Arnaud LecœurAu cœur des télécoms

Après un parcours dans des grands groupes et des start-up du secteur des télécommunications, il a créé sa propre entreprise. Une pépite en pleine croissance que la 5G devrait encore booster.

Un pionnier. Le mot résume assez bien le parcours d’Arnaud Lecœur. Le quadra a fondé son entreprise, Airmob, il y a cinq ans, après un parcours professionnel marqué par des allers et retours entre grands groupes et start-up du secteur des télécommunications : Orange, Neuf Cegetel, puis B3G et enfin SFR. Avec à chaque fois une même dominante : avoir été au cœur des évolutions technologiques qui ont rythmé le marché durant les 25 dernières années et participé à leur déploiement : la téléphonie mobile, le haut débit, la voix sur IP, les smart- phones… « Une chance », reconnaît le chef d’entreprise, ex-directeur régional Sud-Ouest du deuxième opérateur de téléphonie mobile, aujourd’hui à la tête d’une équipe d’une quinzaine de personnes et qui, pour son quatrième exercice, s’attend à doubler son chiffre d’affaires, à 3 M€. « Nous avons réalisé cette croissance sans jamais perdre de l’argent puisque dès le premier jour nous avons été rentables et nous n’avons pas eu à lever de fonds », pointe-t-il. C’est que l’entreprise d’Arnaud Lecœur surfe sur un marché en croissance : elle développe des solutions internet (4G, 5G, fibre) et de téléphonie d’entreprise fixe et mobile. Des offres exclusivement dédiées aux entreprises, sans engagement et livrables à J + 1, promet l’opérateur télécoms installé en plein cœur de Toulouse. Ces solutions ont séduit des grands comptes et plus de 500 PME. Une dynamique que la crise de la Covid, contraignant les entreprises à accélérer leur digitalisation, et l’arrivée de la 5G, ont boosté un peu plus. 

Soutenu dès l’origine par le réseau Entreprendre Occitanie Garonne, la Région Occitanie, via Créalia, et Bpifrance, le fondateur d’Airmob n’a pas eu besoin de faire une étude de marché pour se lancer dans la Ville rose. Un choix à la fois « personnel », motivé par l’envie de « se réinstaller dans une ville qu’on aimait, mes trois garçons et ma femme », autant que raisonné. « Nous sommes dans une région très aidante qui a de vrais atouts ». Airmob est en effet positionnée en partie dans l’Internet des objets. Et la présence de l’IoT Valley a là aussi joué « le rôle de booster », confirme Arnaud Lecœur. 

Ce fils et petit-fils d’entrepreneurs – son père a dirigé une grande minoterie à Senlis, dans les Hauts-de-France – a vécu toute son « enfance dans l’entreprise. Les notions de client, de production, ça me parle », résume-t-il. Diplômé de l’École Polytechnique et de Supelec, ce passionné de « maths, physique et sciences en général » reconnaît que l’idée de fonder sa propre entreprise l’a « toujours poursuivi ». Jusqu’à ce qu’une opportunité se présente. « En 2015, une nouvelle technologie est arrivée, le routeur 4G : une box dans lequel on insère une carte Sim qui permet d’apporter du haut débit ou du très haut débit aux entreprises. À l’époque, j’étais proche de CIC Mobile qui avait un accord avec les trois grands opérateurs, Orange, SFR et Bouygues Telecom. J’ai donc monté un accord avec eux pour avoir un accès à ces cartes Sim multi-opérateurs. » Avec ces routeurs 4G ainsi équipés, Arnaud Lecœur part à l’attaque du marché. « J’ai senti que cela répondait très bien, tout de suite, et je me suis lancé », se souvient-il. 

Une nouvelle fois, le fondateur d’Airmob défriche le terrain : « avant que le marché ne se crée, j’adore aller rencontrer les clients, comprendre le marché, imaginer des solutions, les construire. Cette démarche m’a toujours plu. » Du reste, l’ingénieur de formation le reconnaît : « il y a une chose qu’on n’apprend pas à l’école, c’est vendre. Du coup, je suis toujours resté dans les métiers commerciaux et le marketing. Parce que ce qui fait grandir une entreprise, outre ses salariés, ce sont ses clients. » 

Répondre à de nouveaux usages, des marchés de niche que n’adressent pas les grands opérateurs, c’est le credo d’Airmob. « Il s’agissait, à l’origine, de satisfaire un besoin auquel j’avais été moi-même confronté, explique-t-il. Vous êtes consultant dans une grande entreprise et vous ne pouvez pas vous connecter au réseau local pour des raisons de sécurité informatique alors que vous avez besoin d’un accès à internet pour travailler. Ou bien votre entreprise déménage, mais pas de chance ! L’installation de la fibre a pris six semaines de retard. Or tout est lancé, les cartons sont prêts, vous arrivez lundi… comment peut-on faire travailler toute une équipe sans connexion internet ? » L’entreprise innove sur le plan technologique mais aussi sur le plan des process et des services. « Nous sommes aujourd’hui les seuls en France à faire du J+1 pour une connexion internet. Les opérateurs historiques ne sont pas du tout sur cette problématique de délais. C’est pour cela que nous avons opté pour une technologie radio qui se déploie très vite et très facilement et tous les process de l’entreprise ont été organisés pour répondre au traitement rapide de commandes », détaille ce partisan du zéro papier. 

