Lise Bésème-PiaAmbassadrice de la gastronomie ardennaise

Lise Bésème-Pia

Lise Bésème-Pia.

Ecrivaine boulimique, Lise Bésème-Pia, 76 ans, a signé 65 ouvrages sur la cuisine et le patois des Ardennes.

Hormis la gourmandise et la curiosité du terroir, rien ne la destinait à devenir auteur de livres de cuisine. Préparatrice en pharmacie à Renwez de 1960 à 1976, la native de Sécheval a commencé à s’adonner à l’écriture lors d’un exil de 28 ans dans la Marne saupoudré de quelques escapades dans les Ardennes.

« Les années passées à Montmirail, Dormans, Epernay et Reims où j’ai suivi mon mari Daniel, cadre d’EDF, et au cours desquelles j’ai apprécié le milieu vigneron champenois ne nous ont pas empêché de nous réfugier souvent dans la maison que nous possédions à Sécheval. A l’occasion de ces visites, avide de mes racines, j’ai commencé à répertorier des recettes tout en me remettant à parler le langage de mes ancêtres et voisins ».

Si bien que dans les années 1980, Lise Bésème-Pia crée un lexique en patois, « Mon enfance à Sécheval, le parler de chez nous » et « Flaves drolatiques de notre village ». 3.700 mots et expressions répertoriés avec persévérance dans un cahier d’écolier puis sur son ordinateur.

« À l’époque, aucun éditeur n’était intéressé par ce sujet trop pointu. Moi-même, l’idée ne m’avait jamais traversé l’esprit. C’est Henri Vastine, propriétaire d’une petite imprimerie à Revin et créateur du musée de la forêt à Renwez, qui m’a convaincu de sortir ce lexique et la monographie de mon village à compte d’auteur. Et cette première production que je pensais réserver à ma future descendance a plutôt bien marché au point d’être réédité à plusieurs reprises dont la dernière, il y a un an, aux Editions Harlaut ».

UN ENGRENAGE INFERNAL

À partir de là, Lise va consacrer une partie de son temps à écrire des ouvrages sur la cuisine à partir de documents glanés ici ou là et d’enquêtes menées sur le terrain. « J’ai écouté différents témoins du passé, découvert des recettes tombées depuis longtemps en désuétude dans les familles ardennaises et dont on ne parlait plus tout en liant aussi des réseaux à travers la France. ».

En 1991, elle prend donc le relais de Monique Esquerré-Anciaux en rédigeant un livre culte « 365 recettes du Pays d’Ardenne », considéré comme la bible de la gastronomie ardennaise.

« Un libraire sparnacien, Jean- Charles Vaillant, m’avait mis en contact avec l’éditeur langrois, Dominique Guéniot, lequel après bien des hésitations a fini par me prendre le livre. À l’époque, la cuisine n’était pas aussi dans le vent qu’aujourd’hui. Maintenant, cet ouvrage est toujours demandé ». Les ventes firent, en effet, un carton. « Mon fils, alors affrêteur en Australie l’a découvert chez un ressortissant français à Sydney »

Depuis, la gastronomie et ses à-côtés suscitent beaucoup plus d’intérêt chez les lecteurs.

« Dans ma famille, on cuisinait modestement mais bien et beaucoup. Ca mijotait dans la cuisine. Et dès l’âge de 10 ans, j’ai été sensibilisée aux odeurs des plats. J’ai alors commencé à confectionner des fiches de cuisine. Tous ces souvenirs me sont revenus en tête et j’ai voulu enrichir cet acquis au gré de discussions avec les anciens. En voulant mieux connaître les secrets de terroir, j’ai exhumé tout un savoir-faire patrimonial. Chaque plat détaillé dans le livre fut ainsi l’occasion de rappeler le contexte historique et traditionnel (croyances, fêtes, et anecdotes) se rattachant à la cuisine via l’histoire de la région. Chaque recette étant replacé dans son contexte de coutumes et de traditions, fêtes et métiers. Voilà pourquoi, mes livres ravivant beaucoup de souvenirs chez les gens».

Un véritable travail ethnographique que ce cordon bleu n’a cessé par la suite d’explorer. « Si j’ai la force et l’envie, ce sujet inépuisable peut me permettre d’écrire jusqu’à la fin de mes jours », sourit celle qui n’est donc pas prête de disparaître des radars.

