Avec la crise liée au Covid-19, de nombreux chantiers ont dû subitement stopper, notamment ceux commandés par les collectivités. Si au début du confinement, les professionnels se sont inquiétés d’un éventuel arrêt des appels d’offres et instructions des permis de construire, les collectivités assurent poursuivre les investissements prévus.
Il suffit de se promener dans les rues des villes et villages de la région pour apercevoir des engins de chantier immobilisés, des palissades derrière lesquelles plus aucun bruit ne s’échappe. Avec les mesures de confinement, c’est toute une économie qui a été stoppée net, dont l’exemple du bâtiment et travaux publics en est une illustration criante. Après quelques jours de latence, le secteur du bâtiment était appelé à retourner sur le terrain par la ministre du Travail elle-même, dans une allocution particulièrement remarquée et qui entraîna l’incompréhension des responsables des fédérations de professionnels. Travailler, oui, mais à quel prix ? Quid des conditions de sécurité, premiers enjeux pour une reprise en toute quiétude ?
UN GUIDE DE PRÉCONISATIONS DE SÉCURITÉ SANITAIRE
La FNTP, la FFB et la CAPEB, en lien avec l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) ont donc mis en place un Guide de préconisations de sécurité sanitaire. « La priorité des entreprises du BTP est d’adopter des mesures de prévention protégeant la santé de leurs collaborateurs, conformément aux responsabilités des employeurs, et de les inciter à veiller sur leur santé, leur sécurité et à celle de leur entourage, peut-on lire en préambule du guide de l’OPPBTP. Dans le contexte de cette crise sanitaire d’ampleur exceptionnelle, la mise en œuvre de ces mesures est une condition incontournable des activités du BTP. Il appartient à chaque entreprise d’évaluer sa capacité à s’y conformer et de prendre les dispositions nécessaires. »
La première étape pour la reprise d’activité est donc, pour les entreprises, de tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des chantiers, avec comme point de tension, la disponibilité de masques. La seconde étape se joue au niveau des collectivités elles-mêmes. Dans un courrier adressé aux intercommunalités de la Marne en date du 9 avril, le préfet, Pierre N’Gahane indique « lors de la cellule économique de crise ce jour, les représentants des entrepreneurs m’ont rapporté une difficulté qui se pose à nombre d’entre eux qui souhaitent retrouver une activité rapidement. Ils m’ont fait part d’une incompréhension quant à l’arrêt des appels d’offres et de l’instruction des permis de construire. »
INCOMPRÉHENSION
Étonnement du côté des collectivités, pour ne pas dire consternation… À Châlons-en-Champagne par exemple, « il n’a jamais été question d’arrêter les appels d’offres », insiste Jérôme Mat, Conseiller municipal et Président de la SEMCHA (Société d’économie mixte de la Ville de Châlons-en-Champagne et de l’agglomération châlonnaise).
« Les services continuent le travail engagé. Si les chantiers ont été suspendus, c’est d’un commun accord avec les entreprises avec lesquelles nous travaillons par ailleurs, ensemble, à une reprise. »
Ce à quoi abonde Catherine Vautrin, pour le Grand Reims. « Nous étions déjà en ordre de marche avec toutes les antennes du Grand Reims. Nous avons reculé les appels d’offres d’un mois en attendant les sorties d’ordonnances, même s’ils restent tous d’actualité. En ce qui concerne les paiements, nous les honorons bien évidemment. » Prenant les exemples des chantiers du complexe aqualudique ainsi que celui de la salle évènementielle, elle l’assure : « Nous sommes en lien avec les entreprises et les maîtres d’œuvre pour une reprise dès que possible dans les meilleures conditions. »
Et si pour Hervé Noel, président de la Fédération régionale des travaux publics Grand Est, « la majorité des collectivités jouent le jeu », un des freins à une reprise rapide est le contrat de coordinateur SPS (sécurité et protection de la santé) qui doit être entièrement réécrit à la lumière des exigences Covid-19. Non seulement, les mesures sanitaires sont extrêmement pointues, « il y a urgence à avoir du matériel de protection », mais le nombre de salariés a chuté de « 70 à 80% » sur ce dernier mois. « Il faut repenser totalement l’organisation des chantiers, avec le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage. »
Concernant l’instruction des permis de construire, le Gouvernement a publié, au Journal officiel, une nouvelle ordonnance qui raccourcit d’un mois la suspension, initialement prévue, des délais d’instruction des permis de construire et des demandes d’urbanisme lisé à l’état d’urgence sanitaire.
Cette suspension sera donc levée à compter du 24 mai. « L’ordonnance du 25 mars avait pour effet de retarder tous les projets de construction de trois mois après la période d’urgence sanitaire. Ce dispositif, en paralysant le secteur de la construction, constitue un frein important à la relance de l’économie, alors même que, dès la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, les recours pourront s’exercer dans les conditions normales. L’ordonnance prévoit ainsi que les délais de recours ne seront plus prorogés comme prévu par l’ordonnance du 25 mars mais suspendus. (…) Cette disposition permet d’éviter tout risque de paralysie du secteur de la construction qui aurait pu constituer un frein important à la relance de l’économie », précise ainsi le ministère de la Cohésion des territoires dans un communiqué.
« TRAVAILLER SOUS ENVIRONNEMENT COVID JUSQU’À LA FIN DE L’ANNÉE »
Professionnels et collectivités s’accordent sur une reprise progressive des chantiers, dans le strict respect des normes de sécurité, et ce, au delà de la période de levée de confinement. « On s’attend à travailler sous environnement Covid jusqu’à la fin de l’année », confie Hervé Noël.
« Aujourd’hui, on commande du matériel en espérant avoir un mois d’autonomie, notamment s’agissant des masques. » Les prochaines semaines, le président de la Fédération régionale des travaux publics Grand Est estime que les salariés qui avaient soldé leurs congés reviendront travailler pour atteindre 80% des effectifs opérationnels d’ici mi-mai.