Après le rush, retour à la normale ?

En première ligne pour rendre compte des évolutions du marché, les notaires ont dévoilé les chiffres d’activité des douze derniers mois. Un bilan marqué, malgré deux mois de confinement, par une hausse des volumes et une envolée des prix.

«Spectaculaire», c’est ainsi que Philippe Pailhès, président de la chambre interdépartementale des notaires qualifie l’année qui vient de s’écouler. Le coronavirus et le confinement qui en a résulté ont en effet largement bouleversé la donne. C’est ce qu’il a expliqué aux côtés de Frédéric Giral, notaire à Caraman, à l’occasion de la présentation à la presse le 29 septembre d’un bilan du marché immobilier pour le département de la Haute-Garonne pour la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, réalisé par la société Min Not.

De fait, les professionnels ne s’attendaient pas à de tels chiffres. Le volume des ventes accuse une légère baisse en Haute-Garonne (-3,4 % au global), tiré vers le bas par une chute de 22 % des acquisitions de logements neufs sur la période, elle-même due à une production de logements en très net recul. « Les élections municipales ont conduit au blocage de nombreux permis, explique Philippe Pailhès. Les promoteurs n’ont donc pas été en capacité de faire des propositions de vente, n’ayant plus de stocks. » Et alors que les officiers ministériels considéraient l’année 2019 comme un cru record s’agissant des volumes de vente des appartements anciens, les chiffres collectés entre juin 2019 et juin 2020 montrent sur ce segment de marché une nouvelle progression en Haute-Garonne, de l’ordre de près de 6 %. Tandis que le marché des ventes des maisons, lui, reste stable (+0,2 %).

Sur le marché haut-garonnais toujours très dynamique, les prix continuent de progresser. Sur la période considérée, ils ont en effet bondi de 8,9 % pour les appartements anciens (contre +7 % pour la province) et de 6,7 % pour les maisons anciennes (versus +5,1 % en province).

Le prix médian des appartements anciens s’établit de fait à 2570 €/m2 en Haute-Garonne, l’Occitanie enregistrant de fortes disparités géographiques : le Gers et l’Ariège affichent des prix médians bien moindres (respectivement 1 340 €/m2 et 1210 €/m2).

Parmi les communes de plus de 150 000 habitants, Toulouse, qui concentre 80 % des ventes dans le département, se classe, comme l’an dernier, au septième rang, s’agissant des prix des appartements anciens, derrière Lyon, Bordeaux et Nice qui constituent le podium. Viennent ensuite Nantes, Lille et Rennes. L’autre métropole régionale, Montpellier, se situe, elle, en neuvième position.

VALEUR REFUGE

La Ville rose, où le prix médian des appartements anciens s’élève à 2900€/m2, en hausse de 8,4 % en un an, n’est pourtant pas la plus chère du département, Balma lui ravissant la première place avec un prix médian de 3 180 €/m2, en progression de 7,9 %. En tête du classement, figure en troisième position Saint-Jean (2 820 €/m2), suivi de Blagnac (2 662     €/m2, +5,6%) et Castanet-Tolosan (2 650 €/m2, +4,6%).

Et la tendance à la hausse ne paraît pas devoir s’infléchir si l’on en juge par les prix affichés dans les avant-contrats reçus par les notaires qui grimpent inexorablement, à 2760€/m2 en juillet, gagnant 100 € par rapport à avril.

« Après trois ans d’augmentation, on n’avait pas connu une pareille inflation des prix depuis plus de 15 ans », observe Philippe Pailhès, qui équivaut à une progression de l’ordre de 20 % en trois à quatre ans. « Le début d’année était sur la lancée de 2019, très actif. Après le confinement qui a marqué l’arrêt des échanges, nous pensions qu’il y aurait une stabilisation et une reprise progressive. Cela n’a pas été le cas, il y a eu un rush, qui s’explique par un phénomène de rattrapage, mais pas seulement. Le confinement a provoqué une réflexion, certes moins marquée qu’en Île-de-France, sur un changement d’habitat. Des personnes ont vendu leur appartement pour acheter une petite maison, et d’autres ont vendu à Toulouse, parce que la pratique du télétravail étant désormais assez bien établie, ils considèrent que s’ils sont deux jours en télétravail, ils peuvent faire l’effort de passer un peu plus de temps dans les transports sur les trois autres jours », détaille le président de la chambre interdépartementale des notaires. Le phénomène, qui se dessine seulement dans ce bilan au 1er juillet 2020, devrait être plus marqué dans prochaines statistiques, analyse Me Pailhès. « En tout état de cause, contrairement à ce que nous imaginions, le confinement a provoqué une suractivité très surprenante, confortée aussi par la notion de valeur refuge. Pendant le confinement, beaucoup de clients, voyant l’écroulement de la Bourse, ont pris peur. Les petits épargnants ont reporté leurs économies sur le livret A et ceux qui avaient un peu plus d’épargne, ont converti leurs placements financiers en investissement immobilier. »

REFUS DE CRÉDITS PLUS NOMBREUX

Si en août et début septembre, l’activité est restée calme, la deuxième quinzaine paraît un peu plus dynamique quoique, observe encore le professionnel, « elle est contrebalancée par le fait que, si les taux d’intérêt sont toujours très attractifs, les conditions d’accès au crédit se sont durcies. Nous le constatons dans nos études : entre les promesses de vente et les contrats définitifs, il y a beaucoup plus d’échecs dans l’obtention du crédit que l’an dernier». La tendance, observée depuis le 1er janvier, se confirme : « ils sont deux à trois fois plus nombreux que l’an passé », précise Philippe Pailhès.

