Banque de France: « L’économie régionale atteint un palier »

L’institution a mené une nouvelle enquête auprès d’un échantillon représentatif du tissu économique régional. Objectif : actualiser les projections formulées en début d’année par les chefs d’entreprise. De fait, aucun secteur d’activité n’échappe à la crise.

Selon les indicateurs agrégés par la Banque de France, six mois après le début du confinement, la reprise économique est « plus rapide qu’anticipée ». Il n’y a cependant que peu de raison de se réjouir, car, observe Stéphane Latouche, directeur régional de la Banque de France qui pré- sentait le 18 septembre à Toulouse une nouvelle note de conjoncture de l’économie régionale, « nous avons perdu deux ans de croissance ». Dans le même temps, ajoute-t-il, « on a assisté à la destruction de 825 000 emplois pendant la crise. Il faudra trois à quatre ans pour reconstituer ce volume d’emploi. » Les perspectives à l’échelon local ne sont pas meilleures, au contraire. L’économie régionale « évolue un cran en dessous du niveau national. Elle a atteint un palier », ajoute le directeur régional. L’industrie occitane tourne à 81 % de son niveau de 2019 contre 89 % sur le plan national. Même constat pour les services dont l’activité plafonne à 83 % du volume d’avant crise, contre également 89 % sur le plan national. Le BTP, mieux orienté, a retrouvé 95 % de son niveau d’activité antérieur en région, plus en phase avec le national (97 %).

RÉVISION DES PRÉVISIONS

Quid des perspectives pour l’année 2020 ? Après une année 2019 très dynamique, et alors que le spectre du coronavirus pointait à peine, les chefs d’entreprise d’Occitanie interrogés par la Banque de France en début d’année se montraient prudents, affichant des projections de croissance de chiffre d’affaires pour 2020 de l’ordre de 2,6 % dans l’industrie, de 4,6 % dans les services et de 2,4 % dans le BTP et des hausses d’effectifs de l’ordre de 1,9 % dans l’industrie, de 4,1 % dans les services et de 2,6 % dans le BTP.

Depuis, sans surprise, les dirigeants d’entreprise ont revu à la baisse leurs perspectives d’évolution. C’est ce qu’indique la nouvelle enquête réalisée par la Banque de France qui, en juin et juillet, a interrogé 1 500 chefs d’entreprise de la région, afin d’actualiser leurs projections de début d’année.

Sur la totalité de l’exercice, les industriels prévoient ainsi une baisse d’activité de 20,3 % qu’accompagne une contraction des effectifs de 4,1 %. Plus dramatique encore, le niveau des investissements recule de 49 %. Les services marchands sont à peine mieux orientés. Les dirigeants, interrogés à mi-année par la Banque de France, tablent ainsi sur une contraction de 11,3 % de leur niveau d’activité, les effectifs restant stables. Les investissements dans ce secteur devraient pareillement reculer de 24 % pour l’année 2020. Dans le bâtiment et les travaux publics, dernier secteur d’activité sur lequel porte l’enquête de la Banque de France, les volumes de production pour l’année devraient baisser de 9,6 % tandis que les effectifs pourraient reculer de 6,6 % alors que les investissements devraient décroître de 33 %.

« UN CHOC VIOLENT »

Si la crise a affecté toutes les entreprises, puisque les deux tiers des industriels s’attendent à une baisse d’activité marquée, la situation sur le terrain est cependant contrastée. Les industriels de l’aéronautique prévoient ainsi une contraction de plus de 34 % de leur activité contre « seulement » 1,8 % pour les industriels de l’agroalimentaire. Les dirigeants d’entreprise du secteur aéronautique anticipent par ailleurs des baisses d’effectif de 5,8 % sur l’année. Mais, précise Pascal Robert, responsable du pôle études, à la direction régionale de la Banque de France, « des plans de sauvegarde de l’emploi sont en cours de négociation, qui vont se traduire au premier semestre 2021 sur le niveau des effectifs ». Les baisses d’activité attendues dans le secteur aéronautique se traduisent ipso facto par un recul de 73 % du niveau des investissements. Ils devraient plafonner à 220 M€ en 2020 contre 830 M€ projetés en début d’année. La rentabilité des entreprises du secteur devrait ainsi se détériorer fortement : 85 % des dirigeants tablent sur une dégradation de leur rentabilité, plus de la moitié (52 %) estimant que cette baisse sera supérieure à 30 %. La situation est tout aussi contrastée dans les services marchands. Alors que la baisse d’activité attendue demeure relativement contenue (-11, 3 % au global), les chefs d’entreprise du secteur de l’hébergement, également très touché par la crise sanitaire, anticipent un recul de plus de 41 % de leur niveau d’activité sur l’année ainsi que d’importantes baisses des effectifs, de l’ordre de 14 %. La rentabilité des opérateurs se dégrade fortement dans l’ensemble des entreprises des services marchands. 63 % des dirigeants du secteur envisagent une dégradation, laquelle, pour 27 % d’entre eux, sera supérieure à 30 %. Dans le BTP, les mois d’activité perdus ne seront pas non plus rattrapés. Les entreprises de gros œuvre et des travaux publics paient le plus lourd tribut à la Covid-19. Les premières comme les secondes se préparent à une contraction de près de 13 % de la production, contre une chute de 9,6 % au global pour le secteur. Les entreprises du second œuvre, qui ont pu continuer à travailler durant le confinement, tablent sur une chute limitée de leur chiffre d’affaires à 1,3 %. Les baisses d’effectif attendues dans ces mêmes entreprises devraient atteindre 3,6 % quand les entreprises du gros œuvre et des travaux publics annoncent un recul des effectifs respectivement de 9,6 % et de 6,7 %. 56 % des chefs d’entreprise du BTP estiment par ailleurs que leur rentabilité devrait se dégrader en 2020. Dans une faible mesure cependant puisque 43 % des patrons du secteur tablent sur une dégradation de leur rentabilité inférieure à 10 %.

« Un bon niveau de financement de l’économie »

Les banques ont fait le job, selon Stéphane Latouche

En Occitanie, les crédits aux entreprises ont progressé de 14,5 % (au 31 juillet, sur un an) contre +12 % à l’échelon national. « En six mois, les banques ont décaissé en faveur des entreprises deux fois plus qu’elles n’ont décaissé sur toute l’année 2019, pointe ainsi Stéphane Latouche, directeur régional de la Banque de France. Elles ont réellement fait le job. »

Ainsi en région, au 4 septembre, 57 300 entreprises avaient sollicité un prêt garanti par l’État, selon le pointage effectué par la Banque de France. Le montant global de ces PGE s’élève à 8 Mds €. En Occitanie, « 6 % des entreprises seulement ont eu recours au PGE, précise Stéphane Latouche, 89 % des demandes émanant de TPE », issues de l’industrie, de la construction, du commerce et du secteur de l’hôtellerie-restauration pour l’essentiel. « Ce sont des PGE de précaution, ajoute-t-il, car globalement peu ont été consommés et figurent encore sur les comptes des entreprises. »

À l’échelon national, ce sont 574 700 prêts qui ont été accordés pour un montant global de 119 Mds € sur une enveloppe de 300 Mds € prévue par l’État. Ce qui laisse augurer d’une possible seconde vague de demandes de PGE en fin d’année.

En parallèle, le nombre des recours à la médiation du crédit continue de baisser, pointe également la Banque de France qui dénombre 1 129 saisies entre le 17 mars et le 31 août. Cela représente 166 M € d’encours de crédit traités et 3 100 emplois confortés. Une médiation sur deux est couronnée de succès.