Spécialiste en archéologie et géologie, cette Auboise réalise des lames de micromorphologie pour les chercheurs du monde entier.
Ce sont les visites de musées, de grottes et autres cités antiques qui, depuis son plus jeune âge, l’ont éveillée à l’archéologie. Après une enfance passée dans la région de Nantes, Sabrina Save et sa famille sont parties s’installer près d’Aix-en-Provence. En 2001, un BAC “S” en poche, obtenu à Gardanne, dans les Bouches du Rhône, elle se serait bien vue suivre des études dédiées à la fois à l’archéologie et la géologie. « À cette époque-là, ce n’était pas possible. J’ai alors opté pour un DEUG d’histoire de l’art et archéologie, à Aix-en-Provence. Avant de poursuivre par une licence, un master 1 et un master 2 en archéologie », se souvient-elle.
« J’ai un attrait pour les sciences et j’avais toujours cette idée de combiner l’archéologie et la géologie. Parallèlement à mes études, j’ai fait des stages tous les étés en tant que bénévole sur des chantiers de fouilles. Sur ces chantiers – que tout le monde peut faire d’ailleurs – on peut choisir différentes thématiques, en fonction de ses centres d’intérêt. En ce qui me concerne, cela a été l’aspect environnemental et les sciences. J’y ai noué de nombreux contacts, qui m’ont beaucoup servi par la suite », relate la jeune passionnée.
Pendant quatre ans, elle a ainsi participé en Lorraine à des campagnes de fouilles du site archéologique du briquetage de la Seille, datant de la fin de l’âge de bronze à la conquête romaine. L’occasion pour elle, comme pour les autres archéologues en herbe, notamment, d’étudier l’impact que l’Homme a eu de longue date sur l’environnement, – et ce, dès l’époque des Gaulois, il y a près de 2 500 ans – lors de l’exploitation des sources salées de la vallée de la Seille. Une véritable industrie du sel ayant par exemple provoqué déboisement, érosion accrue et apparition des marais…
CRÉATION D’ENTREPRISE
Une fois diplômée, elle travaillera pendant un an au service archéologique d’Aix-en-Provence. Avant de créer sa propre entreprise en 2007.
« Avec des gens que j’ai rencontrés en Lorraine, nous avons lancé la société Amélie, études environnementales & archéologie. Je me suis ainsi associée à Joseph Kovacik, un des directeurs du chantier où j’ai travaillé l’été pendant plusieurs années – et qui est devenu mon mari. La troisième associée est Amélie Louis, une infirmière que j’ai connue en tant que bénévole, et dont le prénom commençant par A comme Archéologie nous a inspirés pour nommer la société », explique la co-fondatrice et dirigeante. La spécialiste en radiologie et géochimie s’intéresse en premier lieu à la paléo-pollution et l’impact humain sur la chimie des sols au niveau du site et du paysage. Voilà bientôt treize ans que la société Amélie étudie l’environnement en combinant les analyses physiques, chimiques et biologiques pour expliquer les sites archéologiques : « On utilise les sciences au service de l’archéologie en réalisant par exemple des analyses chimiques sur des objets, comme de la céramique, des bijoux, du verre, pour comprendre comment ils ont été fabriqués ».
LAMELLES, LAMES ET MICROSCOPE
En février 2018, Sabrina Save a passé un mois à l’Université de Cambridge, en Angleterre. C’est en discutant qu’elle a appris que cet unique laboratoire Mc Burney de géoarchéologie allait fermer. « Le professeur Charles French et le docteur Tonko Rajkovaca m’ont proposé de me former gratuitement à l’art et à la science de la préparation de coupes minces. J’y suis retournée trois fois pour six mois de formation », fait valoir la chef d’entreprise auboise.
Il y a un an, la dirigeante de la société Amélie a ainsi créé Terrascope Thin Section Slides, un laboratoire dédié à la production de lames de micromorphologie de section mince de haute qualité, de celles qui permettent d’étudier au microscope la composition de sols et de sédiments, notamment, pro-venant de sites archéologiques. « Nous pouvons également préparer des lames pour une grande variété d’autres matériaux, dont la céramique, le torchis, la brique de boue et le carrelage ainsi qu’à partir de carottes et d’échantillons de sédiments géomorphologiques et géologiques », ajoute la spécialiste passionnée.
Pour cette activité complémentaire de la société Amélie, celle-ci a dû investir dans des équipements : « Nous avons acheté une rectifieuse, servant à amincir les prélèvements; une sonde à vide, pour aspirer l’air et faire pénétrer la résine ; un microscope et une hotte pour aspirer et filtrer les résines ». Le laboratoire est également équipé d’une salle de coupe humide séparée et dédiée, équipée d’une scie de coupe et de dalle refroidie à l’eau, où les blocs de sédiments, imprégnés de résine transparente à l’eau, sont taillés et tranchés en lamelles de 30 microns avant d’être montés sur des lames de verre de taille appropriée : « Il faut que ce soit complètement transparent pour que l’on voit et comprenne bien les sites archéologiques. »
UNE CLIENTÈLE MONDIALE
Une dizaine de laboratoires en Europe se partagent le marché, dont deux privés, un en Allemagne et celui de la société que dirige Sabrina. « Nos débouchés sont principalement à l’exportation. Nous travaillons par exemple pour les universités de Barcelone, en Espagne, d’Édimbourg, en Écosse, pour des instituts de recherches privés comme Max Planck, en Allemagne, pour l’Académie des sciences de Prague, en République tchèque. Et nous avons des contrats avec les USA et bientôt la Corée du Sud, énumère-t-elle. Notre laboratoire a produit 125 lames minces en 2019 et devrait, d’ici trois quatre ans, en produire 400 par an. Le temps que tout le monde nous connaisse et que l’on se fasse un réseau de clientèle ».