« LA CUISINE, C’EST UN PATRIMOINE ! »

Le succès obtenu par ses deux premiers ouvrages, « conçus dans l’insouciance et le divertissement » (sic) mais avec beaucoup de passion, ont motivé Lise Bésème-Pia à continuer dans cette voie.

« Ce qui était jusqu’alors un plaisant dérivatif à ma condition de femme au foyer est alors vite devenu un métier. J’ai alors pris mon bâton en allant chez les gens chercher le détail des recettes. Ce travail-passion a enrichi mon existence à travers les contacts humains ». Au fil des années et des nombreuses parutions, Lise Bésème-Pia n’a cessé de ressusciter les recettes oubliées du passé et de faire le bonheur des gourmets.

Comme, entres autres, la soupe du temps de Carême et une bouillie de céréales et de lait à base d’huile de faînes. Ou encore le vinaigre à rougir aromatisant la matelotte de poisson de la Meuse et la liqueur de berger de Champagne à partir d’un thym sauvage.

En un peu plus de 30 ans et à force d’investigations menées sur ces deux terrains de prédilection, les Ardennes et la Marne, mais aussi l’Ouest Atlantique (1993) et la Vendée (2003), l’écrivaine prolifique a compilé 65 ouvrages. En réalisant des travaux sur le biscuit rose préfacé par Patrick Poivre d’Arvor, le Pain d’épice de Rheims et « Les boissons de campagne » (frénette, piquette, goutte, vins de fruits) qui doit être prochainement réédité.

Mais aussi trois ouvrages sur les cucurbitacées, « La salade au lard en Champagne Ardenne, « La cuisine au champagne », « Les recettes de nos grands-mères », « Les légumes anciens des potagers de la Champagne-Ardenne et de l’Aisne dont le second tome est en cours de rédaction ou « A la table des Saints », le livre de Saint Nicolas et Noël en Champagne-Ardenne.

Sans oublier l’histoire de l’ascension sociale de Ginette Delaive-Lenoir, une femme sans aucun diplôme gastronomique qui, après avoir travaillé à deux reprises en cuisine sur le paquebot « France », tint un célèbre restaurant une étoile à Auvillers-les-Forges avec son frère et son mari, sommelier.

Bon nombre de ces publications sont actuellement en cours de réimpression. Un registre qui a suscité la reconnaissance de grands cuisiniers comme Marc Veyrat, Bernard Loiseau et Gérard Boyer et permis de nouer des collaborations avec de nombreux éditeurs : Flammarion, De Borée, De la Martinière, Equinoxe, Edisud…

« Cela m’a permis de valoriser nos Ardennes dans toute la France ». Et d’être à sa façon l’ambassadrice de son terroir sur le plan gastronomique.

Après les ouvrages : « Les confitures sauvages, « Les galettes , gaufres et gaufrettes », « Les cakes des grands-mères ardennaises et champenoises », le livre du Temps des Cerises et sur l’asperge blanche de Champagne, Lise Bésème-Pia toujours aussi inspirée et curieuse des saveurs va se remettre à table en ciblant, cette fois, le Ratafia, Marc de champagne, Fine de la Marne et Rose de Provins. Au fait quel est son plat préféré ? La réponse fuse : « En Ardenne, La bayenne ! » À savoir des pommes de terre coupées en deux qu’on fait cuire avec l’épluchure dans une cocotte en fonte contenant déjà des oignons. Les pommes de terre doivent cuire à la vapeur avec des herbes aromatiques. On sert ce plat avec des filets de hareng saur, du jambon sec d’Ardennes ou un saumon fumé accompagné de tartines de beurre et d’un Sauterne. « Et quand je suis dans ma maison vendéenne, un plateau de fruits de mer avec du muscadet du terroir ».

Parcours

1944 Naissance à Sécheval.
1960 Préparatrice en pharmacie à Renwez.
1978 Première collecte des traditions de terroir.
1988 Sortie de son premier livre « Mon enfance à Sécheval, le parler de chez nous ».
2010 Parution du livre « 365 recettes du Pays d’Ardenne ».