Biocarburants : mets de l’huile !

Bruno Delavenne a implanté son activité de production de biocarburant, PremEster, sur l’ancien site de Lambiotte, à Prémery.

À Prémery, PremEster est la seule entreprise en Europe à produire un carburant sans impact environnemental à partir des déchets ultimes des huiles alimentaires.

Installé sur l’ancien site de Lambiotte (chimie du bois) à Prémery (Nièvre), PremEster produit un carburant bio issu des huiles alimentaires usagées. Clin d’œil de l’Histoire, son directeur général Bruno Delavenne est un descendant par alliance de Charles Andras de Marcy, célèbre pour avoir mené une fronde contre les « pollueurs » de chez Lambiotte…

Bruno Delavenne, ingénieur passé par Veolia et Henkel, dirige lui une usine qui produit le biocarburant le moins polluant du marché, « issu des déchets ultimes, donc dégradés. En mélangeant les huiles (composées essentiellement d’acides gras, Ndlr) à de l’alcool, il se produit un phénomène chimique que l’on appelle estérification, dont résultent deux substances : d’un côté le biodiesel, de l’autre de la glycérine utilisée à 100 % pour la méthanisation. Nous produisons donc un carburant avec une économie de 90 % sur les émissions de gaz à effet de serre alors que la législation exige d’atteindre 60 % ».

Si le biocarburant n’est pas nouveau, PremEster est unique en Europe : « Nous n’avons aucun impact alimentaire puisque nous n’utilisons que des déchets non consommables. Tandis que lorsque l’on produit du biocarburant à partir de colza, il faut accepter la responsabilité de l’asservissement de l’agriculture, de la désertification des forêts ou de la famine en Afrique ». S’il se défend d’être un écologiste politique, Bruno Delavenne admet toutefois être un « écolo convaincu parce que c’est économiquement plus intéressant ». Et pour cause, l’huile de friture usagée, jadis un déchet, est devenue un produit boursier. À raison de 948 euros la tonne (1,40 euros le litre), ce nouvel or noir est depuis plusieurs années vendu aux enchères – notamment par une grande enseigne de fast-food – 10 % plus cher que son prix d’achat. Or, « avec la crise sanitaire et la fermeture des restaurants, l’huile de friture usagée est manquante. Les prix ont flambé et le marché est de plus en plus volatil, ce qui rend le biocarburant de moins en moins rentable car entre l’achat des huiles et la commercialisation du carburant, le délai de transformation est de trois mois ».

INCOHÉRENCE LÉGISLATIVE

Malgré un investissement de 10 millions d’euros, un chiffre d’affaires de 48 millions d’euros, PremEster ne réalise en 2020 que 100.000 euros de bénéfices… à cause d’une disharmonie des législations. L’Europe n’autorise en effet le biocarburant 100 % végétal (B100) que dans les transports routiers ou l’agriculture et la France ne favorise fiscalement que les biocarburants issus exclusivement de l’huile de colza. Une aberration selon Bruno Delavenne : « Aujourd’hui, je ne peux plus vendre en France mais presque exclusivement en Suisse où la distribution du B100 est autorisée en station-service. Au final, les exonérations de taxes profitent à ceux qui continuent de fournir de l’énergie fossile. Pour ma part, alors que je forme des gens du territoire à des métiers très spécifiques, je suis dans l’impossibilité de répondre à l’objectif territorial. Les deux actionnaires de PremEster sont Afghan et Anglais. La seule motivation à rester ici, c’est un attachement familial ».

Malgré ces incohérences, le directeur de PremEster est confiant : « Nous aurons toujours besoin de ce carburant performant sur les émissions de gaz à effet de serre, mais préserver le marché signifie agir globalement pour l’environnement et oser supprimer les subventions artificielles ».