Artilect étrenne ses nouveaux habits

Nicolas Lassabe

Nicolas Lassabe, fondateur et président du fablab toulousain Artilect.

Après 10 ans d’existence, le fablab toulousain va emménager en mai dans ses nouveaux locaux du centre de Toulouse, afin de se rapprocher du grand public et des entreprises.

Serait-ce le début de l’embourgeoisement ? Début mars, le fablab Artilect a annoncé le déménagement en avril de ses locaux historiques, situés à la Patte d’Oie dans le quartier des Arènes, pour l’hôtel particulier dit de la Belle Paule rue Tripière, non loin de la place Esquirol, pour une ouverture début mai. Une décision qui clôt deux ans de recherche, et qui « satisfait pleinement » le cofondateur et président d’Artilect Nicolas Lassabe, pour qui cette nouvelle implantation « va permettre de pérenniser la structure, car nous avons acheté ces locaux » de 280 m2 pour 860K €– un prix qui comprend les travaux d’aménagement, et que le responsable trouve raisonnable étant donné la localisation. Ainsi, celui-ci rappelle que « cela fait la quatrième fois que nous déménageons » depuis la création d’Artilect en 2009 et, « après avoir monté des choses assez lourdes en termes d’événementiel quand Toulouse a accueilli le festival international des fablabs » Fab14 en juillet 2018, « nous avions envie de nous poser dans un lieu qui nous donnerait des perspectives et où l’on savait qu’on n’aurait pas à en bouger par la suite ». Signe peut-être aussi, avec cette adresse élégante des beaux quartiers de Toulouse qu’en 10 ans, le fablab a gagné ses lettres de noblesse… après que, pendant des années, la fabrication numérique n’ait été considérée par beaucoup que comme une activité marginale seulement digne des geeks.

Pour Nicolas Lassabe, s’il y a effectivement eu depuis une « reconnaissance », en particulier des pouvoirs publics – dont la Région Occitanie et Toulouse Métropole – cette localisation a été surtout motivée par le fait que « cela faisait longtemps que nous cherchions à nous établir dans l’hypercentre, car tant les étudiants que les entreprises recherchent des locaux comme les nôtres » pour y travailler, étudier la fabrication numérique, expérimenter voire lancer leur propre business. Manière aussi de toucher d’élargir l’audience, « car jusqu’ici, les fablabs ne sont pas encore très connus du grand public, et le fait d’être en centre-ville va nous permettre de toucher une nouvelle catégorie de personnes afin de leur faire découvrir la fabrication, comment personnaliser des objets… »

Reste qu’à Saint-Cyprien, le fablab disposait, outre ses 300 m2 de locaux, d’une gigantesque halle de plusieurs milliers de mètres carrés où l’on pouvait entreposer ses produits ou ses machines. « Pour l’instant, nous sommes encore en train de chercher une solution à l’extérieur de la ville », explique Nicolas Lassabe, qui évoque des sites potentiels dont un du côté de Blagnac, pour une installation qui devrait se concrétiser dans les mois prochains. En ce qui concerne le lieu de la rue Tripière, « nous aurons à cet endroit quatre activités : bien sûr, pour commencer, les machines de fabrication seront toujours là pour qu’on puisse les utiliser, et offrir à la communauté des makers un endroit pour se retrouver, ainsi qu’un Fabcafé pour accueillir le grand public. De plus, une autre activité très importante sera la formation destinée à ce dernier et aux professionnels, par exemple pour une entreprise qui voudrait former ses collaborateurs » à l’utilisation des imprimantes 3D. Lesquelles sont également courtisées à travers une partie « événementiel » à travers une grande salle privatisable pour « des afterworks et des séminaires, car nous savons que les entreprises cherchent justement pour cela des lieux un petit peu atypiques », estime Nicolas Lassabe.

GARDER L’ESPRIT ORIGINEL

Toujours, ajoute-t-il, « en conservant l’esprit des makers tout en augmentant son impact ». Ce qui suppose un changement de paradigme car « depuis deux ou trois siècles, on a séparé la conception, le design, du « faire ». Or, grâce aux fablabs et aux machines connectées au numérique, cela permet de se réapproprier la technologie, la façon de fabriquer et de produire. L’esprit fablab, c’est d’apprendre aux gens à faire par eux-mêmes par exemple un prototype alors qu’il y a encore une vingtaine d’années, cela aurait coûté beaucoup trop cher ». Et même, qui sait, de relocaliser la production – même si, note Nicolas Lassabe, « tout le monde ne devient pas entrepreneur ». Et celui-ci de prévenir : « on voit des offres en ligne de fablabs qui proposent d’imprimer des objets grâce à des fichiers envoyés en ligne. Mais pour ceux qui se basent uniquement sur la mise à disposition de leurs machines, le modèle économique est très compliqué. La valeur ajoutée ne passe pas par les machines, car n’importe qui peut en acheter une » pour quelques centaines d’euros aujourd’hui, « mais par le fait d’avoir une communauté, et de répandre des connaissances que les gens n’ont pas en trouvant d’autres personnes avec qui échanger ».

De manière plus générale, le président d’Artilect trouve qu’en 10 ans, « les fablabs se sont développés en France : on en compte aujourd’hui plus de 350 » alors qu’au départ, « nous étions le tout premier du genre. On voit des entreprises qui en créent en interne, sans oublier que plus de 4000 membres sont passés par Artilect, ce qui est plutôt satisfaisant pour une structure associative ! » même si, reconnaît-il, « nous aurions évidemment aimé que les choses se fassent plus vite ». De même, « il y a encore beaucoup de choses dans le numérique et la personnalisation, ainsi que dans la création de start-up ou d’entreprises plus classiques spécialisées dans le « faire », mais le bilan est déjà très positif ».