Après avoir créé sa propre marque de souliers d’exception, la designer a ouvert à Troyes son atelier-showroom, où elle conçoit et fabrique à la main ses modèles.
«Mon avenir n’était pas du tout tracé, même si j’ai appris il y a quelques années, que mes deux arrière-grand-pères étaient bottiers-cordonniers. En faisant des recherches sur nos ancêtres, mon père a découvert qu’il y avait une confection de souliers dans le village de Soultzmatt, en Alsace ». Marie Weber a précisément grandi entre Munich, où elle est née, et le petit village alsacien de Rouffach. Pendant neuf ans, elle fréquente l’École française de Munich, avant de repartir en Alsace. Puis de retourner à Munich pour passer son Bac. « Mes grand-parents travaillaient dans l’industrie textile à Mulhouse. Mes parents nous ont inculqué à mes deux sœurs et moi cette notion du respect de l’artisanat, la culture du détail, des matières et des finitions », souligne-t-elle.
Bac en poche, c’est en 2009 qu’elle entre à l’École supérieure de design de Troyes. « J’étais déjà passionnée par la chaussure mais pas forcément par son savoir-faire et pas encore par la culture de sa technique ni son histoire », observe Marie Weber. Elle n’avait pas encore analysé leur forme, leur talon, ni pris conscience de ce qu’une chaussure apporte en tant que prestance : « Je trouve qu’une chaussure influe beaucoup sur votre démarche. Et vous positionne dans un espace, dans un groupe », fait-elle valoir. Au fur et à mesure, elle commence à dessiner des chaussures à l’École de design de Troyes, sans qu’il y ait pour autant de rapport avec sa formation. Et sa passion pour les souliers ne passe pas inaperçue. À tel point que ses amis l’amènent à réfléchir à une spécialisation dans ce domaine : « J’ai fait un stage de six mois à Paris, pour une marque qui s’appelait « Bonheur » à l’époque ». Puis en 2012, elle enchaîne avec un stage en bijouterie fantaisie, afin d’acquérir des notions sur le travail du détail. Avant d’orienter « son projet de diplôme de l’ESAA sur l’univers de la chaussure avec Cendrillon et ses chaussures de “vert”, qui reflétaient la société de consommation et qui en fait se décomposaient de par leurs matériaux et changeaient esthétiquement au fil des saisons ».
FORMATION À FLORENCE, EN ITALIE
Ce projet lui permet de préparer un master de design chaussures et sacs à l’école Polimoda de Florence, en Italie. « Cette école a été une révélation car dans la culture et l’éducation italiennes, on considère vraiment que le fait de faire nous rend meilleurs dans notre design et notre créativité. On avait différents profils de professeurs pour la théorie – histoire, tendances, développement d’une collection, marketing, comment raconter une histoire – et des profs artisans », explique la passionnée. Grâce à la préparation de ce master, Marie Weber comprend et découvre toute la technicité autour d’un soulier, « ce que l’on ne pourrait pas soupçonner juste en regardant, le nombre d’étapes mais également l’importance et la fatalité de chacune d’entre elles », insiste-t-elle.
La jeune designer trouve dans l’artisanat bien plus qu’une évasion mais une forme de méditation, où l’on reste concentré sur le détail. « Il y a une espèce de non droit à l’erreur – si le tranchet dérape, c’est retour à la case départ – qui implique beaucoup de concentration. Et cette concentration m’apporte bien des choses. Il y a également la satisfaction de passer du dessin à la réalisation ». Toujours est-il que pendant ces deux années passées à Florence, sa vie, c’était l’atelier. Si bien que lorsqu’il était fermé, elle se retrouvait en proie à une forme de frustration.
En 2015, Marie Weber est embauchée par la Maison Berluti, à Paris – après y être entrée pour un stage en 2014 comme assistant du designer soulier. Elle est formée à la tige avec des artisans d’exception. C’est en 2018 qu’elle ouvre son propre atelier à Troyes. « J’ai créé ma marque – Marie Weber – en 2014, avant de m’installer à mon compte, pendant une période de battement entre mon stage et mon emploi chez Berluti », se souvient la jeune femme. Elle était depuis 2011 en contact avec Francis Durosay, le responsable de la cordonnerie artisanale troyenne de la rue de Preize : « Cet artisan, que je considère comme mon papy du métier, m’a ouvert les portes de son atelier, m’a prêté ses machines, pendant des années ». Parti à la retraite, fraiseurs, machines à coudre et autres tenailles ont pris place au centre ville en 2016, lorsque la cordonnerie, alors reprise par Isabelle Baroni-Guibert, a déménagé rue du colonel Driant.
C’est dans ce lieu, transformé en 2018 par Marie Weber en atelier de confection, que celle-ci s’est installée pour à la fois lancer son projet – créer et fabriquer des modèles de chaussures sous sa propre marque – et travailler comme designer en free-lance (prestation de se vices et réalisation). « J’ai dû repenser l’atelier, même s’il y a des machines identiques à la cordonnerie et à la botterie. J’ai notamment créé un show-room pour accueillir les clients ».
FAIRE DES CHOSES QUI ONT UN SENS, UNE PERSONNALITÉ
« Ma formation, c’est plutôt le design que l’artisanat pur. Mais c’est vrai que j’ai énormément appris toutes ces années, notamment par la répétition des gestes. J’ai voulu me perfectionner en artisanat pour le mettre au service du design », analyse la dynamique Troyenne, toujours à la recherche de cet héritage français, européen et international même. Avec sa marque « Marie Weber », elle a d’ailleurs été sélectionnée par le Micam à Milan, en Italie, dans la catégorie Designer émergent. Ce qui compte pour elle, c’est de travailler avec des entreprises qui mettent du sens dans ce qu’elles font et avec des gens qui sont à la fois bons dans leur métier et passionnés : « Il est important d’essayer de préserver ces entreprises qui ont un savoir-faire et qui se battent encore pour le faire vivre et le faire évoluer en fonction des différentes problématiques sociétales ».
La mise en valeur de la main et de l’humain est primordiale à ses yeux. Savoir observer le résultat de tel ou tel projet artisanal permet de ressentir la sensibilité, les convictions de celui qui l’a réalisé. « Ce qui me passionne, c’est la notion de texture, de matière, de couleur. La notion d’empreinte aussi, l’idée de laisser une trace, de contribuer à quelque chose de spécial », glisse-t-elle. Une façon de comprendre une certaine valeur des choses, qui se traduit par le fait de consommer moins et mieux.