Olivier GuillaumonAvec les autres, pour aller plus loin

Directeur général de Map Coatings depuis 2012, entreprise spécialisée dans le revêtement de satellites, il prône l’ouverture d’esprit comme moteur de l’innovation.

Cape Canaveral, jeudi 30 juillet à 13 h 50,  heure française, une fusée Atlas V s’arrache du sol à destination de Mars avec, à son bord, le rover Perseverance. De l’autre côté de l’Atlantique, à Pamiers plus précisément, Olivier Guillaumon, directeur général de Map Coatings, regarde en direct l’aboutissement de plusieurs mois de travail pour ses équipes. « C’est assez étonnant et valorisant de se dire que sur Mars il y aura un bout d’Ariège », commente-t-il. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il assiste à un tel spectacle. Il était déjà impliqué en 2011 avec Curiosity et, après 25 ans passés à développer des revêtements de satellites dans la même entreprise, ces lancements restent des moments exceptionnels. « Non, on ne s’en lasse pas », affirme-il, malgré les presque 6 000 revêtements appliqués sur des satellites chaque année.

Pourtant au départ, le secteur du spatial n’était pas pour lui une véritable vocation comme pour certains de sa génération, bercée par les missions Apollo et les premiers vols de la navette spatiale d’essai Enterprise. Diplômé de l’école nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques (Ensiacet) en 1996, il s’était déjà spécialisé dans le développement de revêtements, mais sans domaine d’application bien spécifique. « En tout cas, je m’orientais vers l’industrie, assurément ». C’est une opportunité qui l’a conduit, à la sortie de ses études, à rejoindre Map Coatings en tant que responsable du laboratoire. Une entreprise qu’il n’a plus quittée depuis et où il a rapidement évolué. « Au départ, je suis rentré dans la société pour développer une diversification qui concernait le blindage électromagnétique », explique-t-il. Un poste déjà à responsabilités, à la fois sur le plan scientifique et humain, puisqu’il était en charge du management des équipes.

En 2007, après presque une décennie à travailler en laboratoire, il prend de nouvelles responsabilités. Nommé directeur technique, il a comme objectif désormais de développer l’export. Cette nouvelle mission va bouleverser sa façon de penser et de travailler. Amérique du Nord, Amérique du Sud, Asie, il va aller « là où l’entreprise ne s’était jamais déplacée », au contact de nouveaux clients mais surtout de nouvelles personnes. Des rencontres qui vont chambouler son approche de l’innovation. « J’ai le souvenir d’une réunion en Chine où nous avons été conviés avec 250 personnes. La personne qui nous accueille nous dit concrètement qu’elle n’a pas besoin de nous, ce qui est assez étonnant parce que, justement, j’étais invité pour exposer nos solutions. Mais culturellement, le problème, c’était qu’ils avaient l’impression qu’une PME française arrivait, en Chine, pays millénaire, pour leur expliquer comment faire alors que de notre côté, nous avions plaisir à leur expliquer ce que nous savions faire ».

Se nourrir des autres, de leurs habitudes et de leur savoir-faire devient alors primordial dans sa gestion et dans les méthodes qu’il met en place pour permettre à la société et ses salariés de monter en compétence. « Lorsque l’on fait des recherches à long terme, il faut souvent changer de perspective », explique-t-il. Ces nouvelles façons de réfléchir, il les trouve dans la différence, en multipliant les profils et les origines dans sa société. Mais aussi en observant les organisations et les pratiques des autres, même si elles n’ont a priori aucun rapport avec son domaine d’activité. « Moi, ce que j’aime beaucoup dans l’innovation, c’est d’aller chercher en dehors du métier. Je suis toujours très intéressé de visiter des entreprises qui n’ont rien à voir avec ce que l’on fait parce qu’il y a toujours de très bonnes idées et des choses à prendre ». Cette curiosité de tous les instants va, au fil du temps, être plus que reconnue par ses pairs. Déjà en 2012, lorsque sa société le promeut au poste de directeur général du site de Pamiers. Un nouveau poste pour lequel Olivier Guillaumon a dû repasser par les bancs de l’école, en validant un MBA à l’IAE de Toulouse. Et puis, lorsqu’en 2014, la CCI Occitanie remet à Map Coatings le Prix Export Marco Polo, récompensant ainsi son travail. L’accomplissement de sept années au contact des autres et de leurs différences. « Ce prix a été une vraie fierté et une reconnaissance de notre action », se remémore-t-il.

