Fondateur et dirigeant de boutique.aero, ce passionné d’aéronautique a connu plusieurs trous d’air dans sa vie d’entrepreneur, mais garde néanmoins le cap.
Dans le monde de l’entreprise, quand les affaires vont mal, les dirigeants aiment souvent à dire qu’ils « naviguent à vue ». Sauf que Cédric Lemaître, lui, aimerait bien « pouvoir dire qu’on navigue à vue, car cela voudrait dire que j’ai de la visibilité ! » Chez boutique.aero en effet, l’entreprise de vente d’accessoires aéronautiques qu’il a fondée en 1998, « depuis la crise du coronavirus, nous volons plutôt aux instruments » comme les pilotes d’avion qui, en pleine tempête ou dans le brouillard, doivent s’en remettre seulement à la boussole et à l’altimètre… Car il faut dire que depuis un an, l’entreprise de huit salariés, qui commercialise manuels de vol, casques audio et cartes aéronautiques pour les pilotes privés et les passionnés, connaît de sérieuses turbulences.
Ainsi l’année dernière, la refonte du site internet de boutique.aero a connu « un crash informatique magistral à cause d’un prestataire de site internet qui a fait n’importe quoi. Ce qui nous a fait perdre toutes nos données comptables, fiscales, sur le stock, etc. », ce qui a demandé « un an de reconstruction à bout de bras » à Cédric Lemaître, qui a reçu en juin l’aide d’un nouveau directeur général, Emmanuel Camus. Épuisé mais à nouveau serein, l’entrepreneur s’apprêtait à remettre les gaz quand, en mars de cette année… « alors qu’on arrivait enfin à sortir la tête de l’eau grâce notamment au travail d’Emmanuel Camus, et qu’on s’attendait à prendre une bouffée d’oxygène avec l’arrivée des nouvelles cartes aéronautiques, la crise du coronavirus a surgi. C’est un deuxième coup dur en un an, et la situation est parfois lourde à supporter », reconnaît sans ambages le dirigeant. Et pour cause : « en mars, nous sommes en pleine période de renouvellement de la documentation aéronautique, puisque les pilotes sont obligés de voler avec des cartes à jour, comme si on imposait à tous les automobilistes de rouler avec le dernier atlas routier Michelin ! Mais là aussi, à cause de la crise, les grands éditeurs de cartes ont repoussé leur parution à une date ultérieure. Donc le redémarrage de l’activité n’en sera que plus différé », poursuit Cédric Lemaître, qui dit espérer que ce nouvel épisode ne l’impacte pas trop ; même si, réaliste, il ne sait pas « combien de pilotes vont renoncer à s’équiper et prendre une “année sabbatique” sur leur activité aérienne en privilégiant la famille et leur situation économique ». Résultat : en attendant que les choses reviennent à la normale, l’entreprise a mis la plupart de ses salariés en chômage partiel – ceux qui le peuvent travaillant à distance pour répondre aux clients ou gérer les commandes. Boutique.aero, qui a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 1,5 M€, « dépend beaucoup de l’activité des pilotes de loisir, ainsi que des professionnels comme Airbus ou de ses sous-traitants. Mais la majorité de nos clients sont des aéro-clubs ou des pilotes privés et quand on va sortir du confinement, la reprise va être très progressive, on ne sait pas du tout comment les gens vont se comporter », avoue le chef d’entreprise. Qui pensait déjà, depuis trois ou quatre ans, à passer la main. « Aujourd’hui, j’ai plusieurs idées pour céder l’entreprise et trouver un repreneur ; ce qui sera peut-être difficile… ou au contraire, j’en trouverai un dans les semaines à venir ! Je ne sais pas encore comment cette crise va compliquer mes plans, ou au contraire les faciliter ». Cela dit, même s’il se dit fatigué, Cédric Lemaître compte accompagner la transition, éventuellement en restant associé à boutique.aero, « car j’ai une expérience dont j’aimerais faire bénéficier le repreneur ! »
PASSION INTACTE
Mais que fera-t-il ensuite ? Mystère. « J’ai quelques idées, mais je n’ai pas encore trop pensé à cela, car j’ai surtout envie de faire un break et de penser à moi ». Seule certitude, l’homme de 47 ans compte « rester dans le domaine aéronautique », car il reste un pilote de loisir et un instructeur avant tout. En lui, la passion est intacte – et ce depuis qu’elle l’a saisi alors qu’il était lycéen à Toulouse, grâce à un père qui, frustré de ne pouvoir voler à cause de sa faible acuité visuelle (héritée d’un mauvais coup de poing reçu à l’œil), lui a transmis le goût du vol. Le jeune homme se forme d’abord sur planeur, puis au milieu des années 1990, obtient son brevet de pilote privé sur Robin DR400 – un monomoteur classique des aéro-clubs, dont celui de Lasbordes, près de Balma, où il fait ses preuves. À peine un an et demi après (« un record ! »), Cédric Lemaître devient instructeur. À l’époque, il est titulaire d’un DUT en information et communication et crée en 1995 et 1997, alors qu’il est encore salarié, « le Salon des avions de légende, les deux derniers grands événements aéronautiques qui se sont tenus à Francazal. C’est après cela que j’ai voulu créer ma propre société d’événementiel » – baptisée comme il se doit Evenemen’ciel – « et tout doucement, cette activité de communication a été mise de côté au profit de la vente de produits comme des casques, des manuels et des cartes aéronautiques pour les pilotes et les passionnés », qui deviendra boutique.aero.
Entre-temps, l’entrepreneur a « acheté quelques avions dont certains portent les couleurs de boutique.aero » qu’il utilise comme support de communication, ainsi qu’une montgolfière. À bord d’un Cessna, Cédric Lemaître a participé à plusieurs reprises depuis 2004 au rallye aérien annuel qui relie Toulouse à Saint-Louis du Sénégal, et qui commémore le temps héroïque de l’Aéropostale. L’année dernière, à l’occasion du vol du centenaire, son avion était même équipé de neuf caméras GoPro, dont les prises de vue serviront à alimenter le simulateur de vol en Bréguet XIV – l’avion qui servit à Jean Mermoz et à Antoine de Saint-Exupéry pour distribuer le courrier d’un continent à l’autre – installé à l’Envol des Pionniers à Montaudran. Un appareil mythique, dont il a accompagné la réplique, habituellement stationnée à Castelsarrasin, lorsqu’elle a fait les premières prises de vue destinées au simulateur jusqu’à cap Juby, près de Tarfaya au sud du Maroc, étape de la liaison Toulouse-Saint-Louis ; là où Antoine de Saint-Exupéry était chef d’aéroplace et où il a écrit nombre de ses ouvrages comme Vol de nuit. Après avoir passé la main, Cédric Lemaître se verrait, lui, se reconvertir éventuellement en journaliste aéronautique ; une carrière qu’il avait envisagée quand il était encore étudiant, avant de lui préférer la communication. Mais aujourd’hui, l’homme semble surtout désireux de se retrouver enfin seul dans le cockpit, dans un appareil plus léger. Histoire, peut-être, de retrouver des vents plus favorables.
Pour joindre C. Lemaître : 06 11 76 89 73 cedric@boutique.aero
