Archeon donne un nouveau souffle au massage cardiaque

« Dans la mythologie grecque, Archeon est le fleuve séparant le royaume des morts du monde des vivants », confie Alban De Luca,co-fondateur de la société éponyme qui entend sauver les vies qui pourraient l'être. Archeon vient d’être sélectionnée parmi les 500 meilleures start-up Deeptech de 119 pays. Ce concours international reconnaît les start-up les plus prometteuses développant des technologies de rupture pour améliorer le quotidien de chacun.

La health tech bisontine accueillait en janvier 2018, une nouvelle start-up. Co-fondée par deux ingénieurs, l’un en biomédical et le second en systèmes électroniques embarqués, Archeon développe un outil intelligent d’aide à la réanimation cardiovasculaire, qui indique notamment au sauveteur l’exacte quantité d’oxygène à administrer au patient en détresse respiratoire, afin d’accroître ses chances de survie.

L’arrêt cardiaque est la première cause de mortalité dans le monde. Cela représente 17 millions de décès annuels sur l’ensemble de la planète et 60.000 morts par an en France. Des chiffres qui selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) devraient doubler d’ici à 2024 en raison de l’augmentation des maladies cardiovasculaires et du vieillissement de la population. Une situation que la jeune entreprise bisontine Archeon entend bien améliorer. À sa tête, un duo de spécialistes. Alban De Luca, son président est ingénieur biomédical au CHRU de Besançon, formé à l’Institut supérieur d’ingénieurs de Franche-Comté (ISIFC). Pierre-Édouard Saillard, son directeur général, est ingénieur en systèmes électroniques embarqués et travaillait pour l’entreprise bisontine Polycaptil, spécialisée en électronique, optoélectronique et mécatronique. « En situation d’urgence vitale, chaque détail peut faire la différence, affirme Alban De Luca. Sur le terrain, le manque de technologies adaptées aux environnements hostiles et à une utilisation en condition de stress est un obstacle à la mise en œuvre de soins de qualité. Les gestes de premiers secours sont effectués à 90 % par des secouristes, qui ne sont pas forcément des experts du cardiaque. Ils ont souvent très peu de matériel et ne font pas for- cément les gestes de réanimation correctement ». Dans le détail, l’opération nécessite idéalement deux secouristes. Le premier pratique un massage cardiaque qui remet le cœur en mouvement pour irriguer le cerveau en sang et donc en oxygène. À partir d’un certain temps, un second intervenant intervient en ventilation. Cela crée une pression positive dans les voies aériennes du patient qui gonfle les poumons et dilate les vaisseaux pulmonaires, permettant l’administration d’oxygène et surtout l’élimination du gaz carbonique. Ces deux opérations, si elles ne sont pas exécutées parfaitement, augmentent fortement les risques de séquelles neurologiques et de mortalité. « Dans la pratique, on relève 80 % de cas d’hyperventilation. Ce fléau réduit de 70 % les chances de survie du patient. Depuis 20 ans, le taux de survie en cas de réanimation cardiaque plafonne désespérément à 5 %. La mission que s’est fixée Archéon est de proposer des technologies de rupture fondées sur le développement de capteurs innovants et sur l’intelligence artificielle pour permettre aux premiers secours une meilleure prise en charge des urgences vitales », explique Alban De Luca. De quoi s’agit-il concrètement ? « L’idée est née au service d’urgence du CHRU Jean- Minjoz à Besançon, où j’effectuais des missions de coordination. Un besoin de précision, en situation d’urgence vitale, avait été détecté par le docteur urgentiste Abdo Khoury. De 2012 à 2017, avec le Centre d’investigation clinique du CHRU, nous avons réfléchi à une solution pour aider les acteurs de la réanimation (pompiers, ambulanciers, associations humanitaires…) à prendre des décisions vitales et effectuer les bons gestes. Le challenge étant de réussir à apporter sur le terrain un outil de pointe, qui soit à la fois performant, intuitif et ne nécessitant que peu de gestes techniques ».

VERS UNE SOLUTION GLOBALE

Le projet associe la société Polycaptil et son ingénieur en systèmes électroniques embarqués Pierre-Édouard Saillard. Une collaboration profitable qui pousse les deux futurs dirigeants à racheter leurs travaux et deux brevets pour créer Archeon, en février 2018. La start-up étant hébergée par la pépinière d’entreprise de Temis Innovation à Besançon. « Des machines de monitoring pour le massage cardiaque existent déjà sur le marché, mais rien n’avait été imaginé au niveau de la ventilation. Nous avons donc conçu une interface, un dispositif de monitoring et de diagnostic de la ventilation qui se place entre le ballon et le masque respiratoire qui permet de guider le secouriste par un retour visuel et sonore sur la qualité de la ventilation pratiquée. L’intervention est ainsi standardisée dans sa pratique (le dispositif est paramétré sur les recommandations internationales en ce qui concerne les valeurs de fréquence ventilatoire et de volume) et devient efficace en toutes circonstances quel que soit le niveau d ’ expérience de l’utilisateur. Dans le détail, un capteur non invasif innovant couplé à une intelligence embarquée analyse les échanges gazeux de la ventilation, ainsi que son rythme. Des pictogrammes de couleur : zone verte, bleu et rouge alarment sur les paramètres ventilatoires (Fréquence, volume insufflé, volume courant, fuites pour mauvaise position du masque… ) . L’appareil réalise également des auto-diagnostics en temps réel qu’ils confrontent aux valeurs cibles. Toutes ces données sont enregistrées et transférées pour une amélioration continue du dispositif », précise Alban De Luca tout en indiquant que la prochaine étape d’évolution de leur technologie de rupture est la prise en compte de la globalité de la problématique de l’arrêt cardio-vasculaire en synchronisant leur solution à un dispositif similiaire qui contrôlerait le massage.

Testé avec les équipes du Samu de Besançon sur 140 patients, le prototype d’Archeon a pu démontrer une augmentation de 75 % de la performance de la réanimation. Autre atout du dispositif : une réduction du temps d’hospitalisation et des coût de réhabilitation. « Une ventilation efficace et protectrice permet de réduire le temps de séjour en soins intensifs de 2,4 jours, cela représenterait, en France, une économie potentielle de 7.653 euros par patient pour la caisse d’assurance maladie rien qu’en frais d’hospitalisation et environ 1.528 euros pour les mutuelles, soit un gain annuel de près de 380 millions d’euros », lance le fondateur. Archeon a été lauréate du concours iLab 2018, récompensant les start- up les plus prometteuses de la Deep Tech (porteuses de technologies de rupture). La jeune pousse a obtenu une bourse French Tech Emergence à sa création et bénéficie des aides régionales à l’innovation. Un prototype fonctionnel fera l’objet d’essais cliniques au printemps, notamment au centre de formation parisien de la Croix-Rouge française « mais aussi auprès des sapeurs-pompiers de Paris. Ce qui devrait nous offrir une belle visibilité et un retour d’expérience important : ce sont en effet les premiers acteurs de l’arrêt cardiaque, avec plus de 5.000 cas par an ». Le produit devrait être finalisé dans le courant de l’été, pour une industrialisation à l’automne. Une levée de fonds est prévue fin 2019 pour une mise sur le marché programmée vers la mi-2020.

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