Les prix des appartements anciens augmentent quasiment dans tous les quartiers de Toulouse, une vingtaine affichant des progressions à deux chiffres, confirmant le caractère « spectaculaire » et « atypique » de cette année. C’est le cas à Saint-Georges, le plus coté où les étiquettes flambent à 5 130 €/m2, en hausse de 14,5 %, Saint-Étienne (5 100 €/m2, +5,8%), Capitole (5 020 €/m2, +13,2%), les Carmes (4 790 €/m2, +8,9%) et Arnaud Bernard (4 700 €/m2, +16,8%), complétant le top 5 toulousain. « Ces prix ne sont pas en adéquation avec la situation. Nous sommes sur un marché de réaction, un marché de crise, mais une crise de compensation pas de déflation », précise le professionnel. Lequel note toutefois que les quartiers populaires connaissent des évolutions de prix beaucoup moins marquées. « Par rapport aux quartiers les plus prestigieux, nous sommes désormais sur un rapport d’un à cinq (Papus clôt le classement avec 1 050 €/m2, NDLR). On ne peut que constater que le phénomène de fracturation, observé depuis quelques années, s’accentue ».

En Haute-Garonne, le marché des maisons anciennes profite lui aussi du rush, avec une hausse du volume des ventes de 0,2 %. Le prix médian s’établit à 247 000€, en hausse de 4,7% sur un an. Soit plus du double des prix constatés en Ariège (109 600 €). Dans la Ville rose, les acheteurs doivent désormais débourser 370 000 €, prix médian, pour s’offrir la maison de leur rêve, c’est 8,8 % de plus que l’an dernier, quand le budget grimpe à 463 500 € à Balma où les prix ont bondi de 13,4 %. Dans la première couronne, Tournefeuille (360 200€,+11,4%), Blagnac (352 600 €) et Castelmaurou (339 300 €) complètent le palmarès. Cette envolée des prix se confirme au vu des avant-contrats enregistrés par les notaires en juillet, le prix médian grimpant dans le département à 280 000 €.

« On constate un retour en arrière, précise Frédéric Giral. On observait depuis plusieurs années que le marché de la maison individuelle souffrait un peu, les gens se recentrant dans les villes, près de leur travail, afin de ne pas perdre de temps dans les transports. Désormais on voit une petite inversion, avec l’évolution des mentalités sur la qualité de vie, privilégiant des surfaces plus grandes, de l’air. »

Marqué par un problème d’offres, les mairies cherchant à juguler le phénomène de mitage, le marché des terrains à bâtir, jugé linéaire voire en difficultés depuis plusieurs années, enregistre en Haute-Garonne un recul du volume des ventes de 10,4 % en même temps qu’une légère contraction des prix (-1,1 %), le prix médian s’affichant à 84 000 €. Cependant, dans le secteur toulousain, c’est un budget sensiblement supérieur qu’il faudra prévoir pour acquérir un terrain, le prix médian, en hausse de 3,4 %, grimpant à 136 500 €, loin devant le secteur de Léguevin (104 000 €, +4 %) et celui de Castanet-Tolosan (102 000 €, +1,5 %).

TENDANCE SPÉCULATIVE

Le portrait-robot des acquéreurs évolue légèrement. Les cadres supérieurs représentent désormais 35 % des intervenants sur le marché immobilier, contre 31 % l’année précédente, alors que les 30-39 ans qui captaient 35 % de part de marché, ne représentent plus que 32 % des acquéreurs. Traduction pour Philippe Pailhès : « L’augmentation des prix commence à avoir une influence sur la capacité des jeunes à entrer sur le marché. Ils ne réussissent à accéder à l’immobilier que grâce aux dispositifs tels que prêt à taux zéro, «prix maîtrisés» que les communes imposent aux promoteurs, prêt social location-accession (PSLA), etc. Si ces dispositifs n’existaient pas, la part des jeunes serait plus vraisemblablement de 25 % ».

De fait, selon Philippe Pailhès, « il y a plus de spéculation ». En témoigne cette part accrue des cadres supérieurs parmi les acquéreurs mais aussi le fait qu’« on vend plus vite en termes de durée de détention ». La part des ventes concernant des biens détenus depuis plus de 15 ans a ainsi régressé de 35 % l’an dernier à 29 % désormais, tandis qu’« on voit réapparaître sur le marché des biens moins de cinq ans après leur acquisition ».

Comment va évoluer le marché dans les mois à venir ? « Il serait anormal que le marché immobilier confirme de telles performances alors que l’économie et la situation de l’emploi se dégradent. D’autant que la politique d’admission aux financements s’est durcie, pointe Philippe Pailhès. Un marché de réaction n’est pas un marché pérenne. Tout ça va se calmer. »