ARD rapproche l’innovation des marchés

Du laboratoire au démonstrateur industriel, ARD dispose d’un savoir-faire et d’équipements pour mener des recherches sur des projets portés par ses actionnaires du monde agricole (Vivescia et Cristal Union). Crédit: Axel Coeuret

Créé il y a trente ans par le monde agricole, ARD (Agro-Industrie Recherche et Développement) est au cœur des innovations de la bioraffinerie de Bazancourt-Pomacle.

En acquérant fin 2018 la plate-forme Futurol de la société Procéthol-2G (dont le process de production de biocarburant de deuxième génération doit être commercialisé mondialement en partenariat avec Axens et l’IFP EN, ARD a fait plus que reprendre les 12 collaborateurs de la société dont elle était actionnaire (comme Vivescia, qui détient elle même 61 % d’ARD) : « Cela nous permet à la fois d’étendre notre expertise et notre offre dans le prétraitement de la biomasse et d’accéder à de nouvelles capacités de mise à l’échelle de procédés de bio- technologies ».

Directeur général d’ARD depuis juillet 2018, Jean-Christophe Duval estime que cette première acquisition d’ARD doit contribuer à transformer le centre de recherche et développement en un modèle économique durable. Entré dans l’entreprise en 2015 en tant que directeur du développement et à la direction de la filiale Wheatoleo, celui qui a succédé à Yvon Le Hénaff (retraité mais toujours président du Pôle IAR) présente la palette d’ARD (15 M€ de chiffre d’affaires, 100 salariés) qui œuvre dans les bio-technologies, la chimie verte et l’extraction végétale. Autant d’activités qui doivent lui permettre à terme de rentabiliser un investissement de 22 M€ dans son démonstrateur (2009) et de 7,5 M€ dans ses nouveaux locaux inaugurés en 2015.

Prenons le cas de Wheatoleo, une start-up en plein développement. Elle mobilise une équipe de 13 collaborateurs et génère déjà 2 M€ de chiffre d’affaires. La société crée des tensioactifs innovants pour les marchés de la détergence, de l’industrie ou encore des produits phytosanitaires et des herbicides. À base de ressources végétales, les tensioactifs produits intéressent de nombreux secteurs pour se substituer aux produits pétrochimiques, c’est notamment le cas dans la production de glyphosate. « Nous travaillons avec la société Phyteurop pour produire un herbicide appelé Buggy Greenline où les co-formu- lants végétaux remplacent justement un tiers des adjuvants chimiques », explique le dirigeant, qui rappelle que cette recherche s’effectue depuis une dizaine d’années.

TROUVER LE BON DOSAGE DE PRESSION RÉGLEMENTAIRE

L’interdiction annoncée du glyphosate pourrait cependant menacer l’avenir de cet herbicide rendu plus vert grâce à Wheatoleo. Jean- Christophe Duval estime nécessaire de trouver le bon équilibre, la bonne formule pour progresser sur le plan environnemental et sanitaire, tout en intégrant les contraintes de la production agricole et le temps nécessaire à la recherche. « La pression réglementaire peut être positive pour opérer les changements », ajoute-t-il. D’autres marchés, comme la possibilité que les tensioactifs soient une solution pour le forage en mer, sont en tout cas étudiés pour amener la filiale d’ARD à l’équilibre d’ici deux ans, avec l’objectif d’atteindre plus de 4M€ de chiffre d’affaires en cinq ans.

PRODUIRE EN ATTENDANT LA CONSTRUCTION
D’UNE USINE

En parallèle de sa start-up, qui s’inscrit dans la lignée de Soliance revendue au groupe cosmétique Givaudan en 2014, les deux tiers de l’activité d’ARD proviennent « de prestations d’accélération et de mise à l’échelle de solutions, du laboratoire à l’industrialisation ». Pour des grands groupes comme pour des start-up, l’entreprise marnaise mène ainsi des recherches pour optimiser et valider des process. Avant d’intégrer le démonstrateur disposant d’un fermenteur de 180 m3, les différents travaux passent ainsi par le pilote (entre 1 et 10 m3) après leur naissance en laboratoire. « Nous devons tenir compte des objectifs de coût et de performance de nos clients pour leur livrer un procédé robuste avec toutes les données nécessaires », précise Jean-Christophe Duval. Et au-delà de la validation du concept, ARD ajoute une autre corde à son arc, celle de commencer à produire, notamment pour ne pas attendre qu’une unité industrielle soit construite : « Nous avons identifié un besoin sur ce segment, entre le démonstrateur et l’usine ».

DE NOMBREUX PROJETS POUR SES CLIENTS

Parmi les projets en cours, citons celui de Global Bio-energies qui vise à produire de l’isobutène biosourcé pour la cosmétique ou encore les carburants. Fin 2018, la société annonçait avoir reçu des intentions d’achat couvrant la capacité de production (entre 49 000 et 64 000 tonnes par an) d’IBN-One. Ce projet d’usine est porté avec Cristal Union, également actionnaire d’ARD qui cherche aussi à optimiser la distillerie Cristanol. Pour Fermentalg, ARD produit de l’huile de microalgues riche en DHA (oméga-3) dont l’action est recherchée dans la santé au niveau du cerveau et du cœur.

Bien d’autres recherches sont menées dans des domaines aussi variés que les bioplastiques ou encore des ingrédients alimentaires pour le groupe Corbion. Sans oublier des projets avec le Genopole Evry et bien d’autres acteurs… « Nous sommes en contact avec deux start-up américaines dont une a levé 400 M€ », ajoute- t-il sans pouvoir en dire plus pour le moment.

Zoom sur les bio-intrants

Créé pour le monde agricole, ARD ne se contente pas d’inventer des nouveaux débouchés à la filière, l’entreprise répond aussi à une préoccupation des agriculteurs, celle de réduire les consommations de produits phytosanitaires et d’engrais. « Nos programmes de recherche sur les bio-intrants, financés par le Grand Est, doivent par exemple permettre de lutter contre les maladies (bio-contrôle) des céréales ou développer des solutions de bio-fertilisation des sols à base de micro-organismes. Les premiers résultats sont positifs et encourageants mais il faudra encore du temps (cinq ans pour le pilote, dix pour la mise sur le marché) afin de passer de la micro-parcelle aux champs et à la vigne ». Enjeu majeur, ce projet a été intégré au projet du triangle marnais InnoBioECO2 dans le cadre du dispositif national TIGA (Territoire Innovant de Grande Ambition). Avec les acteurs du territoire et en premier lieu la Région, Jean-Christophe Duval (photo) annonce aussi sa volonté « de créer un accélérateur de start-up ».