Avions Mauboussin donne des ailes à l’hydrogène

David Gallezot, un ingénieur franc-comtois passionné d’aviation a ressuscité la marque Mauboussin, légende de l’aéronautique française, pour créer à Belfort un biplace, innovant et respectueux de l’environnement qu’il entend faire voler à l’hydrogène d’ici 2023. Son nom : l’Alérion.

David Gallezot, originaire de Sancey-le-Grand, dans le Doubs, est un passionné d’aviation. En plus de travailler dans l’industrie aéronautique, il est aussi pilote d’avion, mécanicien et historien. Enfant, il rêvait d’être pilote de planeur, parachutiste… et de créer son propre avion. Diplômé de Polytechnique, il a complété ses études à Supaéro, l’une des principales facultés d’ingénierie aéronautique, à Toulouse. Après un premier poste dans la conception d’avionique pour une large gamme d’avions et d’hélicoptères, il devient responsable de la navigabilité chez Sky Aircraft en Meurthe-et-Moselle, il a contribué à l’organisation de cette start-up qui visait à concevoir le Douglas DC-3 du 21e siècle. Aujourd’hui, il a notamment créé une société d’ingénierie-conseil bureau d’études et de navigabilité, baptisée Aircraft Manship, basée à Belfort. En 2011, il redépose la marque Avions Mauboussin, tombée dans le domaine public, afin de relever le défi de faire revivre la célèbre marque d’avions légers français des années 1930, et, dans le même temps, d’appliquer de nouvelles technologies et des procédés verts à l’aviation générale. « Si le nom Mauboussin est lié à la haute joaillerie, il est surtout synonyme pour moi d’une aviation accessible, à faible motorisation, écologique avant la lettre, une philosophie dans laquelle je m’inscris », affirme Avid Gallezot. Séduit par l’écosystème local et les perspectives de partenariats technologiques en lien avec l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), c’est au  cœur du Techn’Hom de Belfort qu’il pose ses valises en 2017, pour concevoir, épaulé d’une équipe de huit collaborateurs, les premières esquisses du Alérion M1h : biplace en tandem, réalisé en composites naturels pour réduire l’impact environnemental. « Nous aurons sans doute la possibilité d’approvisionnement locaux en bois et fibres de carbone. La fibre d’ortie est par exemple en test dans les laboratoires bisontins », précise le créateur. L’Alérion sera looké chasseur à propulsion, sa motorisation baptisée Zéphyr sera hybride rechargeable, silencieux, capable de décollages, en mode électrique, ultra-court sur moins de 100 mètres, depuis une pelouse ou un parking, en zones urbanisées ou résidentielles et garantis sans émission. La motorisation thermique prendra le relais en vitesse de croisière (250 km/h), conférant une autonomie de plusieurs centaines de kilomètres.

ÊTRE LES PREMIERS SUR L’HYDROGÈNE

Labellisé « Pôle véhicule du futur », le projet se positionne sur le marché du transport rapide et écologique de centre-ville à centre-ville, qui intéresse tant une clientèle de pilotes-propriétaires de loisirs ou d’affaires, que celle, naissante, de la mobilité aérienne régionale à la demande de type avions-taxis. Une version hydrogène de Zéphyr, en cours de développement, doit permettre de s’affranchir totalement des énergies fossiles. Cette innovation passera par une collaboration active avec les nombreux acteurs de la filière hydrogène régionale « Nous travaillons sur un procédé d’injection d’hydrogène liquide dans une turbine. Nous sommes rejoints par Airbus sur cette solution. Le problème de l’hydrogène reste la taille du réservoir. Par manque de place, nous ne pouvons pas mettre ce composant dans les ailes comme un carburant classique. Cela impose de nouvelles structurations, comme la mise en place d’une gondole sous la voilure », explique David Gallezot qui envisage un premier vol d’Alérion pour 2022 en version hybride et 2023 pour l’hydrogène « L’objectif étant d’être les premiers à voler à l’hydrogène en conditions réalistes, c’est-à-dire hors vols expérimentaux »,précise David Gallezot, qui ne manque pas d’ambition quant à l’avenir de ses Alérions. « Le champ des possibles est vaste. Développée en partenariat avec l’UTBM, la propulsion Zéphir est applicable à d’autres véhicules légers sur terre, mer et dans les airs. Si nous n’avons pas vocation à nous transformer en motoriste nous pourrons aisément nouer des partenariats en ce sens. Nous pourrions également trouver notre place dans le projet de vertiport annoncé par Aéroport de Paris (ADP), la RATP et Airbus pour les JO de 2024. Nous travaillons avec des écoles parisiennes d’architecture et d’urbanisme pour imaginer de nouveaux concepts d’airparc qui pourrait prendre place dans des friches en reconversion, des hippodromes abandonnés ou même des structures flottantes… Nous envisageons également des développer des avions d’affaires pouvant accueillir six passagers avec un rayon d’action de 1.500 kilomètres, pour une vitesse de croisière de 370 km/h ».

avionsmauboussin.fr

Un peu d’histoire

Pierre Mauboussin à gauche, Charles Fauvel à ses coté, devant le PM-X.

En 1928, Pierre Mauboussin, alors directeur technique de la joaillerie éponyme dirigée par son père à Paris, s’associe avec l’ingénieur Louis Peyret pour concevoir et fabriquer le PM-X, un monoplace à aile haute. Piloté par Charles Fauvel, futur père des ailes volantes, ce PM-X bat plusieurs records internationaux. En 1930, le PM-XI reprend la même formule en biplace côte-à-côte et motorisation à peine plus puissante. René Lefevre, l’un des as de l’aviation civile française mène deux raids avec lui, jusqu’à Madagascar et Saigon.

Au début des années 1930, Pierre Mauboussin a confié ses avions aux aviatrices Hélène Boucher et Maryse Hilsz pour battre plusieurs records et participer à des compétitions, dont les 12 heures d’Angers.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale Pierre Mauboussin rencontre Robert Castello, ingénieur chez Dewoitine et concepteur amateur de planeurs : ils conçoivent et produisent la série de planeurs « CM ».

En 1949, le CM8R13 « Sylphe » sort le premier planeur motorisé par un réacteur. En 1951, apparaît le CM-170 « Magister » : premier avion école à réaction. Il sera produit à plus de 800 exemplaires.

Pierre Mauboussin prend sa retraite en 1967.

Différentes vues de l’Alérion M1h, un avion innovant biplace hydrique développé à Belfort par David Gallezot et ses équipes avec les soutiens de l’AER, de la région et de l’État (Bpifrance et PIA3) et qui devrait être pourvu d’un moteur à hydrogène d’ici à 2023. Crédit photos Avions Mauboussin.