Avec Action Logement, c’est (presque) déjà Noël

Action logement

Guy Durand et André-Pierre Sugier, président et vice-président du comité régional d'Occitanie d'Action Logement.

L’organisme paritaire, qui collecte et redistribue la contribution des entreprises à l’ancien « 1% Logement », développe une politique ambitieuse de construction et de rénovation des habitations, grâce à un plan de financement de plusieurs milliards d’euros.

Comme le résume en riant François Magne, le directeur du Comité régional d’Occitanie d’Action Logement (Cral), « nous faisons beaucoup de choses, mais nous sommes mauvais quand il s’agit de le faire savoir ! » Car même dans les entreprises, dont la contribution finance le « 1 % Logement » – qui n’est plus que de 0,45% – il y a fort à parier que bien peu sachent ce que fait précisément ledit organisme. « Notre mission essentielle, c’est de faire le lien entre emploi et logement, explique Guy Durand, le président du Cral. C’est de faire en sorte qu’un salarié qui cherche ou trouve du travail puisse trouver un logement à proximité » de son poste, « et à l’inverse, amener le travail à proximité du logement », par exemple en favorisant l’apparition de tiers-lieux.

Action Logement est une instance nationale, représentative des organisations syndicales patronales et salariales » ; au Cral par exemple, l’équipe est constituée de 10 représentants des employeurs et d’autant de représentants des salariés, « un paritarisme qui se passe à merveille, insiste Guy Durand, car nous travaillons tous main dans la main. En tant que chef d’entreprise, je connais des difficultés sur d’autres sujets » avec les autres partenaires syndicaux, « mais la question du logement est vraiment quelque chose qui nous rassemble ». Concrètement, Action Logement collecte en France une contribution des entreprises – la Participation des employeurs à l’effort de construction (Peec), à laquelle se joignent la Peaec pour le secteur agricole et la Pseec pour les entreprises normalement non assujetties – qui a représenté en 2019 1,69 Md€. À quoi il faut ajouter le remboursement des prêts consentis aux ménages et aux bailleurs immobiliers (1,35 Md€) : au total, l’organisme régnait ainsi, en 2018, sur la coquette somme de 3 Mds€. Résultat, « on a toujours une petite querelle avec [le ministère de l’Économie et des Finances à] Bercy sur l’utilisation de l’argent des entreprises, qui considère que celui-ci pourrait être versé au budget général de l’État… Mais on a un allié objectif, le ministère du Logement, car aujourd’hui, nous sommes le principal financeur de la politique de logement de l’État ! », sourit François Magne. Qui rappelle qu’à partir de 2020, l’exécutif « ne mettra plus rien dans le Fonds national des aides à la pierre (Fnap), qui finance les bailleurs, alors qu’il est abondé par Action Logement ».

UN ACTEUR DE POIDS DANS LE LOGEMENT

Grâce à ses larges poches, l’organisme finance les actions de deux pôles : Action Logement Services, qui assure la collecte et la redistribution des fonds dans les 13 régions « en fonction des besoins des territoires ». Ce qui, avec 1,3 Md€ distribués (dont 34 M€ pour l’Occitanie) en fait « le deuxième financeur du secteur social » : le pôle a ainsi réparti 551 903 aides aux salariés – dont plus de la moitié âgés de moins de 30 ans – pour un montant de 641 M€. Quant au deuxième pôle, Action Logement Immobilier, il construit et gère des logements sociaux et intermédiaires (dont les prix sont en général 10 % moins élevés que sur le marché libre): soit près d’un million d’habitations en France, dont 44 000 en Occitanie, réalisées pour des filiales locales comme Promologis, In’li, 3F Occitanie ou La Cité Jardins. Action Logement représente d’ailleurs un tel poids que, chez les bailleurs sociaux, « nous représentons 40 % des réservations » de logements dans les programmes immobiliers de construction neuve dans la métropole toulousaine, pointe François Magne. Grâce à cela, « nous avons aujourd’hui un parc locatif qui nous permet de loger tous les salariés », se félicite le directeur du Cral. Au total, l’année dernière, plus de 22 000 logements ont été livrés en France, et plus de 36000 programmés à la construction.

