Après avoir connu l’an dernier une baisse d’activité sans précédent, une reprise progressive du trafic aérien se profile. Pour conforter ce retour à la normale, la plateforme toulousaine a adopté un plan stratégique à cinq ans.
Tourner définitivement la page sur 2020, une annus horribilis, marquée par une baisse de plus de 80 % du trafic aérien, c’est en substance ce que compte faire l’aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB) en changeant d’identité visuelle. La plateforme abandonne le bleu ciel et outre mer de son ancien logo vieux de 20 ans pour un emblème plus coloré, plus épuré – représentant « une flèche pointant vers l’avant, une dérive d’avion ou une aile volante », c’est selon – mais surtout « plus dynamique », assure Philippe Crébassa, président du directoire d’ATB.
Ce nouvel affichage, qui devrait peu à peu gagner toute la plateforme jusqu’au site internet d’ATB, n’est cependant que le premier étage de la fusée censée lui permettre de reconquérir ses marchés. En effet, l’entreprise dont le capital est détenu à hauteur de 49,99 % par Eiffage depuis fin 2019 – le reste étant réparti entre la CCI de Toulouse (25 %) et les collectivités locales (Région, Département et Toulouse Métropole) –, vient d’adopter un nouveau plan stratégique à cinq ans dévoilé le 20 mai par Philippe Crébassa et Christian Cassayre, président du conseil de surveillance d’ATB.
UN NOUVEAU PLAN STRATÉGIQUE EN QUATRE AXES
Dénommé Care, pour « conquérir avec audace pour rebondir ensemble », ce plan stratégique 2021-2025 a été élaboré durant l’année 2020, « une période très particulière », observe Christian Cassayre. Car détaille-t-il, « alors que les crises précédentes – le 11 septembre, la crise financière ou le Sras – avaient été suivies d’un rétablissement rapide du trafic aérien, cette fois-ci, nous prévoyons un rétablissement sur plusieurs années, avec un retour au trafic nominal probablement en 2024 ou 2025 ». Un retour à la normale cependant en plusieurs phases car, ajoute- t-il, si « l’an dernier, les congés d’été ou de fin d’année ont montré que le trafic peut se rétablir rapidement pour ce qui est du voyage de loisirs et d’affinité, nous nous attendons, de fait, à un choc plus marqué pour le trafic affaires, avec des politiques de voyage d’entreprise qui vont être modifiées compte tenu de la crise que nous venons de traverser et des habitudes ou des comportements individuels qui vont changer avec les réunions à distance, même si ces changements ne sont que partiels. »
Selon le président du conseil de surveillance d’ATB, cette reprise du trafic se fera, par ailleurs, sur la base d’un « dialogue renforcé avec les compagnies et un changement durable de l’attente des voyageurs en termes de conditions sanitaires. » Cette crise que traversent tous les aéroports a également mis en évidence « un besoin accru de robustesse financière de nos structures dont l’économie demeure fragile si elle est trop dépendante des seuls revenus aéronautiques », ajoute Christian Cassayre. L’aérien, comme bien d’autres, est par ailleurs en prise avec « cette vague de transformation des économies, à la fois digitale et écologique, vague qui a été amplifiée par la crise. Notre secteur, précise également le président du conseil de surveillance – et ATB en particulier – entend prendre toute sa place dans cette mutation créatrice de valeur mais qui constitue aussi une attente forte de nos parties prenantes. Nous ne pourrons toutefois y participer que si nous sommes financièrement solides. Mutations technologiques, environnementales et sanitaires, attentes fortes des compagnies aériennes et des passagers et robustesse financière, c’est dans ce triptyque que s’inscrit notre ambition stratégique », conclut-il.
Pour partir à la reconquête des compagnies aériennes et des passagers, la plateforme aéroportuaire entend ainsi s’appuyer sur une offre « plus compétitive et plus partenariale en jouant sur une meilleure efficience et une meilleure flexibilité de nos infrastructures, de nos services et de nos processus d’exploitation, en fidélisant nos passagers affaires et en allant à la reconquête de tous les passagers par des services plus personnalisés tout en regagnant leur confiance et en leur redonnant envie de voyager », précise de son côté Philippe Crébassa. S’agissant d’une part très importante de son trafic, ATB entend ainsi chouchouter les voyageurs d’affaires qui ne bénéficieront plus seulement désormais d’un coupe-file mais d’un circuit dédié pour le passage des contrôles de sécurité, manière de leur faire gagner du temps et du confort.
