Pierre AzémarArtisan taille patron

Cet artisan-boucher de 36 ans est à la tête de Rouergue Saveurs, une boutique de 300 m2 spécialisée dans les produits frais du terroir à Rodez en Aveyron. Passionné par son métier, ce grand gaillard souriant porte à merveille le tablier comme le costume de dirigeant de PME.

Rouergue Saveurs va s’offrir une nouvelle parure pour ses 10 ans. Le magasin de l’artisan-boucher Pierre Azémar, installé en périphérie du centre-ville de Rodez, va être démoli dans quelques semaines, puis reconstruit. Le bâtiment actuel, récent, paraît pourtant adapté, et la crémerie, le coin traiteur, l’immense rayon boucherie, l’étal primeur et l’espace dévolu aux conserves sont bien organisés et achalandés. Mais cela ne suffit pas au patron. « Je veux réagencer le magasin, refaire l’espace de vente, installer un coin restauration. J’ai besoin d’un challenge, cela fait 10 ans, on a fini de rembourser les emprunts. » Cette réflexion illustre bien le caractère entrepreneurial de Pierre Azémar, qui avance vite, et cherche à se renouveler constamment.

Ce fils de boucher, qui donnait un coup de main dans le magasin familial avec ses deux sœurs quand il était ado, semblait prédestiné. Mais il aspirait à autre chose. Quoi ? « Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire ! » Il aime les chiffres, se débrouille plutôt bien dans les matières scientifiques, s’oriente vers un Bac S à Rodez, ville où il est né, puis un DUT mesures physiques à Toulouse. « L’idée c’était de partir sur le métier de technico-commercial, même si je ne savais pas trop ce que c’était. Je voulais avoir le diplôme le plus généraliste possible. »

Mais en 2004, Pierre Azémar comprend brutalement qu’il n’a pas pris la bonne direction. À l’occasion de son stage de fin d’IUT, il se rend compte que les boulots pour lesquels il a été formé ne lui correspondent pas du tout. C’est un coup dur, mais la lumière va émerger de la réflexion qu’il lance alors sur son avenir. Ce sera l’artisanat. « Dans ces métiers, on est maître de son destin, on fabrique quelque chose.» Il intègre alors l’affaire de ses parents, par facilité. Facilité ? Pas tant que ça. « Je n’avais pas du tout un sentiment de défaite. C’était un vrai choix. Azémar est un nom connu dans la boucherie à Rodez, j’étais attendu au tournant. »

Le futur patron de Rouergue Saveurs se retrousse les manches et reprend les études, avec un CAP en 2005 puis un brevet professionnel en 2007, tout en travaillant en alternance avec son père. Une fois diplômé, il commence en bas de l’échelle, comme ouvrier, et apprend. « Ce sont des métiers où l’on acquiert rapidement les compétences de base, mais après il faut du temps pour bien maîtriser. »

En 2010, l’envie de passer à la vitesse supérieure se fait ressentir. Son père a 56 ans, la retraite n’est pas pour tout de suite. Pas de succession en vue. Si Pierre Azémar veut « faire son truc », il doit se mettre à son compte. « Je me mets à la recherche d’un local, que je mets du temps à trouver. C’est un grand local, de 350 m2, trois fois la surface dont on a besoin pour une boucherie ! L’emplacement est super, mais le loyer est en rapport. Là, j’ai décidé de faire du traiteur et de commercialiser des produits frais. »

L’aventure commence en 2011, avec huit salariés. Plutôt audacieux pour une première affaire, surtout sans avoir réalisé d’étude de marché. Le jeune patron balaie l’argument de la prudence : « Parfois, dans la vie, il faut agir sans trop réfléchir ». Les débuts sont évidemment difficiles. « La première année, j’ai pris un jour de congé, la deuxième, deux jours, et trois pour la troisième. J’ai passé des mois à travailler du lundi au samedi de six heures à 19h30. Je me suis dit c’est comme à l’école, si tu travailles ça va marcher. Mais c’est plus compliqué que ça dans la vraie vie! » Pourtant, le pari est gagné rapidement. « Cela a pris tout de suite. On a mis deux ans avant de trouver l’équilibre. »

En plus du fromage, des fruits et légumes, des plats préparés et des conserves, Pierre Azémar a installé dans son magasin un petit plaisir. Une cave à maturation de la viande. Quand il en parle, ses yeux brillent. Le terroir et l’amour des bons produits font vibrer son accent aveyronnais, que n’auraient pas renié Maïté et son programme La Cuisine des mousquetaires. Une viande qui noircit n’est pas forcément bonne à jeter à la poubelle. « La viande de bœuf, quand elle a été préparée dans de bonnes conditions, elle ne ment jamais. Elle ne peut pas mentir. Une viande qui n’est plus bonne, vous ne la mangeriez pas, vous le sentez à l’odeur. »

Cet hyperactif, qui dirige aujourd’hui une PME d’une vingtaine de salariés, est également vice-président de la Chambre des métiers et de l’artisanat de l’Aveyron et président de la section aveyronnaise du Centre des jeunes dirigeants, après avoir été président du syndicat des bouchers du département de 2012 à 2018. Les responsabilités, Pierre Azémar les a prises par « goût du bien commun », mais pas seulement. « Je me suis impliqué pour m’obliger à mettre en place un processus de gestion. L’idée c’est de faire évoluer les collaborateurs. Si on est tout le temps dans son entreprise, on ne laisse pas la place aux autres pour progresser. » S’il passe pas mal d’heures en réunion à l’extérieur, il prend le temps, le vendredi et le samedi, de se glisser derrière le comptoir pour le plaisir du contact avec les clients et celui de travailler avec ses mains.

Quand on l’interroge sur la santé des entreprises en Aveyron, Pierre Azémar, plutôt loquace sur tous les sujets, marque un temps de pause. « La crise du Covid a rebattu les cartes. Je suis un optimiste anxieux, mais là c’est l’aspect anxieux qui ressort. » Autre temps de pause. « On a 35 ans, on ne va pas baisser les bras ! C’est l’énoncé du problème qui a changé, mais on va trouver des solutions. Et puis, il y a des idées chez les jeunes entrepreneurs. »

Finalement, le côté optimiste reprend le dessus… Il montre d’ailleurs l’exemple, lui qui lance de gros investissements cette année. Ses employés et les produits de Rouergue Saveurs vont passer plusieurs mois sous des chapiteaux pendant les travaux. Une sorte de confinement pas très confortable. Mais la boutique flambant neuve devrait ouvrir ses portes aux clients avant la fin de l’année.

Parcours

1984 Naissance à Rodez
2004 DUT mesures physiques à Toulouse après un Bac S. Après avoir réalisé qu'il s'est trompé d'orientation, il intègre la boucherie familiale.
2007 Brevet professionnel en boucherie, après un CAP dans la même spécialité
2011 Ouverture de son magasin, Rouergue Saveurs, à Rodez
2012 Devient président du syndicat des bouchers de l'Aveyron
2016 Devient vice-président de la Chambre des métiers et de l'artisanat
2021 Le local de Rouergue Saveurs va être démoli, puis reconstruit