Dans son nouveau costume de directeur général, il change encore une fois de mission. Désormais il s’attelle à développer les services que peut fournir l’entreprise à ses partenaires. Pour cela, il garde toujours le même mantra : rester à l’écoute et ouvert à l’autre pour développer les meilleures solutions possibles. D’autant plus que selon lui aujourd’hui, « ce qui est important pour le client, ce n’est plus forcément que le scientifique mais aussi l’implicite », et ces attentes-là, il l’assure, ne peuvent être déterminées que par la discussion. « Des choses qui ne sont pas explicites en Europe, on arrive difficilement à les voir parce qu’on a toujours travaillé de la même manière ». Il est donc impératif pour lui de travailler avec de nouveaux points de vue mais aussi de compter sur l’ensemble de son équipe pour trouver des solutions inédites. « Je crois que le plus important, c’est de se dire que tout le monde peut avoir de bonnes idées ».

Le changement, c’est aussi ce qui caractérise son parcours. Celui qui n’a connu qu’une seule entreprise dans sa carrière, a enfilé des casquettes bien différentes pendant ce quart de siècle. « J’aime beaucoup le changement et la configuration de l’entreprise m’a permis d’exercer différents métiers depuis le départ ». Pour lui, saisir toutes les opportunités qui se présentent pendant une carrière est primordial. « Je dis à mes enfants que la vie est une succession d’opportunités et de rencontres, que le meilleur est toujours à venir et le meilleur pour moi, ce sont ces opportunités intéressantes et attrayantes qui se présentent », commente-t-il, avant d’ajouter que « la richesse, c’est aussi les personnes que nous rencontrons, en tout cas c’est ma philosophie de vie. »

Ces valeurs qui le caractérisent aujourd’hui et qu’il a cultivées aux quatre coins du monde, il les transmet aujourd’hui sur les terrains de l’école de rugby de Villefranche-de-Lauraguais. On est loin ici des plans ultra-techniques de satellites, des fusées à réaction ou du calme de l’espace, pour autant, il l’affirme, réussir à franchir la ligne de Kàrmàn et celle de l’en-but demande d’appliquer certains principes similaires. « Si on parle du jeu en lui-même, ce sont absolument les mêmes critères. Les profils au sein d’une équipe de rugby, ce ne sont pas tous les mêmes. Si vous voulez une équipe qui fonctionne il faut réunir des joueurs aux profils bien différents », explique-t-il. Mais, l’ovalie est aussi pour lui un terrain propice pour les jeunes générations pour développer, certaines qualités humaines qui leur permettront plus tard de pouvoir, eux aussi, embrasser des carrières couronnées de succès. « Une autre valeur très importante, c’est le travail, tous les efforts finissent par payer alors il faut être ambitieux, il faut être engagé, savoir ne pas lâcher. À court ou moyen terme les résultats seront forcément là ».

Avec l’ouverture, l’an prochain, d’une nouvelle usine à Mazères, toujours en Ariège, il compte bien continuer à faire grandir la PME ariégoise de 26 salariés. Un investissement pour la société d’un montant de 5,5 M€ auquel s’ajoute 1 M€ pour l’achat du matériel. Lancé en décembre dernier, le chantier sera livré au premier trimestre 2021. Le nouveau site va permettre à l’entreprise de déménager de ses locaux actuels, d’une superficie de 2 700     m2 pour presque doubler cette surface et atteindre les 4000 m2. Cela devrait permettre à Map Coatings d’augmenter ses effectifs de 20 % dans les prochaines années.

Un renfort qui sera le bienvenu surtout à l’aube du new space et de l’entrée dans la conquête spatiale d’acteurs privés. Les opportunités, risquent de ne pas manquer. « C’est toujours intéressant de rebattre les cartes, cela va nous donner plus de grain à moudre », commente-t-il. Et, alors que Perseverance fait désormais route vers la planète rouge pour un voyage de six mois, c’est vers la Lune que de nouveaux projets émergent. « On travaille actuellement avec une start-up en Inde sur un rover qui sera envoyé sur la Lune », explique-t-il, certain que seul on va plus vite mais à plusieurs on va plus loin.

Parcours

1971 Naissance à Carcassonne
1996 Diplômé de l’école nationale supérieure des ingénieurs en arts chimiques et technologiques, il rejoint Map Coatings en qualité de responsable laboratoire
2007 Promu directeur technique, il a pour mission de développer l’entreprise à l’export
2012 Nommé directeur général du site de Pamiers avec comme objectif d’accroître les services proposés par l’entreprise
2014 Map Coatings est lauréat du prix export Marco Polo pour le développement à l’international entrepris par Olivier Guillaumon
2020 Lance le chantier de la nouvelle usine de quatre hectares à Mazères, qui accueillera bientôt son entreprise