NOUVEAUX RELAIS DE CROISSANCE
Au-delà de cet enjeu majeur, ATB cherche également à développer de nouveaux revenus, la crise ayant particulièrement démontré la fragilité de l’activité aéroportuaire. « Pour cela, nous allons jouer à la fois sur notre marché primitif, les services aéroportuaires, et sur de nouveaux relais de croissance, précise le président du directoire. Cela signifie : renforcer la connectivité et l’attractivité à la fois sur la zone de chalandise de l’aéroport et sur l’import (l’arrivée de voyageurs de l’extérieur, NDLR) ». L’ambition est de faire d’ATB, « un lieu de destination et non plus seulement un lieu de passage », précise le président du directoire. Il s’agit aussi, poursuit-il, « de développer les revenus commerciaux sur tous les types de clientèle, de développer les revenus immobiliers, ce que nous avons commencé à faire à travers la diversification de nos activités, mais aussi de sécuriser les revenus sur le parc existant. »
Illustration de cette volonté de diversification, déjà entamée avec la construction de l’hôtel quatre étoiles à proximité des pistes dont la gestion a été confiée à NH Group ou encore les halls de peinture loués à Sabena Technics, ATB a livré en avril, au nord de la plateforme, des locaux d’activités à Barry Controls, filiale du groupe Hutchinson, spécialisée dans la réalisation de produits d’étanchéité pour l’industrie aéronautique et l’automobile. ATB pilote également la construction, sur la zone du Ritouret, d’une halle logistique de 3 000 m2 pour l’expressiste Fedex qui devrait être livrée cet automne. Il faut cependant probablement aller chercher d’autres marchés immobiliers que ceux liés au transport aérien », ajoute Philippe Crébassa.
Il s’agit enfin, selon le président du directoire d’ATB, d’« imaginer de nouvelles formes de revenus innovants qui n’existent pas aujourd’hui. » L’équipe dirigeante travaille ainsi « sur le champ de la culture et des grands événements. Nous allons aussi probablement travailler sur la réutilisation d’espaces sous-utilisés, notamment nos parkings. Nous avons enfin une expertise dans le domaine aéroportuaire que nous pourrions mettre à profit pour d’autres aéroports », ajoute Philippe Crébassa.
Le nouveau plan stratégique d’ATB fait également une large place aux enjeux de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Sur le plan environnemental, « nous avons plusieurs défis à relever, détaille ainsi Philippe Crébassa : d’abord celui des nuisances sonores mais aussi un défi plus global sur l’utilisation de nos ressources naturelles et la gestion de nos déchets. » Une station de distribution d’hydrogène, développée par la société Hyport, sera ainsi livrée en fin d’année. Elle permettra à quatre bus de rouler au H2, à la fois côté pistes et côté ville, pour la desserte des parkings. Engagée depuis plusieurs années dans une démarche de certification (Airport Carbon Accreditation), la plateforme prévoit également d’être neutre en carbone dès 2021.
Toujours dans le cadre de sa politique RSE, ATB entend également « structurer et renforcer les actions que nous menons déjà, que ce soit dans les domaines du sport, de la culture, de l’insertion professionnelle, de l’éducation, au travers d’une politique sociétale qui sera pilotée par un comité », précise Philippe Crébassa.
Le dirigeant veut enfin profiter de cette crise pour faire évoluer « le modèle d’entreprise » d’ATB. « Elle nous offre l’occasion d’en sortir plus affûtés. Nous allons donc poursuivre notre réorganisation, travailler sur nos process internes, aller vers beaucoup plus de digitalisation, et continuer de faire évoluer nos savoir-faire et nos savoir-être pour aller davantage vers une culture entrepreneuriale », confirme-t-il.
66 DESTINATIONS DESSERVIES
Côté trafic, si le premier trimestre 2021 est dans la lignée de l’année 2020 avec une baisse de 81 % par rapport au niveau enregistré en 2019, le mois de mai paraît mieux orienté. Les contraintes sanitaires se desserrant dans certains pays d’Europe et du Maghreb à l’approche des congés de mi-année, l’ACI (Airport Council International) table pour l’été sur un trafic de l’ordre de 30 à 40 % du niveau d’avant crise.
De son côté, le président du directoire d’ATB, qui attendait l’avènement « d’un cadre homogène européen pour permettre la reprise du trafic », vient d’obtenir satisfaction, les États membres de l’Union européenne ayant ce 20 mai approuvé la création d’un pass sanitaire européen pour faciliter les voyages cet été. De bon augure pour la plateforme toulousaine qui table sur une embellie du trafic au cours des prochains mois grâce à un programme de desserte ambitieux. 66 destinations seront ainsi desservies au départ de Toulouse, dont 48 internationales de juin à octobre, grâce à 25 compagnies aériennes dont une petite nouvelle : Binter Canarias.
À noter que pour faciliter le choix des voyageurs, ATB a fait appel à une start-up montpelliéraine, Génération voyage, pour délivrer sur le site de l’aéroport des informations sur les conditions sanitaires en vigueur dans chacune de ces destinations. Le site, qui fait intégralement peau neuve, propose également une application de travel match pour ceux qui manqueraient d’inspiration…
ATB ET L’AGENCE D’ATTRACTIVITÉ PARTENAIRES
ATB et l’Agence d’attractivité de Toulouse Métropole ont signé ce 20 mai un partenariat pour renforcer l’attractivité touristique et économique. Des actions conjointes seront menées sur les trois prochaines années pour promouvoir la destination auprès des touristes, des voyageurs d’affaires et des organisateurs de grands événements. En outre, l’Agence d’attractivité et ATB partageront leurs données et étudieront la possibilité d’un espace d’accueil touristique à l’aéroport.