Pomacle-Bazancourt) qui fédère AgroParisTech, CentraleSupélec, l’URCA et NEOMA. Chaque établissement porte une chaire pour faire éclore des projets. Le Grand Reims et le Grand Est ont justement renouvelé leur soutien à l’unité de recherche et développement Agro-Bio-technologies Industrielles d’AgroParisTech pour la période 2019-2026. Et chacune des collectivités y investit 10,4 M€ pour soutenir le rayonnement scientifique du territoire, accompagner la création de valeur économique et développer des formations dans ce domaine.

« Avec Châlons et Epernay, notre territoire du triangle marnais porte aussi le projet InnoBioECO2 pour constituer un gigantesque démonstrateur en réponse à l’appel à projets du Programme d’Investissements d’Avenir. 25 acteurs sont réunis dans ce projet ». Une enveloppe de 400 000 euros a ainsi été accordée par l’Etat pour soutenir les actions des différents partenaires dont notamment le pôle de compétitivité IAR, le site Terralab et le projet Microville (ex-base 112), ainsi que l’initiative châlonnaise Planet A. Maire de Reims, Arnaud Robinet rappelle que le Département de la Marne est également impliqué dans le développement de la bioéconomie. Il invite en outre « à faire preuve de pédagogie » en la matière. « Il ne faut pas avoir qu’un regard scientifique, les sciences humaines sont aussi importantes et il faut aller jusqu’à l’acceptabilité sociétale de la révolution agricole », observe Guillaume Gellé. Le président de l’Université souligne les problématiques posées par l’agro-industrialisation et la méthanisation en milieu rural, un constat partagé par les élus qui ont eux- mêmes besoin d’expertise pour prendre les bonnes décisions d’aménagement du territoire.

Haut patronage du ministère de l’Agriculture pour la Foire de Châlons
La 73e Foire de Châlons-en-Champagne bénéficie du haut patronage du ministre de l’Agriculture, une annonce effectuée en grande pompe sur le stand du ministère lors du Salon de l’agriculture (mais sans la présence de Didier Guillaume). Pour Bruno Forget, commissaire général de la Foire, cette distinction récompense le travail accompli depuis des années pour soutenir « une agriculture moderne et conquérante ». Il explique que cela témoigne aussi du « rôle que joue la Foire dans la construction d’une grande région » et même au-delà en rapprochant le Grand Est des Hauts-de-France et de l’Ile-de-France lors de l’édition 2018. Loin de s’endormir sur ses lauriers, Bruno Forget évoque aussi un patronage « stimulant » pour poursuivre les actions et porter un message positif sur l’agriculture. Il annonce déjà que la transition énergétique et la méthanisation seront à l’honneur de la prochaine Foire (du 30 août au 9 septembre 2019). Président du Grand Est, Jean Rottner annonce que cette reconnaissance nationale est l’occasion pour « les gens de l’Est d’exprimer leur ambition » dans un secteur où le territoire excelle : l’agriculture. « Châlons est la plus grande foire de la bioéconomie au monde, c’est un projet ambitieux qui répond à la politique agricole », s’enthousiasme l’élu. Maximin Charpentier, ex-président de la Chambre d’agriculture de la Marne, confirme aussi que le Grand Est, les Hauts-de-France et l’Ile-de-France forment le plus gros bassin agricole : « La bioéconomie, c’est l’intelligence collective du territoire. Produire le maximum de biomasse permet d’avoir un excellent bilan carbone. Nous devons innover pour aller chercher de la valeur ajoutée ».

Une charte pour la méthanisation
Au niveau régional, la filière méthanisation compte 95 unités en fonctionnement dont 13 en injection. 67 projets sont identifiés et accompagnés par la Région qui a signé une charte pour le développement de cette filière avec les acteurs agricoles et industriels. Les partenaires s’engagent ainsi en faveur d’un « développement vertueux, raisonné et harmonieux » de la méthanisation, une filière recoupant de multiples enjeux : la prévention et la gestion des déchets, l’agriculture durable, l’innovation, l’eau, l’énergie, l’environnement.

Élus et responsables académiques insistent sur leurs nombreux partenariats.