Outre les besoins télécoms des entreprises, Airmob couvre également des verticales métiers tels les objets connectés, deux activités qui ont crû en parallèle. « Nous sommes implantés sur le segment de marché des objets qui consomment de grandes quantités de data : les écrans et les caméras connectés, les centrales d’énergie verte qu’il s’agit de l’hydraulique, de l’éolien, du photovoltaïque, souvent situées dans des zones où la fibre n’est pas présente. Ces centres de production ont de gros besoins de remontées de data. Nous sommes aussi présents dans la gestion technique de bâtiments. Bref nous avons une approche verticale centrée sur les secteurs et les objets qui véhiculent plus d’un giga de data. » L’entreprise qui a débuté par un premier partenariat avec Cenareo, une start-up de l’IoT Valley, et ses écrans connectés, a également remporté un appel d’offres pour connecter les caméras de vidéo-surveillance d’une des cinq plus grandes villes françaises. 

La pandémie n’a pas été sans effet sur l’activité d’Airmob. « Quand la crise de la Covid est arrivée, elle risquait d’affecter le développement d’Airmob, détaille Arnaud Lecœur. Je me suis demandé comment diversifier l’activité. Selon moi, la crise allait rendre la digitalisation impérative pour toutes les TPE-PME. On en parlait depuis des années, cela se faisait à un rythme inégal. Mais depuis un an, la plupart des entreprises ont compris que ce n’était pas une option mais une obligation. Nous avons alors lancé Airmob Digital pour accompagner la transformation numérique des TPE-PME, à la fois pour leur permettre de vendre plus sur le web et leur fournir des outils de gestion interne. » Une diversification que le rachat d’une agence web, 3Wcom, en octobre, a encore accélérée. « Ce rachat nous permet surtout d’avoir une masse critique de compétences digitales, indispensable aujourd’hui », pointe le dirigeant. 

Aujourd’hui associé à Benoît Vallet – rencontré un an après la création d’Airmob – avec lequel il a développé « une offre inédite en France : une option IP fixe sur routeur 4G » – une « manière de sécuriser la communication » – particulièrement adaptée au télétravail, qui a fait décoller ses ventes en ligne, Arnaud Lecœur compte aussi sur la 5G pour accélérer. 

« Le champ des possibles est énorme. Pour reprendre l’exemple de l’entreprise qui déménage et où la fibre n’a pas été livrée, aujourd’hui, notre solution est adaptée pour 5 à 15 collaborateurs. Avec la 5G, nous allons pouvoir dépanner des entreprises jusqu’à 100 collaborateurs. S’agissant des centrales d’énergie verte, nos solutions 4G sont parfaitement adaptées parce qu’il n’y a pas d’exigence de temps réel. Mais on peut imaginer d’autres cas de figure comme des centres de soins déployés tels les hôpitaux de campagne ou dans le cas de la télémédecine, où la 5G sera beaucoup plus adaptée. Concevoir une solution clé en main pour ce type d’usage, c’est typiquement quelque chose que nous savons faire. » 

Membre d’un consortium dont l’opérateur toulousain Alsatis est le chef de file, qui vise à construire une solution verticale 5G interopérable, souveraine et sécurisée au sein des bâtiments, Airmob espère bien apporter sa brique à l’édifice, en assurant la continuité du service. 

« La 5G est pour nous une opportunité d’accélération. Cela correspond parfaitement aux produits et aux choix que nous avons faits dès l’origine. Nous avons ainsi signé un accord avec Orange en décembre et avec Bouygues ce mois-ci. L’idée est vraiment de rester leader sur les solutions télécoms pour les entreprises, qui s’appuient sur les technologies mobiles. On ne peut pas tout couvrir avec de la fibre. Les entreprises bougent en permanence, les salariés travaillent de plus en plus en dehors des murs de l’entreprise, les événements vont reprendre, etc. Il y a plein de cas d’usage où la liberté qu’apporte la radio est vraiment déterminante. » 

En s’installant à Toulouse, Arnaud Lecœur espérait gagner du temps de trajet. « Dans les premières années, j’ai moins utilisé le temps gagné chez moi pour profiter de ma famille que pour continuer à gamberger sur le projet, avoue-t-il. Mais cela va de mieux en mieux ! » Du temps qu’il peut mettre aujourd’hui à profit pour son autre passion : la montagne qu’il pratique en randonnée, en VTT électrique ou en ski de fond. Sa manière de se déconnecter… 

Parcours

1972 Naissance à Senlis, dans les Hauts-de-France
1993 Entre à l’École Polytechnique
1996 Intègre Supélec
1997 Rejoint TDF comme chef de projet
2001 Devient directeur des ventes chez Neuf Cegetel
2004 Rejoint la start-up B3G
2009 Nommé directeur commercial chez SFR à Toulouse puis Paris
2016 Fonde Airmob dans la Ville rose