Le Ceser, face aux importations massives de matières premières pour biocarburants, préconise un contrat de filière, le soutien aux petites installations de 2e génération et, dans le cadre d’une expérimentation, une compétence « Énergie » donnée aux Régions.
En saisissant le Ceser pour un éclairage sur les enjeux des filières bioéthanol et biodiesel et les impacts en région pour les différents maillons des deux filières, le Conseil régional attend un éclairage citoyen sur les perspectives de développement à court, moyen et long terme des bio-carburants dans le Grand Est.
LA SOUVERAINETÉ DU CITOYEN
À l’issue d’une enquête longue d’une année auprès des agriculteurs, des producteurs de biocarburants, des chercheurs, des constructeurs automobiles, des citoyens et des décideurs politiques, le Ceser aborde les plus et les moins de trois scénarios de l’avenir des biocarburants, à l’horizon 2040, selon trois options : celle de l’écologie, de l’économie et de l’autonomie.
Le point de vue dominant du citoyen est flagrant dans le scénario écologie. Le Ceser le résume ainsi : le citoyen achète local, il utilise des énergies renouvelables plus propres, il divise sa consommation de viande par deux, il choisit les biocarburants de 2e génération (matières premières non alimentaires) et sélectionne le meilleur de la 1ère génération (matières premières alimentaires), il habite à la campagne, se déplace moins et mieux, trie la totalité de ses déchets, il s’exprime sur les réseaux sociaux et les plateformes de discussions, s’engage dans les projets collectifs de territoires, il recrée des commerces de proximité et favorise les achats groupés…
Ce mouvement citoyen conduit les décideurs politiques à interdire les villes aux véhicules polluants, à n’autoriser le diesel que pour les flottes captives, à encourager financièrement l’approvisionnement en matières premières locales (dont le biocarburant), à soutenir la collecte des déchets pour la fabrication des biocarburants de 1ère génération et à alléger la fiscalité pour les transports utilisant une certaine proportion de biocarburants. Les industriels choisissent de produire des carburants de 2e génération ou de 1ère génération issus de la proximité (betterave, blé, colza …) et des sous-produits. Les importations d’OGM sont proscrites. Les agriculteurs produisent principalement pour la nourriture et seulement en complément pour la fabrication de biocarburants de 2e génération. L’herbe est devenue aussi une source d’énergie. Les fermes sont autosuffisantes en énergie.
PRODUIRE MONDIALEMENT ET MOINS CHER
C’est le scénario économique proposé par le Ceser. Ici, le citoyen ne considère que son porte-monnaie (aides sur les véhicules, le chauffage). Il est replié sur lui-même et un confort servi par les nouvelles technologies et les progrès de la science. Soutenus par les sphères politiques et partenaires des grands groupes industriels, les chercheurs mettent le cap sur le développement des carburants de 2e et 3e génération (matière première issue des algues et autres produits marins) et visent un rayonnement mondial.
Deux types d’agriculture se dessinent. Certains agriculteurs ont perdu le débouché biocarburants et coproduits pour l’alimentation animale. L’élevage animal décline. Les cultures sont de plus en plus dédiées à l’énergie, surtout au gaz, et à son exportation. Ils sont très présents dans l’éolien et le photovoltaïque. D’autres agriculteurs répondent à une économie de proximité dans une démarche de haute valeur environnementale. Les constructeurs automobiles ont opté pour l’électricité et l’hydrogène. Les flottes captives fonctionnent au biodiesel de 2e génération et plus marginalement à celui issu de la 3e génération. Les décideurs soutiennent encore plus les pôles de compétitivité mondiaux.
LA COMPÉTENCE ÉNERGIE AUX RÉGIONS
Dans le troisième scénario, le Ceser demande à la Région de créer et de promouvoir un label « CarburEst ». En 2040, l’Union Européenne donne le cap et les pays membres délèguent la compétence énergie aux Régions. À travers un Plan Energie Régional, les décideurs politiques du Grand Est (de la commune à la Région) font le choix de taxer fortement les produits pétroliers, d’orienter le mix-énergétique en fonction des territoires (gaz et électricité dans les villes et biocarburants dans les zones rurales).
Ils gèrent les ressources régionales de matières premières (agriculture, forêts et déchets), favorisent les approvisionnements d’origine locale (économie circulaire et agro-écologie) et organisent la collecte et la transformation des déchets régionaux en partenariat avec les collecteurs et les industriels. L’objectif : 10 % de la consommation énergétique couverte par les biocarburants contre 3 % aujourd’hui. Les agriculteurs maintiennent ainsi une production alimentaire et énergétique diversifiée. Les coopératives agricoles maintiennent une activité industrielle et installent des bornes de distribution de biocarburant local.
VERS UNE COMPÉTENCE ENERGIE POUR LA RÉGION
Quel que soit le choix du scénario et considérant leur indissociabilité dans la construction future des politiques publiques des biocarburants, le Ceser recommande au Conseil régional Grand Est de :
– Créer un contrat de filière régional biocarburants (optimisation des spécificités régionales par une collaboration entre les centres de recherche, développement et innovation, répondant aux marchés, à la demande alimentaire humaine et animale et à l’équilibre des paysages)
– Soutenir l’engagement, voire l’adaptation des systèmes, des agriculteurs et des sites industriels de 1ère génération vers la chimie verte
– Soutenir l’implantation régionale de petites unités de fabrication de bio-carburants 2e génération
– Faire valoir le droit à l’expérimentation sur la compétence « Energie » (favoriser une production locale de matière première à faible empreinte environnementale et une fabrication de biocarburants inscrite dans une économie circulaire).
– Promouvoir et soutenir la transition des équipements de chauffage au biofioul F10, F30, voire F100.