En outre, en 2018, Action Logement a signé une convention partenariale de cinq ans avec l’État pour engager 15 Mds€ afin de « contribuer à l’amélioration du logement en France », souligne à son tour Guy Durand, le président du Cral. Soit 3,5 Mds€ pour la programmation de la rénovation urbaine (PNRU), destinée notamment aux quartiers en difficulté comme « le grand Mirail, la Vache, Empalot ou à Colomiers », précise François Magne – qui tient à insister sur le fait que « derrière le financement de cette politique de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, 70 % viennent d’Action Logement ». Autre chantier au programme, la production et la réhabilitation de logements sociaux et intermédiaires pour 5,5 Mds€, ainsi qu’1,5 Md€ pour « redynamiser le cœur de ville » dans les villes moyennes – 25 en Occitanie, soit une à quatre par département.

À côté de cette initiative, « Action Logement a voulu s’engager encore plus en mettant en place un Plan d’investissement volontaire (Piv) pour compenser le désengagement de l’État dans les territoires et redonner du pouvoir d’achat », poursuit François Magne. Soit sept mesures représentant un investissement de 9 Mds€ : améliorer la performance énergétique des logements (1 Md€), favoriser la mobilité des salariés à travers une prime de 1 000 € pour les inciter à déménager pour se rapprocher d’un emploi (150 M€), développer des logements plus inclusifs pour les personnes vieillissantes ou dont la situation familiale change (1,55 Md€), transformer les locaux d’entreprise vacants en habitations (1,2 Md€), améliorer le logement en outre-mer (1,5 Md€)… Et surtout, produire plus de logements (pour moins cher), pour une enveloppe de 2,72 Mds€.

REPENSER LA DISTRIBUTION DES LOGEMENTS… ET DES LIEUX DE TRAVAIL

À la faveur du Piv, Action Logement a en outre « lancé un appel à manifestation d’intérêt auprès des bailleurs qui souhaitent démolir des logements sociaux obsolètes », explique François Magne. Dans le viseur, les habitations qui ont été construites il y a par exemple 60 ans, dans des zones qui étaient de vraies zones d’emploi comme Lavelanet, et dont nous avions accompagné le développement en y construisant. Mais aujourd’hui, on se retrouve avec des friches industrielles, des territoires en déprise démographique, et des logements qui n’ont plus lieu d’être ». Aussi Action Logement souhaite-t-il « contribuer à leur déconstruction auprès des collectivités et des bailleurs qui n’ont plus de ressources pour s’occuper de ce problème. Même si cela ne veut pas dire qu’il y aura uniquement de la démolition : il peut y avoir aussi de la reconstruction, à une échelle plus petite. Mais ce qui nous paraît avant tout raisonnable, c’est de démolir un immeuble en périphérie d’une ville moyenne, pour reconstituer ensuite une offre de logement au centre-ville, afin de lui redonner vie ».

De manière plus inattendue, Action Logement entend aussi contribuer au développement des tiers-lieux. Une envie née d’un constat : « les entreprises sont obligées d’avoir une vraie réflexion sur le télétravail », rappelle François Magne. Et pour cause : « il y a une embolisation des métropoles » à cause des embouteillages, fustige le directeur du Cral. « Quand vous habitez en périphérie de Toulouse, il faut quasiment deux heures pour arriver à son espace de travail ! » , à plus forte raison quand on n’habite pas dans les proches couronnes toulousaines… Sans oublier « qu’avec la fibre optique, nous pensons que les méthodes de travail vont considérablement évoluer, et que nous sommes à l’aube d’une révolution industrielle. Donc, alors que notre ADN était de rapprocher le domicile du travail, nous sommes en train de nous dire que ce ne serait pas plus bête de rapprocher le travail du domicile ! » D’où l’idée d’installer des tiers-lieux, comme des espaces de coworking, dans les rez-de-chaussée des petites villes qui ont été désertés par les commerces, « ce qui permettrait, là aussi, de redonner vie aux centre-ville et de rééquilibrer les territoires ». C’est pourquoi le Cral a mis en place une réflexion avec les entreprises pour définir un cahier des charges afin de « labelliser » ces nouveaux lieux – plutôt que d’encourager le télétravail à domicile, « puisque les gens n’ont pas forcément une pièce dédiée pour cela ». Une partie du Piv, 450 M€, sera d’ailleurs consacrée au soutien de ce dispositif de télétravail. Et déjà, à Gimont, dans le Gers, « nous travaillons avec un bailleur à la reconversion de l’ancienne usine de La comtesse du Barry, et avec Promologis, nous avons un autre projet à Muret, dans un quartier proche de la gare, et qui comprend à la fois des logements et un espace de coworking », détaille François Magne. Selon ce dernier, « 25 à 30 % des effectifs d’une entreprise de production, comme Airbus, pourraient être éligibles » à ce mode différent de travail, soit entre 7000 et 9000 salariés dans la région toulousaine.